Interview

Suttyhudeo Tengur: «Le consommateur constitue l’électorat»

Le consommateur mauricien est devenu plus réaliste face aux campagnes de publicité tapageuses, selon Suttyhudeo Tengur, directeur de l'Association pour la protection de l'environnement et des consommateurs (APEC). Il était interrogé dans le cadre de la Journée internationale des consommateurs, célébrée le 15 mars.

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Les consommateurs mauriciens sont-ils devenus plus conscients et mieux renseignés sur leurs droits ? Oui et non. Cela dépend de la priorité de chaque consommateur et de ce qu’il cherche. Aujourd’hui, il fait l’objet de campagnes de promotion agressives où la baisse vertigineuse des prix sert d’appât pour les attirer. Les consommateurs intelligents sauront toujours faire la différence entre publicités tapageuses et la réalité. Donc oui, le consommateur est plus avisé quant au choix de ses produits. Mais attention, il se laisse aller, et très souvent, par l’achat compulsif dans lequel cas, il achète tout ce qui lui tombe sous le nez, sans trop poser des questions. Il existe de très bons moyens par lesquels les consommateurs peuvent bien s’informer. Le défunt Observatoire des prix a fait l’objet de nombreuses critiques. Quels étaient ses manquements ? Faut-il le remettre sur pied ? L’Observatoire des prix a été créé sans aucun encadrement légal. Il a donc été très facile de l’éliminer. Cet organisme administratif a cependant pu, malgré les obstacles posés par certains hauts fonctionnaires du ministère concerné, créer un environnement approprié qui favorise la compétition entre les grandes surfaces commerciales et hypermarchés. Cela a profité aux consommateurs moyens. Ça aurait été une bonne chose s’il revenait. Le présent gouvernement est-il plus soucieux des droits des consommateurs que l'a été son prédécesseur ? Tout gouvernement qui veut consolider sa popularité doit passer par la masse. Celle-ci est représentée par les consommateurs. S’ils sont écorchés, ils vont être frustrés et voudront voir ailleurs. Quitte à changer de gouvernement ! Il est, cependant, très difficile de comparer la performance d’un gouvernement par rapport à un autre, en ce qu’il s’agit du secteur de la consommation. À vrai dire, nos politiciens ne se sont pas encore rendu compte de l’importance de ce secteur et du rôle que jouent les consommateurs dans l’économie d’un pays. Ils ne sont pas là que pour se nourrir du pain fabriqué avec de la farine de blé. On leur doit plus de considération. La Consumer Protection Unit répète que les moyens lui manquent pour mener à bien sa mission. N'est-ce pas au gouvernement de lui donner les moyens? Il faudrait poser cette question aux ministres qui ont chapeauté ce secteur ces dernières années. Je disais que nos politiciens ignorent toujours l’importance de ce secteur. On peut tout faire avec un peu de volonté politique. Nos gouvernants ont-ils cette volonté-là ? J’en doute. Malheureusement, on constate aussi un manque de volonté concernant l’éducation des consommateurs. N’oublions pas que le consommateur constitue le gros de l’électorat… avec les risques politiques pour certains aux prochaines élections générales. [blockquote] «Une Ombudsperson pour les banques aurait pu nous aider à découvrir certaines magouilles et scandales. C’est un rêve qui ne deviendra jamais réalité !» [/blockquote] Jusqu’ici, aucun gouvernement n’a dit oui à la suggestion de créer une Ombudsperson pour les banques. Pourquoi ? Comment un gouvernement peut-il réponde favorablement à une telle suggestion quand il est l’otage des financiers politiques ? Ce sont les gros capitalistes qui détiennent les pouvoirs économiques. Ils financent les partis politiques et leur imposent leur agenda. Un Ombudsperson pour les banques aurait pu nous aider à découvrir certaines magouilles et scandales. C’est un rêve qui ne deviendra jamais réalité ! Votre organisation est également engagée dans le domaine de l'environnement. Les Mauriciens sont-ils conscient de l’impact de la frénésie de consommation sur l’environnement ? Une consommation responsable et la protection de l’environnement vont de pair, même si les consommateurs sont libres de consommer ce qu’ils veulent. Aujourd’hui, on parle de produits chimiques dangereux, tels les antibiotiques, qui sont utilisés dans la production de la viande bovine, du poulet... C’est un gros risque posé à la santé. L’éducation de la population est primordiale. Peut-être que le ministre de l’Environnement nous parlera bientôt de smart consumption... Attendons voir ! Cette année, la Journée mondiale des consommateurs a pour thème « Plus d’antibiotiques au menu ». La restauration rapide et les viandes servies/vendues sont-elles fiables ? Il nous faut une enquête le plus tôt possible sur la production de ces viandes et leurs effets sur la santé publique. Je rappelle que l’utilisation des antibiotiques dans la production alimentaire ne date pas d’hier. On en parle depuis des décennies. Nous avons, depuis très longtemps, voulu interdire le monosodium glutamate, plus connu sous le nom de ajinomoto, à Maurice. On n’a jamais pu le faire. Souhaitons bonne chance au ministre Ashit Gungah, qui a annoncé l’interdiction de ce produit dans deux semaines. On ne tergiverse pas avec la santé publique. Le mini-remaniement est-il de nature à rassurer la population en termes de mise en œuvre des projets annoncés ? Sans entrer dans les détails, disons qu’il y a eu un malaise au sein du gouvernement, dont l’importance a été minimisée par le Premier ministre. Mais, une chose est certaine : sir Anerood Jugnauth reste maître à bord du bateau gouvernemental. Il a remis les pendules à l’heure. Roshi Bhadain a été ramené à sa juste proportion. En redistribuant certaines cartes, SAJ a ramené une certaine cohésion au sein du gouvernement. La manière avec laquelle le Premier ministre a géré la situation en dit long sur sa sagesse et surtout sur sa dextérité.

 

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