Jade Pearl April Anthony du collège Dr Maurice Curé, dont la mère Daniella Apollon est coiffeuse, a décroché la State Scholarship pour les Arts. Au-delà des distinctions, découvrez l’histoire d’une mère et de sa fille qui, ensemble, ont construit des ponts vers des horizons extraordinaires.
Jeudi 8 février, au lendemain de la proclamation des lauréats de la cuvée 2023. Nous nous retrouvons à Providence, un village du sud situé tout juste après Bois-des-Amourettes. En compagnie de sa mère Daniella Apollon, 52 ans, et de ses grands-parents, la boursière du collège Dr Maurice Curé, Jade Anthony, confie : « C’est ensemble que nous avons fait de ce rêve une réalité. »
Daniella Apollon, qui est mère célibataire, est aux anges. Ses années de sacrifices ont porté leurs fruits. Séparée de son mari depuis que Jade a 10 ans, elle gagne sa vie comme coiffeuse. Elle révèle que Jade et elle ont déménagé à trois reprises, avant qu’elle ne revienne habiter chez ses parents pour offrir un environnement stable à sa fille.
Daniella a travaillé dans une usine avant de se lancer dans la coiffure. « Ce métier m’a permis de gagner assez d’argent pour subvenir aux besoins de ma fille et même acheter une voiture pour que Jade puisse aller à l’école », confie-t-elle.
« Là où nous habitons, il n’y a souvent pas d’autobus. Il faut faire le pouce ou prendre un taxi pour aller à la gare de Mahébourg. Et Jade devait y être à 6 h 30 tous les jours pour arriver à l’heure à l’école », ajoute Daniella Apollon. Même scénario le soir, quand Jade rentrait après les heures de classe ou ses leçons particulières. « Mon cœur se déchirait souvent lorsqu’elle marchait de Bois-des-Amourettes pour rentrer à la maison tard le soir. Elle a aussi eu des mésaventures dans le bus du retour avec des pervers. D’ailleurs, elle a filmé toute la scène pour que la police renforce la sécurité dans ce coin de l’île », dit-elle.
Lorsque Jade était en Grades 10 et 11, le marchand de pain de la localité a gentiment proposé de la déposer à la gare de Mahébourg chaque matin. « Cela me rassurait mais, la pauvre Jade devait aller de maison en maison pour quitter les pains avant d’aller à l’école. Cependant, je le remercie du fond de mon cœur car il a joué un rôle dans la réussite de ma fille. »
Face à cette situation, elle a décidé de passer son permis de conduire pour faciliter la vie à sa fille. « Lors des examens de Jade, je partais la déposer et des fois, je l’attendais pendant toute une journée dans la voiture. Nous avons vécu bien des choses ensemble, ma fille et moi. Quand elle a eu 18 ans, elle a passé son permis et c’est elle qui me déposait au travail avant d’aller à l’école », soutient la coiffeuse.
Potentiel
En tant que mère célibataire, elle confie avoir beaucoup galéré. « Jade en a été témoin. Elle est pleine de potentiel. C’est pourquoi j’ai tout fait pour lui donner un meilleur comfort de vie tout en l’encourageant à donner le meilleur d’elle-même dans ses études », confie la mère courage.
Sa fille est lauréate, que ressent-elle ? « Je suis très contente qu’elle ait maintenant la possibilité d’étudier à l’étranger. Un monde de possibilités s’ouvre à elle », répond-elle.
Qu’est-ce qui, selon elle, a été la clé de la réussite de Jade ? « Elle est très mature car elle a été forcée de grandir très vite. Elle a compris que l’éducation est son passeport pour un meilleur avenir. Avec le soutien de ses enseignants, j’ai fait tout mon possible en tant que maman célibataire pour nourrir les rêves de ma fille, peu importe les défis rencontrés. Jade m’a rendue très fière aujourd’hui en devant lauréate. »
Jade Anthony : « La séparation de mes parents m’a fait grandir »
Enfant, Jade se rebelle face à la séparation de ses parents. Mais elle comprend rapidement que l’éducation lui offrira un meilleur avenir. « Mon père n’a jamais été là pour moi. Finalement, cette séparation a été positive. Elle m’a permis de forger mon caractère pour être plus forte et affronter les défis et découvrir mon plein potentiel », confie la lauréate.
Ainsi, après 6 A+ au CPE, elle décroche six unités aux examens de School Certificate. « Pas ti fasil pou al lekol dan sa ban condision-le me monn persevere », dit-elle. Elle tient à remercier de tout cœur « Monsieur Armoogum », son enseignant de sociologie pour les leçons particulières. « Il a été mon ‘role model’. Je peux même dire qu’il a été un ‘top Father Figure’. »
La jeune fille parle aussi du soutien de ses grands-parents. « Mon grand-père me remettait de l’argent de sa pension tous les mois pour aider ma mère à payer mes leçons. Ma grand-mère, elle, prie pour moi tous les jours et s’occupe de moi avec amour quand ma maman est au travail. »
Pourquoi a-t-elle passé son permis dès qu’elle a eu 18 ans ? « Il le fallait, surtout après toutes mes mésaventures à mon retour de l’école. » Elle dit avoir adoré faire le trajet jusqu’au collège avec ses « deux study buddies » ainsi qu’un autre élève du DMC, plus jeune qu’elle et habitant Plaine-Magnien, à qui elle donnait un « lift » chaque matin. « Lorsqu’il a intégré le DMC après que le collège est devenu une académie, il a été victime de bullying. J’ai connu ça lorsque j’avais mal prononcé un mot et que je me suis retrouvée par la suite sans amies. Je voulais être là pour lui, et après nous sommes devenus potes », se réjouit Jade.
Comment a-t-elle fait face au bullying ? « C’était dur. J’étais isolée. Je ne savais rien faire à part d’étudier. J’ai intégré une salle de sport à Mahébourg et maintenant, j’en suis accro. Cela me permet de rester motivée et d’être en forme », confie Jade. Elle s’est également faite de nouveaux amis qui sont plus grands. « Ils me poussent toujours à atteindre mes objectifs. »
Comment s’est passée la préparation pour les examens du HSC ? La lauréate affirme avoir commencé à apprendre sérieusement les trois derniers mois. « Je ne dormais plus. Mais, c’était ok car pendant un an j’avais bien fait la fête et je m’étais reposée », avoue-t-elle.
Sa grand-mère révèle que pendant cette période, elle a vu Jade de nombreuses fois avec son cahier en main marchant dans la cour à 5 heures du matin. Jade sourit, et affirme que c’est sa méthode pour réviser.
Cependant, durant les examens, elle a été malade. « Je suis partie faire mes examens en pantoufles. En raison d’une infection à la gorge, j’ai dû faire trois injections avant d’aller faire l’examen de mathématiques », se souvient-elle. S’attendait-elle à être lauréate ? « Non. Je pensais que j’avais mal travaillé pour mon papier de maths. Quand mon grand-père est venu m’annoncer que j’étais lauréate, je ne pouvais pas le croire et même maintenant, je peine à le faire », affirme Jade.
Quels sont ses projets maintenant qu’elle est boursière ? Jade travaille en ce moment comme Game Operator à Dodo Quest. Elle aide aussi sa mère dans son salon de coiffure. Bientôt, elle fera ses demandes d’inscription dans des universités en France ou au Canada. Passionnée de mathématiques, la nouvelle boursière pense se lancer dans la filière des sciences actuarielles. Son plan B, c’est les sciences politiques.
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