La famille Kaloo est un exemple et une leçon de vie. Du mariage mixte de Fareeda, aveugle, et Reshad, malvoyant, deux fils sont nés, Achille, malvoyant, et Alam, né sans problème visuel. Ce dernier est le gagnant de la BBQ Summer Competition Alime Dife, organisée par Le Défi Media Group dont la finale a eu lieu le samedi 20 octobre. Portrait.
« Notre vie a toujours été normale. Mes parents souffrent d’un handicap, mais cela n’a jamais été un problème pour moi. Je les voyais s’adonner aux tâches habituelles »
La chanson dit « on ne choisit pas sa famille », mais si Alam Kaloo devait le faire, c’est la sienne qu’il choisirait, avec son lot de difficultés. Incursion dans son univers.
Alam Kaloo nous accueille chez lui à Floréal. Dans sa maison, rien ne laisse transparaître que trois malvoyants y vivent. Elle est d’une propreté immaculée. Sa mère Fareeda confie que c’est elle qui s’occupe des tâches ménagères.
Ce qui pour beaucoup semble hors du commun est devenu normal pour la famille Kaloo avec le temps. C’est sans tabou qu’elle se livre lors d’une rencontre à cœur ouvert.
« Notre vie a toujours été normale. Mes parents souffrent d’un handicap, mais cela n’a jamais été un problème pour moi. Je les voyais s’adonner aux tâches habituelles », raconte Alam.
Mais à l’école il se faisait taquiner par ses amis. « Ils me disaient que ma maman venait à l’école avec un bâton et des lunettes de soleil et ils se moquaient », ajoute-t-il.
« Moi je lui disais. Pa fer move, mwa monn fer move sa mem mo pa trouve », enchaîne Fareeda. C’est vers l’âge de 10 ans qu’Alam réalise que sa famille n’est pas comme les autres. Des incidents, il y en a eu beaucoup, dit Fareeda, qui est née aveugle.
« Comme la fois où je lui donnais à manger et que sa tête est restée coincée entre les barreaux du berceau. Ou encore la fois où il est tombé de la fenêtre. Quand il était petit, je devais toujours lui parler, afin de m’assurer qu’il n’était pas trop loin comme je ne le voyais pas. » Lorsqu’Alam grandit, il prend conscience qu’il doit prendre les devants et aider ses parents.
Une vie de sacrifices
C’est entre rires et larmes que les Kaloo racontent leur quotidien, mais aussi leur rencontre. « Notre vie a été semée d’embûches », confie Reshad, 68 ans.
Il ne peut d’ailleurs pas contenir ses larmes lorsqu’il parle d’Achille, son dernier, âgé de 29 ans. « Monn gagn bouku traka kan monn aprann ki mo zanfan soufer mem problem ki nou. Sa inn fer mo leker fermal. Gran mersi linn resi sap ladan. »
La cécité étant héréditaire, Achille est né malvoyant. Un problème qui est décelé à 18 mois. « Nous pensions qu’il était un enfant comme les autres », indique-t-il. Le couple découvre qu’il souffre de cataracte congénitale. Après deux opérations réussies, Achille sera condamné à porter des verres à double foyer à vie. Il fréquenta l’école des aveugles et finira par intégrer l’Islamic College.
Aujourd’hui Achille travaille chez Winner’s. « Nous nous sommes fait un devoir de les encadrer, de faire que nos enfants ne manquent de rien », explique-t-il.
Timide, mais toujours souriante, toujours fardée, Fareeda incarne l’élégance. « C’est comme ça que je l’ai connu, toujours belle, coquette, maquillée et en talons », confie Reshad. Il tombe sous le charme de sa dulcinée, alors qu’ils étaient tous deux au centre Loïs-Lagesse. Elle avait alors 14 ans et lui 17 ans, mais ce n’est qu’à l’âge de 30 ans qu’ils franchissent le pas et se marient.
« Nous avons dû faire face aux préjugés, aux tabous et aux obstacles. Ma famille ne voyait pas d’un très bon œil le mariage, parce que nous n’étions pas de la même religion et parce que nous souffrons d’un handicap », dit-il.
Mais Reshad ne s’est pas laissé abattre par le regard des gens. Fareeda apprenait de son côté la cuisine et le ménage et Reshad s’attelait à devenir autonome en se trouvant un emploi dans la vannerie.
« C’était mon seul gagne-pain. À l’époque je recevais 25 sous pour un panier », relate-t-il. Des associations organisent alors leur mariage, car ces derniers n’avaient pas les moyens.
Le couple autonome compte aujourd’hui 34 ans de mariage et reste à la maison pour se couler des jours heureux entouré de ses enfants.
« Nous avons élevé deux enfants sans l’aide de personne, car nous n’avons jamais voulu nous dépendre des autres. Nous avons toujours assumé nos responsabilités »
« Nous avons élevé deux enfants sans l’aide de personne, car nous n’avons jamais voulu nous dépendre des autres. Nous avons toujours assumé nos responsabilités », lance Fareeda. Pour elle, la vie n’est pas une épreuve, mais un cadeau.
« J’ai tout fait de la cuisine au ménage, j’ai grandi mes enfants, je leur donnais leur bain, les accompagnais à l’école et allais les chercher tous les jours », fait-elle observer.
Maintenant qu’elle a trouvé ses repères, elle est un vrai cordon-bleu et transmet sa passion pour la cuisine à son fils. « Lorsque ma maman est décédée, ma sœur m’a appris la cuisine. Au début, ce n’était pas simple, je devais ressayer trois ou quatre fois avant de pouvoir réussir un plat, mais avec le temps j’ai appris à cuisiner. » Fareeda connaît sa cuisine et sa maison sur le bout des doigts. Elle lave son riz, allume le feu et fait cuire son curry, seule.
Multiples talents
Le talent se cultive chez les Kaloo. En effet, Fareeda s’est aussi perfectionnée dans le crochet et la couture. Et durant son temps libre, elle pousse la chansonnette comme son fils Achille, alors que son mari Reshad joue au clavier et à la guitare.
« Je suis musicien autodidacte. J’ai appris la base avec un musicien aveugle. Grâce à ce talent, j’ai voyagé : trois fois : en Inde, aux Seychelles et même à La Réunion avec ABAIM et le centre Loïs-Lagesse », poursuit Reshad.
« C’est lorsque nous racontons notre histoire que nous prenons conscience de la chance que nous avons », confie Alam Kaloo. Le jeune homme qui travaille comme peintre doit tout à ses parents. « Lorsque j’ai commencé à travailler, c’était pour venir en aide financièrement à mes parents », indique-t-il.
Photo : Marjoreland Potiah.
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