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Téléphones sur écoute, données interceptées : que permet réellement la loi ?

Dans un pays à taille réduite comme Maurice, la notion de vie privée est précieuse. Si les conversations à l’intérieur des foyers sont protégées, qu’en est-il des échanges numériques ? Les récentes révélations sur des pratiques de surveillance de masse à l’échelle mondiale ravivent les inquiétudes concernant l’écoute ou l’interception des communications électroniques. C’est ce qui ressort du dernier Newsletter du bureau du Directeur des Poursuites Publiques (DPP) publié ce vendredi. 

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La surveillance de masse désigne la collecte de données telles que les appels, activités en ligne, données de localisation ou biométriques. Bien qu’elle puisse s’avérer utile pour prévenir des actes terroristes ou des crimes graves, elle constitue une atteinte au droit à la vie privée si elle n’est pas strictement encadrée par la loi.

À Maurice, la Constitution protège ce droit à travers les articles 3(c) et 9(1), qui garantissent la confidentialité du domicile et interdisent les perquisitions ou intrusions non justifiées. Toutefois, ces droits ne sont pas absolus. Ils peuvent être restreints pour des motifs d’ordre public ou de protection des droits d’autrui, à condition que l’ingérence soit justifiée dans une société démocratique.

Contrairement à la Convention européenne des droits de l’homme, la Constitution mauricienne ne fait pas explicitement référence à la « vie privée ». Celle-ci est plutôt abordée dans le Code civil mauricien (article 22). Néanmoins, la jurisprudence locale tend à reconnaître que les communications électroniques doivent être protégées au même titre que les conversations dans un espace privé.

La décision Madhewoo v State a élargi la portée de la protection constitutionnelle en incluant l’intégrité physique et psychologique de la personne. Selon la jurisprudence européenne, cette intégrité englobe aussi l’identité sociale, ce qui implique la protection des conversations privées, physiques ou numériques.

Plusieurs lois mauriciennes autorisent certaines formes de surveillance ciblée, mais uniquement dans des contextes précis et avec une autorisation judiciaire préalable. C’est le cas, par exemple, de la Financial Crimes Commission Act (article 65), de la Prevention of Terrorism Act (article 25A) ou encore de la Cybersecurity and Cybercrime Act (articles 29 et 30). L’intervention d’un juge en chambre est obligatoire pour toute interception en temps réel.

Une exception notable se trouve à l’article 32(5) de l’ICTA, qui permet à un opérateur d’intercepter des messages jugés indécents ou dangereux pour la sécurité publique, sans exiger d’autorisation judiciaire. Cette disposition est controversée car elle entre en conflit avec les protections constitutionnelles.

Toute interception illégale est lourdement sanctionnée. L’article 46(1)(n) de l’ICTA punit de dix ans de servitude pénale toute divulgation non autorisée de communications électroniques. L’article 8 de la Cybersecurity and Cybercrime Act sanctionne l’interception non autorisée jusqu’à vingt ans de servitude pénale.

Si certains pays ont légalisé la surveillance de masse pour répondre à des menaces spécifiques, ils doivent le faire sous strictes conditions : nécessité, proportionnalité, supervision indépendante. À Maurice, aucune loi ne prévoit un tel régime généralisé. La législation actuelle repose sur des mesures ciblées et encadrées par l’autorité judiciaire, garantissant un équilibre entre sécurité publique et libertés individuelles.

En l’absence de base légale claire, la surveillance massive resterait une atteinte illégale au droit fondamental à la vie privée.

Article issu du bulletin du bureau du DPP, rédigé par Nataraj J Muneesamy, Assistant DPP Editor-in-Chief

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