Interview

Swaley Kasenally, l’ex-ministre de l’Énergie : «Il faut prier que les gros moteurs ne tombent pas en panne»

Swaley Kasenally

Se référant au dossier de l’énergie et aux risques que le pays encourt si l’un des gros moteurs tombe en panne pendant que la maintenance se fait sur d’autres, l’ex-ministre de l’Énergie,  le Pr Swaley Kasenally, soutient que le pays vivrait une situation délicate. Pour ce qui est de l’achat de deux turbines à gaz, il estime que le problème d’Ivan Collendavelloo viendrait du Premier ministre.

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« Rendez public le rapport Poten sur la fiabilité du Liquid Natural Gas (LNG) »

Le ministre des Utilités publiques insiste qu’il nous faut impérativement l’installation de deux turbines à gaz. A-t-il raison ?
On est confronté à une situation bien délicate. On se retrouve dans une situation qui nous pousse à foncer tête baissée dans un projet de turbines à gaz qui, manifestement, n’a pas pris en considération tous les éléments techniques, financiers et stratégiques. Il paraît clair qu’il y a une confrontation entre le CEB et le ministère des Finances, vu le nombre de communiqués émanant des Finances concernant ce projet.

Quel est le fond du litige, selon vous ?
Les Finances estiment que le projet ‘Combined Cycle Gas Turbines’ (CCGT) coûte trop cher sans compter les implications techniques et financières. Il n’y a pas eu de discussions en amont sur ce projet et c’était du devoir de la cuisine interne du gouvernement de se pencher profondément sur toutes les implications de ce projet au sein du Cabinet et non donner l’impression que c’est uniquement un projet du ministère des Utilités publiques.

Y a-t-il un manquement quelque part ?
Je suis inquiet quant à l’équilibre entre la production de l’énergie et la demande. Toutes les centrales du CEB qui produisent de l’énergie sont fonctionnelles, mais on doit faire provision pour l’arrêt des moteurs ou le service de maintenance. D’après les projections du CEB pour 2019 et spécifiquement pendant la période de coupe, le CEB estime que toutes les capacités de ses centrales seraient de 511 mégawatts avec la contribution de deux centrales ‘open cycle’ de 2x 35 mégawatts (si l’achat de ces turbines à gaz se matérialise en 2019). Donc, avec la situation actuelle, il faut enlever 70 mégawatts de la capacité annoncée du CEB de 511 mégawatts, ce qui nous fait un total de 441 mégawatts de la capacité du CEB. Les Independent Power Producers (IPP), durant la coupe, produisent 186 mégawatts, mais il faut extraire de ce chiffre 22 mégawatts de la centrale de Beau-Champ qui a arrêté d’opérer à partir du 31 décembre 2018.  

Au total durant la période de coupe, on a combien de mégawatts pour le pays en entier ?
En tout, il y a 605 mégawatts. On doit faire provision, dans toutes les utilités publiques comme le fait partout dans le monde, pour une panne inattendue du plus gros moteur du pays qui est de 37 mégawatts mais aussi pour la maintenance des différents moteurs qui ordinairement enlèvent 60 mégawatts du réseau. Donc, on aura une capacité ferme de 500 mégawatts pour le pays. Pour éviter cette situation très délicate, on doit éviter la maintenance des moteurs, ce qui n’est pas recommandé dans une telle situation. En effet, si le moteur le plus puissant sort du réseau en même temps qu’on fait la maintenance de certains moteurs, cela aura des répercussions importantes. Une utilité publique doit éviter cela. Je dois dire que le CEB a toujours pris des dispositions pour éviter une telle situation et c’est tout à son honneur.  

Donc, éviter la maintenance pour ne pas se retrouver dans le noir ?
On peut renvoyer la maintenance et conserver les 60 mégawatts, mais il faut alors prier que les gros moteurs ne tombent pas en panne.

On revient sur la question des deux turbines à gaz : le ministre Collendavelloo persiste et signe, les Finances, à travers le ministre de tutelle qui n’est autre que le chef du gouvernement, résiste. Que faire ?
Il faut un débat sur la question. Selon les prévisions du CEB, il nous faut davantage 70 mégawatts pour 2019, sinon la situation serait inconfortable.

Le ministre Collendavelloo n’a pas été tendre envers Xavier-Luc Duval sur la question des turbines. Est-ce justifié ?
Le problème de fond n’est pas Xavier-Luc Duval, mais les décideurs politiques du gouvernement qui se tirent entre les pattes. Le problème de Collendavelloo est donc Pravind Jugnauth qui est à la tête du ministère des Finances. C’est une situation burlesque.

Il y a un rapport qui est très attendu concernant le CCGT…
C’est effectivement un gros projet au coût de Rs 8 milliards. Il serait viable si on a le ‘Liquid Natural Gas’ (LNG) comme intrant. Le rapport Poten sur la fiabilité du LNG pour le pays doit être rendu public et discuté avec les stakeholders avant qu’on fonce tête baissée dans le projet de CCGT. On voudrait savoir le coût d’investissements nécessaires de l’installation du terminal et des accessoires de LNG à Maurice et son impact sur le coût final. On voudrait savoir la somme d’investissements nécessaires et son impact sur le coût de l’électricité pour les consommateurs. On ne peut investir dans le CCGT sans connaître les coûts que cela entraînerait pour le pays dans les années à venir.

Les associations de consommateurs estiment que le CEB aurait dû passer la baisse du taux du fioul aux consommateurs. De l’utopie ?
Le CEB a effectivement bénéficié de la baisse du taux du baril, mais il a passé cela à ses différentes sociétés mais pas aux consommateurs. C’est injuste. J’espère que cette manne pétrolière que le CEB a récoltée durant ces cinq dernières années a pu renflouer les caisses et les différents fonds de pension pour les travailleurs du CEB.

On parle beaucoup de photovoltaïque. Est-ce plausible ?
En dépit de la rhétorique sur la photovoltaïque, en 2015 sa contribution était de 0,8 % de la totalité de l’énergie produite dans le pays. L’hydroélectrique 4,5 %, la bagasse 14,2 %. Au total : 20,3 % d’énergies renouvelables. Alors que la production à partir de l’huile lourde était de 40,7 % et le charbon de 38,9 %.

Un regard sur votre ancien camarade militant qu’a été Collendavelloo ?
Collendavelloo verra, dans les mois à venir, à l’approche des élections, ce que lui réserve l’électorat du No 19.

 

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