Alors qu’il est adolescent, Albertico Dache prend la difficile décision de mettre un terme à sa scolarité pour apprendre le métier de cordonnier. Un choix qu’il ne regrette nullement.
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Dans cette société de consommation, la cordonnerie est une profession qui disparaît peu à peu. Cependant, Albertico Dache, plus connu sous le nom de Tico, le cordonnier, fait partie de ces irréductibles qui restent fidèles à leur métier. Cela fait un demi-siècle qu’il exerce son métier. Et pourtant, sa passion est toujours aussi vivace. Aujourd’hui âgé de 63 ans, le cordonnier gère seul son petit atelier sis à la Route Royale à Saint-Pierre.
Tout commence par un mauvais coup du sort quand, à l’âge de 14 ans, Albertico Dache, qui habite alors à Port-Louis, se fracture le pied. Du coup, il rate quatre mois de scolarité. Découragé, il arrête l’école et décide d’apprendre le métier de cordonnier aux côtés de ses oncles. Après deux ans d’apprentissage, il acquiert suffisamment pour voler de ses propres ailes. « J’ai rapidement compris les rouages du métier. J’avais trouvé ma voie », confie-t-il.
À l’âge de 17 ans, il prend de l’emploi chez Shanghai Shoes comme fabricant de chaussures. Albertico Dache fera vite bonne impression. Si bien qu’on lui offre un poste de cadre. Après sept ans à Shanghai Shoes, il prend la difficile décision de démissionner pour lancer son propre business.
Atelier de cordonnerie
Il n’a que 24 ans quand il ouvre son atelier de cordonnerie. N’ayant pas trouvé d’emplacement à Port-Louis, il vient s’installer à Saint-Pierre. Il revient sur cet épisode de sa vie : « C’était assez compliqué de faire le trajet de la capitale tous les jours. Ainsi, au bout de deux ans, j’ai déménagé pour prendre une maison à Saint-Pierre. Quand on est entrepreneur, il faut consentir à des sacrifices. Toujours sur le plan personnel, c’est au bout de 11 ans que j’ai pu acquérir une maison à Dagotière et que je me suis vraiment stabilisé », relate-t-il.
Revenons à sa profession. Comme tout bon artisan, un cordonnier doit être bien équipé, insiste-t-il. L’un des outils dont il ne peut se passer est l’alêne. Il s’agit d’un poinçon servant à percer le cuir avant la couture. « L’alêne est un outil indispensable. Elle permet de réaliser des points de couture à intervalle régulier. Sans elle, il est difficile d’exercer le métier », explique-t-il.
Autre outil essentiel : la forme à monter. C’est une structure articulée en bois qui est placée dans une chaussure pour en élargir une partie ou parfaire sa forme. Cet outil permet aussi de tenir la semelle et la tige de la chaussure durant sa réparation. Dans sa boîte à outils, l’on retrouve également le fameux tranchet. C’est une lame avec laquelle il coupe le cuir et la peau des chaussures. Mais, précise Albertico Dache, il ne s’en sert pas tout le temps. Ainsi qu’une pince emporte-pièce – outil qu’il utilise pour réaliser les trous destinés aux lacets –, différents types de marteaux, pinces et ciseaux et de la colle spéciale.
Valeurs fortes
Quand il revient sur sa carrière, Albertico Dache se dit qu’il a su mener à bien sa barque. Aujourd’hui encore, dans son atelier, les chaussures s’empilent. Le travail ne vient jamais à manquer. S’il a réussi en tant qu’entrepreneur, c’est qu’il croit en des valeurs fortes. « Il faut être sérieux dans son travail et respecter ses clients. Et être honnête pour gagner leur confiance. Mais ce qui compte le plus, c’est le savoir-faire. On ne s’improvise pas cordonnier. C’est un métier qu’on maîtrise après des années de pratique. En ce qui me concerne, je peux réparer n’importe quel modèle de chaussure. C’est à la sueur de mon front que je suis devenu l’artisan que je suis », lance-t-il.
Malgré sa belle longévité, notre cordonnier concède qu’il a connu des moments difficiles, surtout quand il a démarré son business. « Au début, je n’avais pratiquement pas de clients. Toutefois, je ne me suis pas découragé. Mais, après un an, les choses ont commencé à se porter mieux. Je suis devenu réputé à Saint-Pierre. Et depuis, tout marche comme sur des roulettes. Mes clients sont souvent des habitués qui reviennent parce qu’ils sont satisfaits. Ils sont principalement de Saint-Pierre, mais aussi des régions avoisinantes comme Quartier Militaire et Nouvelle Découverte. Comme je me plais à le dire, mes clients sont âgés de 7 à 77 ans », lâche-t-il avec le sourire.
Albertico Dache se dit un homme ouvert. Il voit les autres cordonniers opérant dans la localité non pas comme des concurrents, mais comme des confrères. « Nous sommes solidaires et quand nous rencontrons des difficultés, nous nous aidons mutuellement ». En tant que vétéran dans son corps de métier, il estime qu’il est, du reste, de son devoir d’épauler un plus jeune confrère quand il le faut.
Concernant ses projets, Albertico Dache n’en a pas vraiment. Il a déjà tout accompli dans sa vie. Son métier lui a permis de fonder une famille et de donner la meilleure éducation qui soit à ses enfants. Et d’observer : « Aujourd’hui, grâce à Dieu et à mon métier, je gagne mon pain quotidien. Et cela me suffit ! »
Aucun investissement en vue
Disposant de tous les équipements dont il a besoin, Albertico Dache ne pense pas investir à l’avenir dans l’acquisition de nouveaux outils. Le cordonnier, fait-il remarquer, est un artisan qui excelle dans le travail manuel. Et quand on gère un petit atelier, il n’est pas nécessaire d’investir dans la mécanisation de ses opérations.
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