Live News

Suite au matricide d’Ameena Yadun en Début de semaine : hommage de ses collègues à une mère-courage

Publicité

Tuée par son unique fils, Altaaf Futloo, 29 ans, l’enseignante Ameena Yadun ne se rendra plus jamais au collège Aleemiah, à Phoenix. Cependant, son âme abritera encore longtemps cet établissement secondaire. Malgré son absence, les souvenirs en ce lieu, où elle s’est dévouée pendant 31 ans à apprendre l’urdu aux élèves des Grades 7 à 11, témoignent encore de sa présence. Durement éprouvés par les circonstances tragiques de son décès, le samedi 13 février 2021, ses collègues se confient à Le Dimanche/L’Hebdo.

Nazim Kodabux, recteur du collège Aleemiah : «C’était une enseignante exceptionnelle»

nazim
Nazim Kodabux, le recteur du collège Aleemiah.

« Elle était une enseignante exceptionnelle et exemplaire. » C’est ainsi que Nazim Kodabux, le recteur du collège Aleemiah, à Phoenix, décrit Ameena Yadun, 57 ans, enseignante au sein de son établissement scolaire.

Vendredi 19 février 2021, le silence alourdit l’atmosphère au sein de ce collège. Affligé par le deuil, après le meurtre de leur collègue et amie, nul n’avait le cœur pour en parler. Six jours après, tous étaient encore envahis par un sentiment de profonde tristesse. « Pour rendre un hommage à Ameena, les dames du collège ont fait des prières à son intention ce jour-là, soit de 12 h 45 à 13 h 30 », affirme Nazim Kodabux. Deux jours avant, soit le mercredi 17 février, élèves et enseignants ont aussi rendu un hommage à Miss Ameena lors de l’assemblée du matin.

C’était une dame très pieuse et elle avait toujours les bons mots pour autrui»

Le recteur indique que sa dernière conversation avec l’enseignante remonte au jeudi précédant le drame. « Elle était assise à côté de moi pour notre cérémonie annuelle de remise de prix à nos élèves. Jamais je n’aurais imaginé qu’une telle chose allait lui arriver », se désole-t-il. Quand on lui demande s’il savait si Ameena Yadun traversait des moments difficiles avec son fils, le recteur répond : « Je l’ai entendu parler très fort une ou deux fois au téléphone. Maintenant que j’y pense, c’était sans doute lié à son fils et aux circonstances tragiques dans lesquelles elle a trouvé la mort. » 

Mais ce que le recteur du collège Aleemiah retient d’Ameena Yadun, ce sont ses remarquables leçons de vie qu’elle prodiguait à ses élèves. « Elle était une enseignante unique et très dévouée envers ses élèves et comme une mère pour ses collègues les plus proches. Cette année, Ameena Yadun a célébré ses 31 ans de carrière dans l’enseignement au collège. C’était une dame très pieuse et elle avait toujours les bons mots pour autrui. Elle préparait également nos élèves pour les concours de sketch, de poésie et rédaction organisés par l’Urdu Speaking Union et le National Urdu Institute. De nombreuses fois, elle a fait briller nos élèves sur le plan national. De plus, en tant que Section Leader, Ameena Yadun accompagnait bon nombre de nos collégiens issus des milieux défavorisés ayant des difficultés d’apprentissage », précise le recteur, avant de nous introduire aux collègues les plus proches de l’enseignante.

Nawsheen Ozeerally, enseignante d’Urdu : «Elle m’a toujours dit  qu’il avait une solution à  tout problème» 

staff
Ses collègues qui s’asseyaient à la même table dans la salle des profs.

Depuis trois ans, Nawsheen Ozeerally est la collègue d’Ameena Yadun. Comme elle, la jeune femme enseigne l’urdu aux élèves de cet établissement secondaire. « Miss Ameena était une personne très gentille, une enseignante exemplaire. Elle s’est toujours montrée compréhensive avec nous. Nous travaillions dans le même département et c’est ensemble que nous préparions les élèves pour les différents concours et sketchs en urdu. Elle se donnait à fond pour promouvoir les jeunes talents de notre collège sur le plan national », dit la jeune femme, qui rappelle qu’elle adorait travailler avec Ameena Yadun. 

Confiait-elle ses soucis personnels ? Nawsheen Ozeerally soutient que Miss Ameena était quelqu’une de très réservée. « Je ne savais même pas si elle avait un fils. C’est après ce drame que je l’ai su. Nos discussions étaient plus professionnelles que personnelles. Vu qu’elle était plus âgée, par respect, je ne lui demandais rien de personnel. En revanche, c’est moi qui me confiais tout le temps à elle. Miss Ameena me donnait toujours de bons conseils. Elle me partageait sa perception de vie et me faisait comprendre qu’il y avait toujours une solution à tout problème », renchérit la jeune enseignante, brisée par le décès de sa collègue. Elle ajoute qu’Ameena Yadun investissait énormément de son temps dans le social. « Pour ce qu’elle a été sur terre, elle mérite la plus haute place au paradis », conclut Nawsheen Ozeerally.


Jessrie Moonsamy, enseignante de Sociologie : «Elle avait une grande sagesse, elle aimait la vie»

Sa dernière rencontre avec Ameena Yadun remonte au jeudi 11 février dernier, soit pour le Prize Giving Day. Pour Jessrie Moonsamy, Ameena Yadun était une personne toujours positive et qui aimait la vie.  « Elle avait une grande sagesse, elle donnait vraiment de bons conseils. Elle m’a toujours soutenue et encouragée sur le plan professionnel. Elle a aussi été très présente pour moi l’an dernier, lorsque j’ai perdu ma mère », confie la jeune enseignante. 

Jessrie Moonsamy souligne que la dernière fois qu’elle a vu Miss Ameena, elle semblait être perdue dans ses réflexions. « Je n’ai pas osé lui demander ce qui n’allait pas, car nos conversations étaient plus souvent professionnelles », explique-t-elle. 

Cependant, Jessrie Moonsamy indique qu’elle a passé de bons moments avec Ameena. Les mardis et les vendredis, après les heures de classes, elle jouait souvent au badminton avec Ameena Yadun. « Elle était ma partenaire de jeu. Nous faisions régulièrement de la marche à Gymkhana. Elle adorait la nature. Elle faisait tout pour se maintenir en forme  », sourit-elle. Elle raconte qu’elle a eu le plaisir d’initier Ameena Yadun à l’informatique durant la période de confinement l’an dernier. Et ce, afin que l’enseignante puisse mettre ses cours en ligne. « Elle avait la volonté d’apprendre de nouvelles choses. Je lui serais éternellement reconnaissante pour ses leçons de vie et pour tout ce qu’elle a fait pour moi », conclut-elle.


Yushrina Allykhan, enseignante de Français : «Sa bonne humeur et sa gentillesse étaient exceptionelles»

C’est en pleurs que Yushrina Allykhan raconte ses souvenirs avec Ameena Yadun. « Lorsque j’allais être maman, elle m’a beaucoup soutenue. Elle m’a toujours donné de précieux conseils pour que je gère au mieux cette nouvelle étape de ma vie. Même si elle était une personne très réservée, c’était une personne formidable. Elle nous encourageait à faire de notre mieux sur tous les plans, que ce soit professionnel, personnel et spirituel. » Et d’ajouter qu’elle se tournait toujours vers Ameena Yadun en cas de doute ou d’un quelconque problème. « Ameena était toujours à l’écoute. C’est difficile de parler d’elle au passé. Comme nous nous asseyions à la même table dans la salle des enseignants, elle nous manque atrocement, surtout pour sa bonne humeur et sa gentillesse qui étaient exceptionelles », conclut Yushrina Allykhan.


Nasreen Nuckcheddy, enseignante de Français : «Elle me considérait comme son enfant»

masreenNouvelle venue de la bande de collègues proches d’Ameena Yadun, Nasreen Nuckcheddy est enseignante de Français. « Lorsque j’ai intégré le personnel enseignant du collège Aleemiah, Miss Ameena a tenu à venir me voir. Elle m’a aidée dans ma phase d’adaptation. À la table des enseignants, c’était souvent des rires, des encouragements, des conseils et des leçons de vie qu’elle nous transmettait pour un meilleur avenir. Depuis, nous avons toujours eu une relation cordiale. Elle m’encourageait tout le temps et elle me considérait comme son enfant », souligne la jeune enseignante, qui débute sa carrière. Pour Nasreen Nuckcheddy, Miss Ameena était simplement géniale comme personne. « Elle était un fighter. Elle nous apprenait à toujours garder espoir, malgré les aléas de la vie. C’est vraiment triste qu’elle ait perdu la vie dans de telles circonstances. Ce qui me manquera le plus, c’est de ne plus la croiser dans les couloirs ou la voir assise à notre table d’enseignants », conclut-elle.


Farhanaz Fatadeen, enseignante d’Urdu : «Elle était une ‘star’ pour moi» 

La dernière conversation de Farhanaz Fatadeen avec Ameena Yadun remonte au 10 février dernier. « Elle m’avait envoyé un texto pour m’adresser des félicitations et me dire que mes anciens élèves allaient être récompensés pour la cérémonie de remise de prix annuelle du collège Aleemiah », se rappelle Farhanaz Fatadeen. Celle-ci précise que c’est avec effroi qu’elle a appris le décès de Miss Ameena, avec qui elle était très proche.

Aujourd’hui enseignante d’urdu dans un autre collège, Farhanaz Fatadeen indique que c’est avec elle qu’Ameena Yadun s’est lancée dans l’organisation des sketchs. « Elle a été d’une aide précieuse pour la préparation des élèves du collège Aleemiah pour les concours organisés par le National Urdu Institute et l’Urdu Speaking Union, entre autres. Même si tout le temps, elle se la jouait profil bas, elle est une ‘star’ pour moi », partage Farhanaz Fatadeen. 

Elle ne manque pas de souligner le dévouement de Miss Ameena, ce qui fait une différence dans la vie des enfants vivant en situation précaire. « Après l’école, elles les déposaient à la maison ou elle leur donnait à manger ou même leur acheter leurs matériels scolaires. Elle avait un cœur en or. Nous, ses collègues, elle nous encourageait tout le temps à donner le meilleur de nous, tant en classe qu’à la maison. Elle était comme une mère », renchérit Farhanaz Fatadeen. Quant à ce qu’elle retient d’Ameena Yadun, elle dira : « c’était une personne calme et pieuse qui m’a toujours soutenue. Mais encore qui m’a appris à toujours avoir foi en Dieu malgré les aléas de la vie. » 

Quant à ses plus beaux souvenirs, la jeune enseignante affirme que ce sont les nombreux déjeuners et dîners qu’elles ont pris ensemble. Toutefois, elle ne cache pas avoir souvent remarqué, dans les yeux d’Ameena Yadun, une profonde tristesse, dont elle n’a jamais osé demander la cause.


Qui était Ameena Yadun ?

ameena
Ameena Yadun aimait la vie et la nature.

Connue comme une personne pieuse et réservée, Ameena Yadun, 57 ans, vivait seule dans sa maison à morcellement Frangipane, L’Avenir Saint-Pierre. C’est dans le village de The Vale qu’elle a passé son enfance. Son père était forgeron et sa mère femme au foyer. Ameena avait quatre sœurs. Après le cycle primaire à l’école de son village, elle a fait le secondaire au collège Muslim Girls. Et c’est le 8 janvier 1990 qu’elle a débuté sa carrière d’enseignante au collège Aleemiah, à Phoenix. Sa passion : la couture, la lecture du Coran, la marche, la natation et le badminton. Elle aimait la vie et la nature. Sa priorité était de rester en forme. Elle enseignait le théatre et préparait ses élèves pour les concours en urdu. Philanthrope, elle aidait énormément les personnes dans le besoin, surtout ses élèves. 


Altaaf, un accro à la drogue synthétique

altaaf
Altaaf Futloo.

Altaaf Futloo, 29 ans, réclamait toujours de l’argent pour acheter ses doses. Accro à la drogue synthétique, il en redemandait à sa mère, qui le lui a refusé le samedi 13 février. Après une vive altercation, il a égorgé sa mère à son domicile au morcellement Frangipane, à L’Avenir-Saint-Pierre.

Le lendemain matin, il s’est débarrassé du corps de sa mère, en l’abandonnant dans un terrain en friche, à Côte d’Or. Après avoir simulé sa disparition auprès de ses proches, le jeune homme a consigné une déposition au poste de police de Saint-Pierre, à 19 h 27 le lundi 15 février. Une enquête a abouti à son arrestation pour matricide. Dans le voisinage d’Ameena Yadun, une source indique avoir vu Altaaf Futloo endormi dimanche matin dans la voiture de l’enseignante : « Tou letan Miss la so loto prop. Sann fwa la li ti kouver ek labou. Monn trouv sa drol, me mo pann kas latet. »


Altaaf habitait avec son père quand il était petit

maison
La maison du père d’Altaaf Futloo à Phoenix.

À peine arrivés chez Yousouf Futloo, le père d’Altaaf Fultoo et l’ex-époux d’Ameena Yadun, un de ses proches nous a dit : « Li pa an eta pou koze lor sakin arive. » 

Mais qui est Yousouf Futloo ? Nous apprenons qu’il a pris sa retraite il y a 5 ans et qu’il était enseignant de chimie au collège Aleemiah, où il a rencontré Ameena Yadun. Après leur mariage, le couple est venu habiter Phoenix. De cette union est né leur fils unique, Altaaf Futloo. « Son fils complétait son Certificate of Primary School, lorsqu’il s’est séparé de sa femme. Celle-ci a par la suite loué une maison à Rose-Hill, avant d’en acheter une. Ils se sont bagarrés pour la garde d’Altaaf, qui a choisi d’aller vivre avec son père », indique un proche. Et de poursuivre que cela fait 14 ans depuis qu’Ameena a bougé dans sa nouvelle maison, à Saint-Pierre. 

Après ses études secondaires au collège Mahatma Gandhi Institute (MGI), Altaaf Futloo s’est envolé en Suisse pour faire des études en Food Science & Technology. Il n’avait que 18 ans. « Li ti enn bon garson. Pa kone kinn arive kan linn al rest kot so papa », dit notre interlocuteur, avant de préciser que, depuis deux semaines, Altaaf Futloo a été aperçu dans le voisinage d’Ameena Yadun.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !