Le membre de Rezistans ek Alternativ revient sur l’émergence des mouvements citoyens. Stefan Gua estime que c’est son parti qui a jeté les bases. Il se dit confiant que la force de son parti n’est pas négligeable. Par ailleurs, il affirme qu’il n’a aucun problème de collaborer avec Bruneau Laurette si ce dernier fait appel à eux.
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Quel est votre avis sur l’annonce de Bruneau Laurette sur la création de son parti ?
Nous n’avons pas encore fait une évaluation au sein de Rezistans ek Alternativ (ReA). Toutefois, depuis le 11 juillet, nous avons collaboré avec Bruneau Laurette. Nous avons été approchés par Bruneau Laurette pour la première manifestation après le confinement et celle du 29 août. Nous avons des relations très cordiales et nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises. Le prochain grand rendez-vous politique sont les élections municipales, sauf en cas de chamboulement sur l’échiquier politique. Nous sentons qu’il y a une envie profonde des Mauriciens pour une nouvelle île Maurice. Ainsi, nous accueillons le parti de Bruneau Laurette.
Est-ce que vous pensez que le parti aura une force de frappe ?
Cela fait un moment depuis que nous assistons à une déchéance des partis traditionnels. Il y a deux partis historiques, notamment le MMM et le PTr. Quant au MSM, il est issu du MMM. Qu’il s’agit du MMM ou du PTr, ils sont arrivés à terme. Depuis 2014, ils n’ont pu composer le gouvernement. Pour ce qui est du MSM, il n’y a pas de renouvellement. Il s’agit d’une passation de pouvoir. Il y a un dégoût des Mauriciens. Ces derniers ont une profonde aspiration pour l’émergence d’un nouveau courant politique qui repose sur les valeurs que prônent ReA depuis des lustres. Toutefois, l’émergence d’une nouvelle voie a besoin d’une bonne base. C’est cela qui incitera les gens à s’y adhérer. À quel point les gens feront-ils politiquement confiance à Bruneau Laurette ? Je pense que tout dépendra de ce qu’il a à proposer.
La fragmentation des partis citoyens est-elle judicieuse ?
Je ne crois pas qu’il y ait une fragmentation. Je dirai que c’est une phase de ‘reshufflement’. Il ne suffit pas de mettre toutes les forces émergentes ensemble pour résoudre les problèmes. Il faut de la clairvoyance. Il faut que les différents courants partagent les mêmes visions et convergent dans la même direction. Sinon, c’est hors de question que ReA collabore avec eux. Un certain degré de discernement est important, car d’une part et d’autre, nous arrivons à un moment de clarification. D’un côté, il y a le gouvernement et de l’autre côté, il y a l’opposition parlementaire. Comme on le dit, ni la boue ni la mare, car il y a leur côté pouvoiriste qui est mis à nu. Ne tombant pas d’accord sur celui qui détiendra le pouvoir, ils finissent par éclater.
Quand les gens descendent dans les rues, ils réclament leur droit d’être partie prenante à une politique plus participative et transparente.»
Pourquoi Bruneau Laurette arrive-t-il à percer contrairement à ReA qui est pourtant un parti qui, en plus, est sur la place depuis plusieurs années. Avez-vous été trop dogmatique ?
Je ne partage pas cette analyse disant que nous (ReA) n’avons pu percer. En 2019, nous n’avons pu participer aux élections générales puisque nous avions refusé de décliner notre appartenance ethnique. C’était un coup foireux du gouvernement Jugnauth. Il y a un cas en Cour et nous pensions qu’ils allaient venir avec le mini amendement comme en 2014. Ce qui n’a pas été le cas. Pour les élections municipales de 2015, notre score était plus qu’honorable avec une moyenne de 7,7 %. Dans certains arrondissements des villes, nous avons eu près de 12 %.
ReA était présent dans les grands mouvements, dont celui du 11 juillet. Nous avons posé les bases pour ces mouvements à travers le Kolektif Konversasyon Solider. Quelques jours après, il y a eu le naufrage du Wakashio. ReA était le premier à avoir été sur le Waterfront de Mahébourg. Nous avions lancé un appel aux Mauriciens de venir nous rejoindre en vue de fabriquer des bouées. Pour la marche du 29 août dernier, Bruneau Laurette est venu nous voir pour lui accorder notre soutien. Si nous étions une force négligeable, il n’aurait pas trouvé nécessaire de nous rencontrer. Idem pour le 13 février dernier où l’opposition avait fait appel à nous pour être présent. Si nous étions une force négligeable, on n’aurait pas fait appel à nous. Nous ne sommes donc pas en dehors de ce qui se passe.
Vous avez fait de la corruption, du népotisme et autres votre cheval de bataille. N’avez-vous pas été assez attentifs aux préoccupations quotidiennes des Mauriciens ?
Nos militants de ReA donnent un coup de main à plusieurs mouvances syndicales. Industrie sucrière, secteur du tourisme, bref, nous sommes aux côtés des travailleurs dans plusieurs secteurs. Une des préoccupations majeures des Mauriciens est l’emploi et les menaces qui les guettent après le confinement. Nous avions fait une série de demandes au gouvernement, dont une garantie sur l’emploi. Le gouvernement est venu avec le Wage Assistance Scheme et les entreprises qui n’ont pas le droit de licencier. ReA ne se concentre pas uniquement sur les scandales. Nous mettons l’accent sur des analyses profondes. C’est faux de dire que nous ne sommes pas proches des citoyens. Or, nous sommes à leur côté sur plusieurs fronts. Ce qui fait notre champ d’action ne se limite pas aux scandales. Si nous restons focaliser sur les scandales, qui existent depuis toujours, nous ne pourrons amener cette transformation.
Il y a un foisonnement des mouvements citoyens à cause d’un vacuum…
Il faut corriger cette notion des citoyens versus la politique. En termes d’analyse sémantique, il y a un problème. Le droit de s’associer est garanti par la Constitution. Réfléchir sur la société, c’est faire de la politique. Il y a ceux qui visent à tout prix le pouvoir, il y a ceux qui font de la politique au niveau des collectivités locales. De plus, c’est une action politique lorsque les gens descendent dans la rue. Certains disent que c’est une action citoyenne, mais c’est induire en erreur. ReA défend cette notion de démocratie participative. Le pouvoir ne doit pas être séquestré entre les mains de ceux qui ont été élus. Tout le monde a le droit de participer dans des décisions d’envergure à travers des référendums. Il faut des débats sur l’économie, l’écologie, l’énergie…Quand les gens descendent dans les rues, ils réclament leur droit d’être partie prenante à une politique plus participative et transparente.
Et qu’est-ce qui cloche ?
Le problème réel est avec notre système politique où on doit se catégoriser en communauté. Il y a aussi le financement des élections et des partis politiques traditionnels par les gros capitaux. Ce qui ne permet pas l’émergence d’autres expressions politiques. Il y a les médias qui entrent en jeu, car ils ont tendance à bipolariser les élections entre deux blocs du mainstream. Le ‘Kistnen papers’ montrent où cela peut aller. Il y a de mauvaises pratiques qui corrompent notre démocratie. ReA est catégorique dessus. Il refuse le financement des gros capitaux. Pour les élections de 2014, nous avions dépensé au maximum Rs 400 000 pour tous nos candidats dans les 20 circonscriptions. Ce qui n’est même pas un tiers de ce que dépense un candidat du ‘mainstream’. Si on veut une alternance, ce n’est pas de retirer Jugnauth pour mettre Ramgoolam, Bérenger ou Duval.
Pour conclure, qu’allez-vous faire si Bruneau Laurette vous demande de vous allier à son parti ?
Dans le passé, nous avons rencontré et collaboré avec Bruneau Laurette. S’il souhaite nous rencontrer, discuter avec nous et que nous accordons nos violons, nous sommes disposés à le faire s’il exprime le désir.
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