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Sydney Pierre, de Marriott Mauritius : «Ce rouge écarlate nous fait broyer du noir»

Le variant Omicron n’arrange guère les choses. Le carton rouge émis par la France à notre égard risque de mettre à genoux notre industrie touristique, qui broyait déjà du noir, estime Sydney Pierre, Chief Sales & Marketing Officer de Marriott Mauritius.

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Depuis le réouverture de nos frontières, est-ce que notre secteur touristique a pu reprendre des couleurs ? 
Après un an et demi de fermeture, les autorités et le privé s’étaient préparés à une réouverture en grande pompe. Malgré la fermeture de certains marchés comme la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud lors de l’ouverture le 1er octobre dernier, notre industrie avait bien rebondi et les premiers chiffres étaient prometteurs malgré la situation sanitaire. 

Maurice a connu le variant Delta et voilà Omicron, qui est davantage contagieux, qui a montré le bout de son nez. Cela vous inquiète-t-il ? 
Le monde cède trop rapidement à la panique, comme certains politiques. À l’exemple de la France qui vient de nous placer sur une liste rouge écarlate. Le virus ainsi que tous ses variants sont présents sur toute la planète ou presque. Un variant est la mutation du virus. Il n’a pas besoin de voyager et fermer des frontières n’a jamais été la réponse au problème. J’ai juste l’impression que le virus sert aujourd’hui de prétexte pour des règlements de compte politiques, un peu comme pendant la guerre froide. Les acteurs touristiques paient malheureusement les pots cassés. 

L’Afrique du Sud est un gros réservoir de visiteurs sur lesquels les hôtels comptent. Quel sera l’impact financier de la fermeture de nos frontières avec nos voisins aura sur notre tourisme ? 
La fermeture du marché sudafricain pendant la période de voyage préférée des Sud-Africains, c’est-à-dire en fin d’année, aura de lourdes répercussions sur notre industrie à court et à moyen termes. J’ai peur que la destination Maurice ne soit remplacée par d’autres à l’avenir. La part de ce marché chez certains hôteliers dépassait les 50 %. Je suis inquiet, car les opérateurs et les clients qui ont été pris de court risquent de ne pas nous pardonner cette décision hâtive.

Le virus sert aujourd’hui de prétexte pour des règlements de compte politiques»

La France a classé notre destination « rouge écarlate ». Méritions-nous ce carton ? 
Après la fermeture sur l’Afrique, cette nouvelle liste rouge écarlate mise en place par la France signifie tout simplement l’arrêt du tourisme français. C’est un coup de massue pour notre industrie, mais également pour les tour-opérateurs qui vont perdre des millions et les clients déçus qui ne pourront visiter notre île. Ce rouge écarlate nous fait broyer du noir. Nous ne comprenons toujours pas cette décision du gouvernement français et je crains que nos différents lobbies ne servent à rien s’ils n’interviennent pas au plus haut sommet de l’État. Nous ne pouvons croire que ce soit une décision motivée par la situation sanitaire. Cela ressemble à de la géopolitique. Ce virus finira par nous rendre tous fous !

Déjà, les réservations sont annulées auprès des tour-opérateurs. Est-ce vraiment la catastrophe qui attend notre secteur touristique ? 
Je n’aime pas utiliser le mot catastrophe, mais c’est un coup très dur.  Il faut continuer à miser sur d’autres marchés, même s’il n’en reste pas beaucoup capables de voyager et de remplacer les volumes français et sud-africains. Nous devons nous montrer créatifs, et cela à tous les niveaux afin d’attirer ces marchés capables de voyager à travers des campagnes marketing et autres « incentives ». N’est-il pas le moment d’aller chercher ces milliers de clients de Dubaï, incluant les milliers d’expatriés, qui seraient ravis de passer trois ou quatre jours dans nos hôtels ?

Arrêtons de tout mettre sur le dos du tourisme»

Qu’en est-il des petits et moyens hôtels, de même que les bungalows et d’autres segments qui dépendent indirectement du secteur touristique ? 
Pour notre industrie et ces opérateurs mentionnés, j’espère qu’il n’y aura pas trop de casse. Je me demande combien d’entre eux arriveront à tenir jusqu’à la fin de cette crise. Il serait temps que tous comprennent que nous ne défendons pas le gros capital, mais que c’est l’affaire de tous. Ceux qui souffrent le plus en période de crise sont les employés. Il ne faut jamais faire de la politique avec une industrie qui soutient plus d’une centaine de milliers d’emplois. Nous ne devons pas mettre en péril l’attractivité de notre pays pour le bien du tourisme et le monde des affaires. Ce serait bête de scier la branche sur laquelle nous sommes assis.

Si la France nous a mis ce carton rouge vif, est-ce à dire que ce pays est mieux au courant de certaines vérités à Maurice que nous ignorons ? 
Non. Je le répète : ce n’est pas le problème. Les dirigeants de la planète devraient arrêter de nous prendre pour des imbéciles. Le virus est partout avec tous ses variants. Personne n’y échappera et nous devons apprendre à vivre avec pendant encore très longtemps.  Je crains plus la folie humaine que ce virus.  Face à la Covid-19,  la première décision qui nous vient à l’esprit est la fermeture des frontières... Arrêtons de tout mettre sur le dos du tourisme. 

Plusieurs pays nous ont fermé leurs portes. Est-ce à dire que nos hôteliers vont devoir compter de nouveau sur l’aide du gouvernement pour subsister et pour combien de temps encore ?
Je souhaite plutôt que nous ouvrions les frontières et que nous mettions en place les « incentives » pour attirer les marchés capables de voyager. Ces touristes-là vont aux Maldives, aux Seychelles, au Sri Lanka. Pourquoi pas à Maurice ? Travaillons tous dans ce sens, de pair avec la diplomatie économique afin de tracer notre destinée. N’en avons-nous pas marre de rester fermés et d’être assistés ?

La clientèle mauricienne est toujours considérée comme un pneu de secours quand il y a le feu dans la maison. Pourquoi ne pas miser sur l’ouverture de nos hôtels aux locaux en pratiquant un tarif préférentiel ? 
La crise de la Covid nous a montré que la clientèle locale est, et devrait être, le premier marché que nous devrions démarcher. Nous devons nous structurer et ne pas attendre la crise pour nous tourner vers nos compatriotes. Les prix préférentiels pour les Mauriciens existent dans presque tous les hôtels.

Quid d’un tourisme axé sur la région ? 
Le tourisme régional existe déjà. Il nous faut nous donner les moyens et la volonté… politique ! Les gouvernements successifs ont échoué sur le secteur touristique et nous nous heurtons toujours au dossier de l’accès aérien. Nous pouvons transformer notre tourisme en incluant la population dans le développement, car le client vient avant tout visiter le pays et son peuple. C’est ce qui devrait être notre premier atout. 

Est-ce que ce carton rouge français pourrait être étendu à d’autres pays européens dans l’espace Schengen ? Quelles en seraient les conséquences ?
L’Allemagne vient de nous envoyer un signal presque similaire à la France. Suivons de près ce dossier. Je n’ose même pas y penser…

 

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