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Stress hydrique : le barrage de Rivière-des-Anguilles, une priorité

Farook Mowlabaccus, hydrologue.

L’hydrologue Farook Mowlabaccus exprime des préoccupations profondes concernant la gestion des ressources en eau. Il déplore le retard dans la réalisation de projets essentiels tels que le réservoir de Rivière-des-Anguilles, dont la conception, achevée entre 2010 et 2012, n'a pas encore abouti à la construction. « Ce retard empêche d'alimenter efficacement le Sud-Est, le Sud et le Sud-Ouest de l'île, augmentant ainsi la pression sur Mare-aux-Vacoas. Ce projet est plus que jamais une nécessité », affirme-t-il.

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L'hydrologue pense que la construction de petits réservoirs n’est pas la solution face au stress hydrique, les qualifiant de « perte de temps ». « Avant de construire un réservoir, il y a plusieurs facteurs à prendre en compte. Cela prend du temps et aussi coûte de l’argent », fait ressortir Farook Mowlabaccus.

Concernant les forages, il avertit que les nappes souterraines sont déjà exploitées à leur capacité maximale. « Tout forage supplémentaire pourrait entraîner une baisse rapide du niveau de l'eau, posant des problèmes pour l'approvisionnement futur », prévient-il. À la place, il pense qu’il vaut mieux privilégier le captage direct de l'eau des rivières. Cette approche permettrait d'assurer un approvisionnement constant, surtout en période de faible pluviométrie.

Farook Mowlabaccus attire également l'attention sur les pertes d'eau dues aux fuites, estimées à 62 %. « Il y a urgence à réparer ces fuites. Cela améliorerait significativement l'efficacité du système de distribution et réduirait le gaspillage », avance-t-il.

Sébastien Martiel, qui est hydrogéologue, explique qu’il existe plusieurs méthodes de captage : la construction de réservoirs, la création de petits barrages sur les rivières, les forages, ou encore l'installation de seaux sous les dallots. Toutefois, il avance que le problème réside dans la gestion de la production d'eau.

« Si le captage est directement lié aux précipitations, comme c'est le cas avec les rivières, l'absence de pluie signifie qu'il n'y a pas de production », précise l'expert. En revanche, avec des captages indirects, comme les forages, le système a le temps de résister à quelques sécheresses successives sans être trop impacté.

Selon lui, cette distinction est cruciale, car elle permet à des systèmes comme les forages de mieux s’adapter aux périodes de sécheresse, contrairement aux captages directs. « Les forages peuvent subir deux sécheresses consécutives sans impacter immédiatement la production, contrairement aux captages par rivières », ajoute l’hydrogéologue.

Cependant, même avec ces solutions indirectes, des défis persistent, notamment la capacité de la Central Water Authority (CWA) à gérer efficacement les ressources. Le projet de barrage sur la rivière des Anguilles, qui fait l’objet de discussions, est souvent cité comme une solution pertinente. « C’est une région où l’infiltration de l’eau est faible et la recharge des nappes souterraines est insuffisante », explique notre interlocuteur. Ce dernier ajoute que dans ce cas précis, un barrage permettrait de mieux gérer les ressources en eau. Mais cette solution, bien qu'efficace dans ce contexte particulier, n'est pas applicable partout ailleurs, car certaines zones nécessitent des forages plutôt que des barrages, en raison de l’infiltration d’eau.

Dans des zones où l'infiltration d’eau est favorable, les forages restent la solution idéale. « Il faut adapter les solutions aux situations locales », souligne l’hydrogéologue. Un autre aspect à prendre en compte est la proximité des solutions de production par rapport aux consommateurs. « Plutôt que de pomper l'eau depuis Mare-aux-Vacoas, pourquoi ne pas chercher à avoir des solutions de production proches des zones de consommation, pour limiter les pertes en eau ? » propose-t-il.

Actuellement, la CWA fait face à des pertes de 62 % d'eau. « En tant qu’hydrogéologue, je ne vois pas cela comme un gaspillage car l'eau se retrouve dans les nappes souterraines. Certes, pour la CWA, c'est un manque à gagner », explique l’expert. Cependant, il souligne que ce n’est pas un problème irrémédiable : pour chaque litre d’eau produit, trois litres doivent être traités, mais deux litres retournent au système. « Ce n'est pas perdu, mais ce n'est pas un système efficace », indique Sébastien Martiel.

Flexibilité

Il explique qu’aujourd’hui, la CWA utilise un mélange de production d’eau, avec une moitié provenant des forages et l’autre des réservoirs, mais ces derniers dépendent de la pluie. « Lorsqu’il ne pleut pas, les réservoirs s’assèchent rapidement », explique l’hydrogéologue. En revanche, avec les forages, l’eau vient des nappes souterraines, ce qui permet de pomper de l’eau même pendant les périodes de sécheresse.

Ainsi, il pense que le système présent n’a pas la flexibilité nécessaire pour s’adapter aux variations climatiques. « Le système de gestion de l’eau actuel est rigide. La CWA distribue 50 % d’eau des forages et 50 % des réservoirs, mais ce n’est pas flexible », fait ressortir notre interlocuteur. Selon ce dernier, il serait indispensable de revoir la répartition de la production afin de permettre une meilleure gestion des ressources en fonction des conditions climatiques. « Par exemple », indique-t-il, « pendant les périodes de sécheresse, il serait pertinent de passer à un ratio 80 % forages et 20 % réservoirs ».

L’expert plaide également pour un investissement à long terme dans les forages. « Il faudrait prévoir un plan de 15 ans pour garantir une quantité suffisante de forages, dont chacun coûte environ Rs 2 millions », précise-t-il. Selon lui, la CWA investit moins de 1 % de son budget annuel dans la création de nouveaux forages, un financement qui reste insuffisant pour assurer la résilience du système durablement.

 

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