
Face à un contexte économique tendu, le Budget présenté par le gouvernement suscite de vifs débats. Sudhir Seesungkur salue le courage politique du Premier ministre, tout en pointant les zones de tension, notamment sur l’âge d’éligibilité à la pension de retraite et les choix budgétaires.
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Ce Budget répond-il aux attentes élevées qui accompagnaient la victoire électorale du gouvernement ? Quels en sont les points forts et les principales lacunes ?
Le Dr Navin Ramgoolam a fait preuve de courage en présentant un Budget exigeant, en phase avec la situation actuelle. Cela comporte des conséquences politiques en raison de l’impopularité attendue. Peu de leaders auraient accepté de courir un tel risque, ce qui pourrait fragiliser l’alliance au pouvoir. Certains partenaires pourraient se désolidariser, et les députés devront affronter critiques et tensions sur le terrain, ce qui ne sera pas évident pour tous. Attendons de voir comment cela évoluera. Cela dit, le Premier ministre a privilégié l’intérêt national.
L’utilisation de Rs 10 milliards issues de l’accord sur les Chagos pour financer le budget est-elle une solution viable ou simplement une mesure ponctuelle qui reporte les difficultés ?
Il reste l’étape d’approbation à franchir, suivie du processus d’intégration de la somme dans le budget britannique, ce qui prendra du temps. Toutefois, cet apport constitue un soulagement financier. En réalité, au regard de l’ampleur des dépenses nationales, Rs 10 milliards ne représentent pas un montant si conséquent. Il faut noter que le gouvernement a sollicité un versement anticipé lié à la location des Chagos. Ce fonds pourrait aussi servir à investir dans de nouveaux secteurs, pas uniquement à combler le budget ou rembourser les dettes.
Pourquoi, selon vous, le Budget ne va-t-il pas plus loin dans les réformes structurelles nécessaires pour réaligner l’économie mauricienne ? Quels changements auraient été prioritaires ?
Des réformes ont été amorcées. Il fallait surtout contenir un déficit budgétaire proche de 10 % du PIB. Un ajustement était inévitable. Les salaires de la fonction publique et les allocations héritées de l’ancien gouvernement pèsent lourd dans les dépenses, qu’il est difficile de diminuer rapidement. Des efforts ont été faits pour partager le fardeau : les contribuables fortunés et les véhicules de luxe sont davantage taxés. Certaines fusions de services permettront aussi de réduire les coûts de fonctionnement.
La mesure d’allocation aux junior minsters ne va-t-elle pas à l’encontre de l’idée de « burden sharing » ?
D’après ce que je comprends, il s’agit d’un ajustement administratif. Les junior ministers n’étaient pas pris en compte dans l’ancienne nomenclature budgétaire. Le gouvernement a conservé l’échelle salariale équivalente à celle des Parliamentary Private Secretaries (PPS), mais a modifié l’intitulé du poste. Le mot « allowance » n’implique pas forcément une somme supplémentaire. Il ne faut pas se focaliser sur un seul point en dehors de sa globalité.
Sans la menace d’un abaissement de notation par Moody’s, ce budget difficile n’aurait probablement pas été présenté. La popularité du gouvernement est en jeu, mais les décisions prises répondent aux exigences économiques actuelles. Il fallait agir.
Le ministre Ritish Ramful a, lors d’une récente émission sur Radio Plus en réponse à un argument de Steven Obeegadoo, souligné qu’il n’était pas question de toucher aux salaires des ministres…
Steven Obeegadoo a mentionné une réduction des salaires ministériels de 10 % durant la pandémie. Mais qu’en est-il de la gestion des fonds publics à l’époque ? Des enquêtes sont en cours sur la Mauritius Investment Corporation concernant l’utilisation des fonds des contribuables. Le « burden sharing » aurait été justifié, selon le contexte. Durant la pandémie, l’effet psychologique d’une telle mesure sur la population était important. Aujourd’hui, on aborde une situation économique plus large. Baisser les salaires des ministres n’aurait qu’un effet marginal sur le déficit. Symboliquement, cela aurait été fort, mais ce n’est pas à moi d’en juger.
La décision d’élever l’âge d’éligibilité à la pension universelle à 65 ans fait couler beaucoup d’encre. Quelle est votre lecture de cette mesure et pensez-vous que le ciblage aurait été plus approprié ?
Le vieillissement démographique est une problématique connue depuis longtemps. Le FMI tire la sonnette d’alarme chaque année à ce sujet. Aucun gouvernement n’avait pris de décision pour le corriger, et la situation s’est dégradée. Sans mesure rapide, la crise aurait été inévitable. Les débats parlementaires pourraient aboutir à des amendements. Une fois la loi votée, on comprendra mieux les modalités, notamment sur les pensions. Quant au ciblage, je doute de sa pertinence : la gestion serait trop compliquée. Une loi de cette envergure doit impérativement être accompagnée d’un plan d’exécution clair.
Lors d’une conférence de presse sur le Budget 2025-26 le 11 juin, le leader du MSM, Pravind Jugnauth a affirmé que l’âge d’éligibilité à la pension universelle passera de nouveau à 60 ans si son parti remporte les prochaines élections. La campagne du MSM est déjà lancée ?
Le MSM avait fait de nombreuses promesses lors de la dernière campagne ; cela ne les a pas empêchés de perdre. Les Mauriciens sont lucides. Ils lisent, analysent, et savent faire la part des choses entre démagogie et propositions sérieuses. Aucun gouvernement ne prendrait de telles décisions impopulaires sans nécessité. Il faut mobiliser Rs 64 milliards pour financer les pensions, et les bénéficiaires augmentent chaque année. Pravind Jugnauth tente d’assurer sa survie politique.

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