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Suicide chez les jeunes : «La situation est réellement alarmante»

Doris Dardanne a intégré, en 2018, Befrienders Mauritius qu’elle préside depuis 2022.

«Nous constatons une hausse préoccupante du nombre de suicides et de tentatives, en particulier parmi les jeunes. La situation est réellement alarmante.  » Derrière ces mots, Doris Dardanne, présidente de l’ONG Befrienders, décrit une réalité préoccupante : à Maurice, de plus en plus de personnes, jeunes et adultes, se retrouvent en détresse psychologique et cherchent une oreille attentive.
Depuis la pandémie de COVID-19 et dans un contexte socio-économique difficile, l’ONG a constaté une augmentation notable du recours à ses services. «  Le nombre d’appels et de chats a nettement augmenté. Depuis l’ouverture de deux lignes supplémentaires, nous avons constaté une croissance significative du recours au chat.  » 

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Les profils sont variés : adultes en deuil, chômeurs, étudiants en détresse, jeunes professionnels soumis au stress ou encore victimes de cyberharcèlement. «  Il n’y a pas de profil unique. Nous recevons des appels d’adultes confrontés à des situations difficiles, de personnes endeuillées, de jeunes étudiants cherchant une oreille attentive, ou encore de jeunes professionnels en proie au stress, à la perte d’emploi ou à des difficultés relationnelles.  »

Violence domestique, infidélité, dépendances à l’alcool ou à la drogue, perte d’emploi, isolement social… Autant de facteurs de risque auxquels s’ajoutent des troubles de santé mentale comme la dépression ou le burnout. «  L’accumulation de stress, professionnel ou personnel, peut mener à la dépression ou au burnout. Sans soutien familial ou social, cela entraîne un sentiment de désespoir et, parfois, des idées suicidaires. La personne veut mettre fin à sa souffrance et pense que le suicide est la seule issue.  »

Pour agir à temps, l’entourage doit savoir détecter les signes avant-coureurs : isolement, perte d’appétit ou troubles du sommeil, désintérêt pour les activités habituelles, irritabilité ou tristesse persistante. Les paroles sombres comme « La vie est trop compliquée », « J’en ai marre », « À quoi bon » ou « Si je n’étais pas là, ce serait mieux » doivent également alerter. 

« Tout appel ou chat est pris au sérieux. Dans le respect de la confidentialité, de l’anonymat et sans aucun jugement, nous encourageons l’appelant à exprimer ses sentiments et à raconter son histoire avec ses propres mots. »

L’écoute comme première arme

La mission de Befrienders repose sur l’écoute active. L’ONG offre soutien émotionnel, suivi personnalisé et orientation vers des structures spécialisées si nécessaire. Elle organise également des sessions de sensibilisation pour briser le tabou autour du suicide et promouvoir la santé mentale. « Une tentative de suicide doit toujours être suivie d’un accompagnement thérapeutique, ce qui est trop souvent négligé. Après un séjour en clinique ou à l’hôpital, beaucoup reprennent leur vie comme si rien ne s’était passé, sans réel suivi.  Dans ces cas, le risque de récidive reste élevé. »

Befrienders rappelle également l’importance du soutien aux proches endeuillés : « Il est crucial de soutenir les proches endeuillés par un suicide car cette douleur immense a besoin d’être exprimée. Nous sommes là pour eux aussi. » 

Selon Doris Dardanne, la prévention est l’affaire de tous : « Renforcer les liens sociaux et familiaux, oser parler quand ça ne va pas, oser demander de l’aide, oser aborder le sujet avec quelqu’un qui n’a pas l’air bien… Ce sont là des gestes simples mais essentiels. »
Parmi les principaux obstacles, l’ONG cite le manque de bénévoles et des ressources financières limitées. « Nous organisons une campagne de recrutement tous les deux ans, mais beaucoup hésitent à s’engager, estimant difficile d’écouter les problèmes des autres. » La National Social Inclusion Foundation assure les frais de fonctionnement, mais les projets de sensibilisation et de formation dépendent largement du soutien des entreprises et de la générosité des bénévoles. « Nous avons besoin de plus de bras et de moyens pour continuer à sauver des vies. »

Malgré l’ampleur de la problématique, Doris Dardanne délivre un message de courage et de solidarité : « Ne restez pas isolé. Appelez-nous. Vous trouverez toujours quelqu’un pour vous écouter, sans jugement et avec empathie. Osez en parler, pour vous-même. Mettre des mots sur sa souffrance permet de clarifier ses pensées, d’apaiser ses émotions et d’ouvrir la porte à d’autres solutions, à plus de courage et d’espoir. »

Befrienders est joignable tous les jours de 9 h à 21 h au 467 0160, sur WhatsApp (5483 7233 / 5810 4317 / 5831 5551), via sa hotline 800 9393 ou par email (adminofficer.befrienders@gmail.com).

Les 30 ans de Befrienders

À l’occasion de ses 30 ans et de la Journée mondiale de la prévention du suicide, Befrienders Mauritius a organisé une conférence intitulée « Silent Signs, Listening Hearts » les 4 et 6 septembre. L’événement a mis l’accent sur la santé mentale des jeunes et le lien affectif parents-enfants. Plusieurs intervenants, dont la psychologue clinicienne Dr Emilie Rivet, la spécialiste en parentalité Françoise Labelle et la psychologue Elise Koenig, ont partagé leurs expertises à travers causeries et ateliers. 

Befrienders a rappelé que la moitié des appels reçus chaque semaine émane d’adolescents ou de jeunes adultes, soulignant l’urgence de renforcer l’écoute et la communication au sein des familles.

Befrienders en quelques chiffres

Befrienders reçoit en moyenne une cinquantaine d’appels par semaine, dont près de la moitié provient d’adolescents ou de jeunes adultes en détresse. Sur une année, l’ONG traite environ 3 000 appels, un chiffre en hausse depuis les confinements de 2020 et 2021, notamment grâce à l’ajout de deux lignes d’écoute via WhatsApp. À cela s’ajoutent les nombreux contacts établis par courriel, messagerie Facebook ou depuis l’étranger. 

 

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