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Taux record de césariennes à Maurice : entre choix médical et tendance de société 

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Le nombre élevé de césariennes à Maurice soulève des questions. Si des raisons médicales existent, les préférences personnelles et l’âge des mères jouent aussi un rôle. Les experts recommandent une meilleure information des femmes pour favoriser un choix éclairé et promouvoir l’accouchement naturel lorsque possible.

Dr Dawood Oaris
Dr Dawood Oaris, président de l’Association des cliniques privées.

L’île Maurice affiche un taux élevé de césariennes, tant dans le secteur public que privé, ce qui suscite des interrogations. S’il reconnaît cette tendance, le Dr Dawood Oaris, président de l’Association des cliniques privées, explique cependant que cette situation ne peut être directement comparée à d’autres pays développés sans tenir compte des contextes spécifiques. 

« Les indications pour une césarienne sont généralement basées sur des critères médicaux précis », indique le Dr Oaris. Parmi les principales raisons figurent les situations où la vie du bébé ou de la mère est en danger, comme en cas de détresse fœtale ou de complications pendant l’accouchement, dit-il. « Les problèmes anatomiques, tels qu’un passage difficile, peuvent également justifier cette intervention pour garantir la sécurité de l’enfant et de la mère », ajoute-t-il. 

Il serait réducteur, fait comprendre le Dr Dawood Oaris, d’imputer cette situation simplement à une question d’argent. « Il existe des perceptions que pratiquer une césarienne est un moyen pour se faire de l’argent, mais dans la réalité, les médecins privilégient la sécurité des patientes avant tout. La plupart des médecins du privé respectent des normes éthiques strictes et ne recommandent une césarienne que lorsque cela est médicalement nécessaire », fait-il ressortir. 

De plus, poursuit-il, les demandes de césariennes dans le secteur privé sont également influencées par les préférences des patientes. « Certaines femmes préfèrent éviter la douleur du travail naturel et demandent spécifiquement une césarienne. Dans ce cas, les médecins doivent équilibrer les souhaits des patientes avec les principes de la pratique médicale éthique, expliquant les avantages et les inconvénients de chaque option », souligne le Dr Dawood Oaris. 

Vidya
Vidya Charan directrice de la Mauritius Family Planning and Welfare Association.

Toujours est-il que le taux de césariennes reste alarmant, surtout en comparaison avec d’autres régions du monde, s’inquiète Vidya Charan directrice de la Mauritius Family Planning and Welfare Association (MFPWA). « Le taux élevé de césariennes à Maurice est en partie attribuable à plusieurs facteurs liés à la santé des femmes et aux pratiques médicales. D’une part, de nombreuses femmes choisissent de concevoir plus tard dans la vie, souvent après 35 ans, ce qui peut entraîner des complications. Afin d’éviter ces risques, certaines optent pour une césarienne plutôt qu’un accouchement naturel, en pensant que cela sera plus sûr pour elles et leurs bébés », fait-elle valoir. 

Autre raison, selon elle, qui pousserait les femmes à opter pour la césarienne : la préférence personnelle. D’autres encore privilégieraient cette approche pour des considérations pratiques. « Certaines personnes préfèrent une césarienne parce que cela est plus commode pour elles, ou parce qu’elles croient que cela peut simplifier le processus d’accouchement.

D’autres, confrontées à des complications de santé, choisissent cette option pour éviter des risques accrus liés à un accouchement naturel », met-elle en avant. 

À l’instar du Dr Dawood Oaris, Vidya Charan souligne l’importance de conseiller les patientes sur les options disponibles et de les encourager à envisager un accouchement naturel lorsque cela est possible. « Il est recommandé de concevoir entre 20 et 35 ans pour minimiser les complications potentielles, mais chaque cas reste unique et doit être évalué individuellement », avance-t-elle, tout en mettant l’accent sur l’importance de donner toutes les informations nécessaires aux futures mamans, d’autant que la césarienne, comme toute intervention, a un coût. 

Les explications sur la hausse du nombre de césarienne

Le Dr Treesha Toory-Jugessur, directrice et Fertility Consultant au Prashanth IVF Clinic and Information Centre, revient sur les raisons pour lesquelles la césarienne a augmenté à Maurice, comme à l’échelle mondiale. 

Antécédent de césarienne 

• Diabète gestationnel – les bébés de mères ayant un diabète pendant la grossesse tendent à être plus grands. Une naissance normale peut donc être difficile. « Le diabète gestationnel augmente car la population mauricienne a une forte prédisposition au diabète », explique-t-elle. 
• Hypertension pendant la grossesse ou d’autres conditions médicales de la mère qui peuvent compliquer le travail. « L’hypertension pendant la grossesse devient plus courante maintenant en raison de nos habitudes alimentaires (fast-food) et aussi de notre mode de vie (femmes actives et niveaux de stress accrus) », soutient notre interlocutrice. 
• Mères âgées– de plus en plus de mères ont maintenant plus de 35 ans. « Les femmes aujourd’hui conçoivent généralement lorsqu’elles sont stables professionnellement et financièrement, ce qui signifie qu’elles tombent enceintes souvent après 35 ans », dit-elle.
• Problème de fertilité – les bébés conçus après des traitements de fertilité, en particulier après une FIV, sont très précieux et les mères, ainsi que les médecins, ne prennent pas le risque d’un accouchement normal.

Coût dans le privé

Accouchement naturel : Rs 50 000 à Rs 75 000.
Accouchement par césarienne : Rs 80 000 à Rs 100 000.


Indications pour une césarienne :

• Le travail ne progresse pas normalement. « Un travail qui ne progresse pas (dystocie du travail) est l’une des raisons les plus courantes pour une césarienne. Les problèmes de progression du travail incluent une première étape prolongée (dilatation ou ouverture du col de l’utérus prolongée) ou une deuxième étape prolongée (temps prolongé de poussée après une dilatation complète du col) », précise le Dr Treesha Toory-Jugessur. 

• Le bébé est en détresse. « Les préoccupations concernant les changements dans le rythme cardiaque du bébé peuvent rendre la césarienne l’option la plus sûre » évoque Dr Treesha Toory- Jugessur.

• Le bébé ou les bébés sont dans une position inhabituelle. Elle déclare qu’une césarienne est le moyen le plus sûr de délivrer les bébés dont les pieds ou les fesses entrent dans le canal de naissance en premier (présentation par le siège) ou les bébés dont les côtés ou les épaules sortent en premier (présentation transversale).

• Si une patiente attend plus d’un bébé. « Une césarienne peut être nécessaire pour les femmes portant des jumeaux, des triplés ou plus. Cela est particulièrement vrai si le travail commence trop tôt ou si les bébés ne sont pas dans une position tête en bas », mentionne-t-elle. 

• Il y a un problème avec le placenta. Le Dr Treesha Toory-Jugessur ajoute que si le placenta couvre l’ouverture du col de l’utérus (placenta previa), une césarienne est recommandée pour l’accouchement. 

• Prolapsus du cordon ombilical. « Une césarienne peut être recommandée si une boucle de cordon ombilical glisse à travers le col devant le bébé », constate-t-elle. 

• Il y a une préoccupation de santé. Elle explique qu’une césarienne peut être recommandée pour les femmes ayant certains problèmes de santé, tels qu’une maladie cardiaque ou cérébrale.

• Il y a un blocage. « Un gros fibrome bloquant le canal de naissance, une fracture du bassin ou un bébé ayant une condition pouvant provoquer une tête anormalement grande (hydrocéphalie sévère) peuvent être des raisons pour une césarienne », affirme-t-elle. 


• Si la patiente a eu une césarienne antérieure ou une autre chirurgie de l’utérus. Selon Dr Treesha Toory-Jugessur bien qu’il soit souvent possible d’avoir un accouchement naturel après une césarienne, un professionnel de santé peut recommander une césarienne répétée.

Gare aux complications 

Monique Dinan, du Mouvement d’aide à la maternité (MAM), exprime ses préoccupations face au taux élevé de césariennes. Selon elle, cette tendance entraînerait des complications pour la santé des bébés et des mères.

« Les césariennes, bien que parfois nécessaires pour des raisons médicales, peuvent mener à des complications pour les nouveau-nés. De plus, les mères qui accouchent par césarienne peuvent rencontrer des difficultés pour allaiter, et certaines peuvent même éprouver des difficultés à avoir d’autres enfants par la suite », avance-t-elle. 

Monique Dinan revient sur la nécessité d’éduquer les jeunes, dès le secondaire, à une vie saine. « Il est important de maintenir une bonne santé corporelle et de prendre des précautions spécifiques pendant la grossesse. Une préparation adéquate dès l’école pourrait inclure des conseils sur la gestion de la santé reproductive, les exercices appropriés pendant la grossesse, et les habitudes alimentaires à adopter pour protéger la santé du bébé et de la mère », suggère-t-elle. 

Monique Dinan rappelle que Maurice figure parmi les premiers en Afrique en termes de césariennes, ce qui pose des questions sur les pratiques médicales, notamment dans le privé. Selon elle, cette approche serait liée à des considérations économiques. « Certains établissements peuvent privilégier les césariennes pour des raisons financières, augmentant ainsi leur revenu au détriment des meilleures conditions pour le bébé », déplore-t-elle, tout en plaidant pour un retour aux méthodes d’accouchement naturel.

Monique Dinan appelle à une réévaluation de ces pratiques et à une meilleure préparation des futures mères pour garantir des accouchements dans des conditions optimales. « Chaque grossesse devrait être une occasion de promouvoir la santé naturelle et le bien-être des mères et des bébés, plutôt que de se reposer sur des solutions chirurgicales qui, bien que parfois nécessaires, ne doivent pas devenir la norme », insiste-t-elle. 


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