Législatives 2019

Tendance : l’abstention électorale en hausse depuis 2005

Électorale

En 2014, le pays avait eu le plus fort taux d’abstention électorale jamais enregistré au cours de ces 30 dernières années. C’était aussi l’année où les votes invalides avaient connu une hausse considérable, passant de 5 775 en 2010 à 7 843 en 2014. Quelle tendance pour les élections du 7 novembre 2019 ? Éléments de réponses.

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Le taux d’abstention a franchi la barre des 20 % en pas moins de trois occasions. La première fois remonte à 1995, avec un taux de 20,6 %. C’est l’année durant laquelle Navin Ramgoolam, alors candidat sous la bannière de l’alliance PTr/MMM, accède pour la première fois au poste de Premier ministre. Le pays connaît son deuxième 60-0 après 1982.

La deuxième fois où le taux d’abstention dépasse les 20 % remonte à 2010. Il est alors de 22,2 %. L’alliance PTr/PMSD/MSM est plébiscitée. Navin Ramgoolam est reconduit au poste de Premier ministre pour un deuxième mandat consécutif. En 2014, le taux sera plus élevé, passant à 25,9 %. C’est l’année qui verra le sacre de l’Alliance Lepep (MSM/PMSD/ML), avec sir Anerood Jugnauth comme Premier ministre.

Cette année-là, le pays connaît le plus fort taux d’abstention électorale jamais enregistré au cours de ces trois dernières décennies. Sur les 936 975 électeurs inscrits au registre de la commission électorale, 242 615 ne s’étaient pas rendus aux urnes. Cela signifie qu’un quart des électeurs s’était abstenu. En 2010, sur les 879 897 électeurs enregistrés, 195 129 n’avaient pas accompli leur devoir civique. En 1995, sur les 715 179 électeurs recensés dans le registre électoral, 147 342 s’étaient abstenus.

A contrario, c’est aux élections de 1987 que le taux d’abstention a été le plus faible, soit 11,1 %. Sur les 621 885 électeurs inscrits cette année-là, seulement 68 733 ne s’étaient pas rendus aux urnes. En 1991, le taux d’abstention était de 14,6 %. Plus concrètement, 99 366 électeurs s’étaient abstenus sur les 680 836 recensés. En 1983, le taux d’abstention était de 14,8 %, soit 79 938 sur un total de 537 122 électeurs.

L’abstention électorale n’est pas la seule ennemie que les candidats redoutent. Il y a aussi les votes invalides. Après avoir connu un « peak » de 8 832 en 1995, leur nombre a graduellement baissé au fil des élections, passant à 6 829 en 2000, à 5 922 en 2005 et à 5 775 en 2010. En 2014, alors que l’abstention est à son plus haut niveau, le nombre de votes invalides connaît lui aussi une remontée considérable, atteignant 7 843.

Année Nb. d’électeurs Nb. de votants Nb. d’abstentions Taux d’abstention (en %) Nb. de votes valides Nb. de votes invalides Votes valides (% total des votes)
1983 537 122 457 519 79 938 14,8 452 221 5 298 98,8
1987 621 885 553 152 68 733 11,1 546 623 6 529 98,8
1991 680 836 581 470 99 366 14,6 573 419 8 051 98,6
1995 715 179 567 837 147 342 20,6 559 005 8 832 98,4
2000 779 431 630 292 149 139 19,1 623 463 6 829 98,9
2005 817 305 666 298 151 007 18,5 660 376 5 922 99,1
2010 879 897 684 768 195 129 22,2 678 993 5 775 99,2
2014 936 975 694 360 242 615 25,9 686 517 7 843 98,9

*Nb. signifie nombre


Dharam Ghokool : « La génération Y ne se retrouve pas dans les partis traditionnels »

Le phénomène est mondial. C’est ce qu’affirme l’ancien ministre Dharam Gokhool lorsque nous lui demandons son avis sur la hausse du taux d’abstention électorale. Phénomène qu’il impute aux « Millennials », communément appelés la génération Y. Il s’agit de personnes qui sont nées dans les années 1980 et au début des années 1990.

« Ceux-là ont grandi dans un contexte où les autorités n’ont pas vraiment eu d’emprise sur eux. Cette culture de discuter et de vouloir participer est inscrite en eux. Or, ces jeunes-là ne se retrouvent pas dans les partis politiques dits traditionnels », analyse-t-il.

Dharam Gokhool estime qu’une solution serait de mettre sur pied des plateformes afin d’intégrer les Millennials. Selon lui, les sujets qui les intéressent et qui les incitent à se mobiliser sont l’environnement, la lutte antifraude et le combat contre la corruption. « À Maurice, on commence à mettre en place ces plateformes. Mais les maintstream parties peinent à mettre sur pied ces espaces auxquels les jeunes de la génération Y peuvent s’associer », dit-il.  

L’ancien ministre estime que ce type d’électeurs pourrait être tenté de voter blanc, histoire d’envoyer un message aux formations politiques. « C’est une forme d’expression de désapprobation. C’est aussi un appel au dialogue dans le sens où ils ne se sentent pas écoutés », dit-il.

Pour Dharam Gokool, tout dépendra du contenu des messages que les leaders politiques des gros partis adresseront à l’assistance ce dimanche lors des grands rassemblements. « Si les jeunes parviennent à s’y retrouver, on pourra espérer une mobilisation de leur part », avance-t-il.


Jack Bizlall : « Un taux d’abstention lié au boycott »

Dans ce qui suit, Jack Bizlall analyse la situation qui prévalait en 2014, au moment des élections. Selon lui, les résultats du scrutin de cette année-là sont liés au contexte particulier qu’il y avait à ce moment-là. D’un côté, dit-il, il y avait deux partis populaires, en l’occurrence le PTr et le MMM, dont l’élection était, selon lui, quasi assurée si on tient compte du fait qu’ils disposaient du soutien majoritaire.

Cependant, poursuit-il, le projet de IIe République avec un président au pouvoir accru a engendré deux mouvements. « Primo, un vote de sanction qui aura été bénéfique au MSM et à la gauche révolutionnaire.

Secundo, une abstention parmi les sympathisants des deux partis car ils n’avaient pas adhéré au projet de leur parti », dit-il.

Continuant son analyse, il indique que le MSM n’a pas « une base conditionnelle politique » comme le PTr ou le PMSD. « Le MSM a une base d’électeurs qui ont des choses à gagner à différents niveaux. Les personnes du troisième âge, à travers la pension de vieillesse, en sont un exemple. Le MSM obtiendra donc des votes corporatistes. Le PTr a, quant à lui, une base de famille », considère Jack Bizlall. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il prévoit, pour les élections du 7 novembre 2019, un taux d’abstention lié au boycott, bien qu’il concède qu’il lui est difficile de quantifier ce taux. Il faut aussi, selon lui, tenir compte des électeurs qui votent blanc. C’est-à-dire ceux qui prennent leur bulletin et le mettent tel quel dans le ballot. Leur vote n’est donc pas comptabilisé. « Il y a également le vote nul où les gens s’expriment parfois sur leur bulletin à travers des écrits ou encore ceux qui votent pour plus ou pour moins de trois candidats. En excluant les votes blancs et nuls, si les élections parviennent à apporter entre 25 % et 30 % d’abstentions, tout en enlevant les 20 % de non-participation, la différence sera le noyau qui permettra de changer le pays », soutient Jack Bizlall.

Il ajoute que le vote blanc est un phénomène qui prend de l’ampleur à l’international. « Un certain nombre de personnes a commencé à exprimer son rejet pour la politique à travers le vote blanc. Dans nombre de pays, les votes de contestation sont en hausse, sans compter les grandes manifestations qui sont organisées », conclut-il.

 

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