Economie

Taux de croissance: pour un meilleur partage

Après la Banque de Maurice, c’est au tour de la Mauritius Commercial Bank de prévoir un taux de croissance à 3,8 % pour l’année en cours. Le ‘MCB Focus’ brosse un tableau optimiste de la future évolution économique du pays. Mais une bonne croissance n’est pas toujours synonyme de prospérité égale pour tout le monde. Alors que veut-on : un fort taux ou un meilleur partage ? Le taux de croissance en 2014 était estimé à 3,5 % alors que celui de l’année 2013 était de 3,2 %. L’estimation pour l’année 2015, révisée à la baisse plusieurs fois, est de 3,4 %. Cette année, les spéculations pour la croissance économique font déjà débats. En décembre 2015, le bulletin trimestriel de Statistics Mauritius a prévu un taux de 3,9 % pour l’année 2016. La prévision de Statistics Mauritius repose sur plusieurs facteurs, notamment une meilleure production sucrière, soit 390 000 tonnes, l’expansion du secteur manufacturier grâce à l’émergence de nouvelles Petites et moyennes entreprises (PME), la reprise du secteur de la construction avec plusieurs projets immobiliers annoncés, dont certains déjà en chantier et le tourisme qui affiche des résultats encourageants. Si le redécollage économique a lieu comme promis, la croissance sera au rendez-vous.

Inclusive Growth

La Banque mondiale (BM) a lancé, le 18 février dernier, un rapport intitulé « Inclusiveness of Growth and Shared Prosperity for Mauritius ». Dans ce document, la BM explique qu’un taux élevé de croissance n’est pas nécessairement synonyme de prospérité pour tout le monde. Elle cite les cas précédents de la Chine, l’Inde et le Mozambique, des pays qui avaient enregistré des forts taux de croissance, mais la richesse créée n’a pu atteindre toute la population. Au contraire, l’inégalité dans la distribution des richesses avait considérablement augmenté. C’est la raison pour laquelle de plus en plus de pays parlent maintenant d‘« inclusive growth », afin que tout le monde bénéficie de la croissance économique.

Quand la BM loue l’ancien régime…

Le rapport souligne que les réformes économiques se sont accélérées avec l’avènement d’un nouveau gouvernement en 2005, qui a ouvert l’économie à la compétition. Le rapport explique comment le gouvernement d’alors a mis fin aux divers ‘schemes’ qui étaient plus comme des obstacles à l’investissement et a amélioré le climat des affaires. Le rapport cite l’introduction de la ‘Business Facilitation Act’ de 2006 les classements annuels de Maurice dans le ‘Doing Business Survey’ pour soutenir ses arguments. En effet, de la 49e place en 2007 à la 17e place en 2010, Maurice a eu un parcours éloquent. La BM souligne également le fait que la dette publique fut ramenée de 65 % du PIB en 2005, à 52 % du PIB en 2008.

Éric Ng: « Ramener les exclus à travers l’empowerment »

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Et l’égratigne aussi…

La situation économique prit une autre tournure à partir de 2010, avec l’affaiblissement du programme des réformes et une faible mise à exécution des projets. La politique monétaire et fiscale était inadéquate. La dette publique s’est accentuée alors que l’investissement privé se faisait rare. Le rapport explique que le secteur du tourisme faisait face à des difficultés, alors que la construction présentait également des signes négatifs. Il mentionne l’existence des « non performing-loans » dans le secteur bancaire.

L’inégalité accrue

Le rapport poursuit en soulignant que la pauvreté absolue a diminué à Maurice de 8,5 % en 2007, à 6,9 % en 2012. En revanche, la pauvreté relative a augmenté de 8,5 % à 9,8 % durant la même période. Cela est dû à l’inégalité, malgré la croissance économique. Même si la pauvreté est faible à Maurice, sa base s’est élargie. Le rapport explique que l’inégalité des revenus a largement augmenté à Maurice. En d’autres mots, les riches deviennent plus riches alors que les pauvres s’appauvrissent davantage.

Double objectif

Maurice a deux principaux défis à relever : réduire la pauvreté extrême et assurer un meilleur partage de la prospérité, afin d’atteindre l’« inclusive growth » prôné par la BM. Cela demande une redistribution des richesses.

MCB FOCUS mise sur le redécollage économique

Le dernier numéro de MCB Focus prévoit un taux de croissance de 3,8 % pour cette année. Le document estime le Produit intérieur brut (PIB) de 2016 à Rs 433 milliards, contre Rs 407 milliards en 2015. Selon MCB Focus, l’économie mondiale connaîtra une croissance de 3,4 % en 2016 et 3,6 % en 2017. Au niveau local, la MCB repose ses prévisions sur le redécollage économique, qui comprend les investissements à venir dans l’infrastructure et le développement immobilier, surtout le ‘Road Decongestion Programme’ et la construction du Heritage City. Le rapport prévoit un statu quo au niveau du taux de chômage, oscillant autour de 8 %, mais vante un taux d’inflation exceptionnellement bas, à 1,3 %. L’inflation bénéficiera encore de la baisse du prix des carburants au niveau global.

Le ministre optimiste

Le ministre de Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo est confiant d’une reprise à partir de 2017. Il avait récemment prédit un taux de croissance supérieur à 5 % à partir de 2017-2018 et ambitionne d’un taux de 8 % annuellement dans cinq ans.

Barclays prévoit 3,9 %

Barclays Research anticipe un taux de croissance de 3,9 % pour l’année 2016. La banque avait présenté ses données en décembre dernier. Ses prévisions reposent sur les investissements publics prévus pour cette année, de même qu’une inflation stable, un secteur touristique florissant et les exportations en hausse.

BoM : vision alignée

La prévision de la Banque de Maurice (BoM) rejoint celle de la MCB. Estimant un taux de croissance de 3,8 % pour l’année en cours, la BoM s’attend à un taux d’inflation de 2,3 % cette année.  
   
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Dr Bhavish Jugurnath: « Création d’emplois, ressources et technologie à l’agenda »

Dr Bravish Jugurnath, consultant financier, voit, lui aussi, une faible croissance autour de 3,9 %. Selon lui, Maurice fera face à des obstacles sur son trajet vers un pays à hauts revenus si la politique de réforme économique n’évolue pas. « L’affaiblissement de l’euro contre le dollar affecte notre commerce international. Il faut revoir notre politique économique pour promouvoir le ‘inclusive growth’ tout en maintenant la compétitivité. Les priorités doivent être : réduire le chômage ; réduire la dette publique ; adopter une politique fiscale qui favorise la croissance ; encourager l’investissement privé et booster la compétition », explique notre expert financier. « Le pays aspire bien à devenir un hub africain et la politique déjà tracée doit être mise en application rapidement. Nous devons aussi revoir notre efficacité », conclut-il. [row custom_class=""][/row]
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Arvind Nilmadhub: « Le taux de croissance ne reflète pas l’inégalité »

L’économiste Arvind Nilmadhub explique que l’objectif d’une meilleure croissance économique doit toujours être pour un meilleur partage parmi la population. « Comme j’ai toujours dit, le taux de croissance n’est pas une mesure adéquate du niveau de vie. Il y a aussi la question d’inégalité. La croissance peut aussi être soutenue par seulement un ou deux secteurs alors que les autres secteurs demeurent en déclin, ce qui affecte ceux opérant dans ces secteurs. Le débat ne doit pas être uniquement sur le taux de croissance. « What’s in a figure ? » C’est la distribution de richesses qui importe. Rappelons l’épisode ‘Shining India’, en 2004, où malgré les excellents indicateurs économiques, le BJP avait subi une cinglante défaite justement parce que la croissance économique n’avait pas bénéficié à toute la population », explique notre économiste. « Tout comme le taux de croissance n’indique pas le niveau de prospérité individuelle, le taux officiel de chômage n’est pas un bon indicateur de pauvreté. Parmi les personnes inscrites comme chômeur, il y a celles qui travaillent dans l’économie souterraine, et les revenus ne sont pas enregistrés par les statistiques. Il faut aussi noter que tous les gradués chômeurs ne sont pas affectés par la pauvreté, car ils sont soutenus par des parents bien lotis. Néanmoins, il y a une tranche de chômeurs, mais aussi des travailleurs, qui vivent dans une pauvreté absolue, et ces gens-là nécessitent une attention particulière », conclut-il. [row custom_class=""][/row]
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Frankie Tang: « Il faut un Smart Budget pour tout accélérer »

Frankie Tang, économiste et consultant en investissements, pense qu’il faut viser un taux supérieur à 4 %. « Les investisseurs sont en mode d’attente. Il faut que les projets se réalisent vite. C’est le prochain Budget qui fera le déclic. On s’attend à un ‘Smart Budget’, mais surtout une concrétisation rapide des mesures. Le moteur économique est en marche, alors il faut accélérer et ne pas perdre de temps », dit-il. « Mais attention, il y a aussi le revers de la médaille. Avec la délocalisation de plusieurs services publics de Port-Louis à Highlands, ce sont plusieurs secteurs d’activités économiques qui seront touchés. Si ces opérateurs ne trouvent pas d’alternatif, cela impactera sur la croissance. »
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