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Taux de change : la roupie chute de 8 % face à l’euro en quatre mois

Depuis le début de l’année, la roupie connaît une dépréciation constante face à l’euro.

Depuis le début de l’année 2025, la roupie mauricienne enregistre un recul progressif mais soutenu face à l’euro, franchissant récemment le seuil des Rs 53. Cette évolution s’explique par un ensemble de facteurs structurels et conjoncturels, allant du différentiel de productivité aux tensions sur les marchés émergents. 

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Le 12 juin 2025, le taux de change de la roupie mauricienne par rapport à l’euro a franchi un nouveau seuil, atteignant Rs 53,08 pour un euro. Le jour suivant, ce taux s’établissait à Rs 53,11. Cette évolution marque une nouvelle étape dans la trajectoire de la monnaie mauricienne qui, depuis le début de l’année, connaît une dépréciation constante face à la devise européenne. En janvier 2024, le taux était encore à Rs 49,46. Cette tendance soulève plusieurs interrogations sur les dynamiques économiques nationales et internationales à l’œuvre. 

Selon le rapport mensuel de la Banque de Maurice, la roupie s’est dépréciée en moyenne de 2,2 % entre avril 2024 et avril 2025. « Cette évolution s’inscrit dans un contexte mondial instable, marqué par des incertitudes géopolitiques persistantes et une augmentation du risque perçu sur les marchés émergents. Le marché des changes mauricien, bien que relativement étroit, n’échappe pas à ces pressions externes », a indiqué le gouverneur de la Banque de Maurice (BoM) lors de la dernière réunion du Comité de politique monétaire. 

Cédric Béguier, responsable de la stratégie d’investissement chez Axys, observe une perte de valeur d’environ 8 % de la roupie vis-à-vis de l’euro de février à début juin 2025. Cette tendance est alimentée, selon lui, par des facteurs structurels, comme la détérioration du différentiel d’inflation et de productivité entre Maurice et la zone euro. À ces éléments s’ajoutent des facteurs conjoncturels, dont une prime de risque accrue sur les économies émergentes. Durant les quatre dernières semaines, la roupie aurait perdu près de 3,4 % face à l’euro. Une pression à la baisse persistante qui s’explique aussi par un euro bien orienté sur les marchés internationaux. 

Une réponse ciblée, mais mesurée 

La BoM a pris position pour contenir les fluctuations jugées excessives sur le marché des changes. Elle est intervenue pour un montant total de 25 millions de dollars entre les deux dernières réunions du Comité de politique monétaire. Ces opérations visent à stabiliser la roupie et à limiter les déséquilibres sur le marché intérieur des devises.

La Banque centrale souligne que le taux de change continue de refléter les fondamentaux économiques, notamment les mécanismes de l’offre et de la demande, ainsi que les évolutions sur les marchés internationaux. Elle indique aussi que les mesures prises jusqu’ici ont permis de corriger certaines imperfections du marché et de favoriser une meilleure lisibilité des échanges. 

Cependant, comme le fait remarquer Cédric Béguier, ces interventions se concentrent principalement sur la parité avec le dollar américain, qui reste la devise de référence pour les réserves de change et les échanges commerciaux de Maurice. Ce qui pourrait laisser une certaine marge de flottement pour les autres parités, dont avec l’euro et la livre sterling, qui jouent, elles aussi, un rôle important dans le commerce extérieur mauricien. 

Une devise sous pression, mais structurée

Du point de vue d’Alexandre Sanchini, Chief Executive Officer de Blue Ship Capital, la dépréciation de la roupie face à l’euro n’est pas un phénomène brutal, mais plutôt une tendance régulière. Il rappelle que la roupie, comme d’autres devises dites périphériques, est soumise aux variations des grandes monnaies, plus qu’elle ne les influence. Selon lui, la roupie se dévalue structurellement face aux devises fortes, une situation qui, dans certains cas, peut soutenir la compétitivité des exportations mauriciennes.

Il avertit cependant qu’une dépréciation trop marquée pourrait devenir problématique pour les importations et le pouvoir d’achat local. D’où l’importance du rôle de la Banque de Maurice dans la régulation du marché. À ce titre, il note que les interventions actuelles sont réalisées en dollars, ce qui renforce l’idée d’un ancrage indirect de la roupie à la devise américaine. Pour autant, il estime que d’autres leviers sont probablement utilisés pour piloter le taux de change de la roupie : « La courbe du taux de change roupie-euro ne ressemble pas à celle d’un marché libre. » 

Gestion du taux de change 

Certains experts, comme Cédric Beguier, proposent d’introduire un panier de devises pondérées (trade-weighted currency basket). Une telle méthode permettrait à la Banque de Maurice de mieux refléter la structure réelle du commerce extérieur mauricien, où l’euro et la livre sterling tiennent une place importante. Cette approche pourrait également offrir plus de flexibilité pour répondre aux chocs externes, tout en maintenant une certaine cohérence avec les objectifs macroéconomiques.

La gestion du taux de change ne viserait donc pas uniquement à défendre une parité fixe ou à cibler un niveau précis, mais à atténuer les mouvements brusques pouvant affecter l’économie. Ce qui permettrait de concilier les impératifs de compétitivité extérieure avec ceux de stabilité intérieure. 

Le taux de change roupie-euro pourrait continuer d’évoluer dans un sens ou dans l’autre, selon les développements économiques régionaux et mondiaux. Comme le rappelle Alexandre Sanchini, la prévision de taux de change reste incertaine par nature. Il évoque la possibilité de voir la roupie remonter vers Rs 48 si la situation en Europe se détériore, tout en reconnaissant que le taux pourrait aussi atteindre Rs 55, voire Rs 60, dans les prochaines années, selon les trajectoires économiques.

Le Budget 2025-26 comprend plusieurs mesures destinées à soutenir la croissance économique, mais peu de dispositions spécifiques concernant la gestion de la roupie ou l’accessibilité aux devises. Cette absence est relevée comme un point à surveiller dans les mois à venir, alors que la stabilité monétaire demeure un enjeu central pour l’économie mauricienne. 

Une stabilité macroéconomique recherchée 

Le Budget 2025–26 récemment présenté par le gouvernement prévoit une trajectoire de consolidation des finances publiques. Le déficit budgétaire est contenu à 3,4 % du Produit intérieur brut (PIB), avec une cible de 2,7 % pour 2026-27. Parallèlement, la dette publique, estimée à 74 % du PIB, devrait reculer légèrement à 71 %, notamment grâce à des ressources exceptionnelles. Ces paramètres sont perçus comme des signaux de stabilité par les acteurs économiques. Toutefois, leur effet immédiat sur la valeur de la roupie reste limité en l’absence de mesures ciblées sur le marché des changes. Le solde courant du pays reste déficitaire, à hauteur d’environ 6 % du PIB, et les besoins de financement extérieur demeurent importants. 

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