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Table ronde à la mairie : les ex-royalistes de Port-Louis livrent les secrets de leur collège

Royal College of Port-Louis

Le collège Royal de Port-Louis fête ses 90 ans d’existence, en cette année 2019. L’événement méritait une table ronde qui a réuni huit de ses ex-pensionnaires, dont des personnalités nationales, l’ex-Président de la République Cassam Uteem, celui qui en assume la suppléance, Barlen Vyapoory, le directeur du Cardiac Centre, le Dr Sunil Gunness et l’architecte Gaëtan Siew, entre autres. Comme modératrice de cette causerie, tenue le mardi 18 mars à la marie de Port-Louis, les organisateurs avaient choisi Shirin Aumeeruddy-Czifrra, Chairperson du Public Bodies Appeal Tribunal.

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Salle comble en cette fin d’après-midi à la mairie de Port-Louis. Dans l’assistance, des anciens du Royal College of Port-Louis (RCPL) – dont le ministre Nando Bodha, l’ex-conseiller rouge Milan Meetarbhan et Rama Poonoosamy – des familles et quelques élèves du collège, très sages sur les bancs. Shirin Aumeeruddy-Cziffra, la modératrice explique qu’elle aurait pu s’inscrire au RCPL, fréquenté par de nombreux membres de sa famille, si elle avait été un garçon, mais elle a atterri au Queen Elizabeth College. La cause des élites est sauve.

Dès les premiers mots, il était entendu qu’en vertu d’un accord tacite, le mot « lauréat » serait peu prononcé par les participants et qu’on mettrait plutôt l’accent sur le milieu « très modeste  » auquel appartenaient les premiers élèves de l’établissement. En tout cas, le pouvoir colonial lui ne regarde pas à la dépense lorsqu’en 1929, il construit ce Royal College à Port-Louis, le deuxième du nom après le célèbre Royal College de Curepipe. Piscine, bibliothèque, gymnase, laboratoire : l’ambition est bien d’étoffer l’élite locale et pour accéder dans cet « autre monde », selon les mots du président de la République par-intérim, il faut décrocher l’indispensable petite bourse. Certains, dont l’actuel recteur Henry Wan, ne l’auront pas, et « classés », ils devront payer le coût des études. Mais être inscrit au « Collège Royal », durant ces années, vaut à lui-seul la fierté d’une génération entière.

Tout au long de leurs discours, les intervenants se sont évertués à louer le travail de leurs professeurs mais aussi en se rappelant du cantinier, dont le fils était dans la salle. « À chaque fois qu’on manquait d’argent, il nous faisait crédit. Il nous connaît tous et comme tout le personnel non-enseignant, il a contribué à faire de nous ce que nous sommes aujourd’hui », dira Henry Wan. À l’évocation de noms aussi prestigieux que ceux de Dayendranath Burrenchobay – futur gouverneur-général – ou Frank Richard, ce « faiseur de boursiers », ou encore Clovis Vellin, cités par Cassam Uteem, on comprend que l’institution avait pour mission de former une élite mauricienne.

«Fanchette mari maser»

Comme l’heure était aux anecdotes, aux petites histoires et aux meilleurs moments, selon le programme convenu, on a eu droit aux confidences croustillantes et aux anecdotes qui relevaient de l’information officielle, transmises par le président de la République par-intérim, comme l’inauguration par la princesse Margaret du bâtiment de Cassis. Mais, c’est à l’ex-recteur, Rex Fanchette, que l’on doit la partie la plus «  sociale » et « transgressive », afin de rompre avec le ton discursif et bon enfant. Recteur à partir de 1981, il est confronté à certains habitants de Cassis qui voient, à juste titre, le collège comme un concentré de jeunes de l’élite, pour ne pas dire des privilégiés.  

« Chaque semaine, on cassait les vitres, on pillait. Alors j’ai fait appeler certains d’entre eux pour leur dire que ce n’était pas de notre faute. J’ai alors décidé de mettre certaines infrastructures, sauf la piscine, à leur disposition entre 15 heures et 18 heures. » À sa nomination à Cassis, raconte-il, l’absence de lauréats est tellement mal vécue par les collégiens que ces derniers diront : « Fanchette soy ». Mais pas pour longtemps car le collège finira par décrocher six boursiers et les garçons s’en iront narguer les filles du Lorette de Port-Louis « À un moment et à ma grande surprise, se souvient-il, ils m’ont porté sur leurs épaules et ils ont crié : Fanchette mari maser. Il a fallu que j’aille présenter mes plates excuses à la direction du collège de Lorette. »

Avant d’en arriver à cette génération des années 80, marquée par le chômage et la contestation politique à Maurice, celle des années 60-70 a semblé plus appliquée dans les études. Gaëtan Siew, qui n’était pas boursier, s’était épris des sports, de la musique et de l’histoire pour finir par « apprendre mille choses », l’imprégnant du sens de la création contre l’esprit de compétition. Le cardiologue Sunil Gunness parle de l’émotion que s’est dégagée de son passage à Cassis. Kevin Ramkalaon fait état des valeurs héritées ainsi que du niveau des études, si bien que durant ses études à l’université de Cambridge, il s’apercevra qu’il avait déjà appris un certain nombre de choses au RCPL. L’avocat Abdool Karrim Namdarkhan est de cette génération de 2004 qui a eu des enseignants plus proches de leurs élèves et a vécu la disparition de cette discipline quasi-militaire qui caractérisait la gestion de l’établissement jusqu’à la fin des années 80.

 

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