Après sa K-pop à succès et son cinéma oscarisé, la Corée du Sud bouscule la scène mondiale des séries avec la vision dystopique d'une société polarisée de Squid Game, une production Netflix mêlant allégorie sociale et extrême violence.
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La série met en scène des personnages issus des franges les plus marginalisées de Corée du Sud, dont un migrant indien et un transfuge nord-coréen, participant à des jeux d'enfants traditionnels afin de remporter 45,6 milliards de won (33 millions d'euros).
Les perdants sont tués
La juxtaposition des passe-temps enfantins et leur conséquence fatale, avec une production léchée et une scénographie somptueuse, a conquis un très large public à travers le monde.
Quelques jours après sa sortie le mois dernier, un dirigeant de Netflix annonçait qu'il y avait "de fortes chances que ça devienne notre plus grosse série de toujours".
Le phénomène Squid Game est la dernière manifestation de l'influence croissante de la Corée du Sud sur la scène culturelle mondiale, après la sensation de K-pop BTS et Parasite, Palme d'or à Cannes et premier film en langue autre que l'anglais à remporter l'Oscar du meilleur film.
Selon les critiques, malgré un cadre purement coréen, les thèmes abordés et la remise en cause des dérives du capitalisme trouvent un écho mondial et sont la clé de son succès planétaire.
"La tendance croissante à privilégier le profit sur le bien-être de l'individu" est un "phénomène que nous observons dans toutes les sociétés capitalistes à travers le monde", explique Sharon Yoon, professeure d'études coréennes à l'Université des Notre-Dame aux Etats-Unis.
Guerre et pauvreté
Et la vague coréenne ne va pas retomber tout de suite: en février, Netflix a annoncé un plan d'investissements de 500 millions de dollars (432 millions d'euros) pour cette seule année sur les séries et films produits en Corée du Sud.
"Ces deux dernières années, le monde est tombé amoureux de contenus coréens incroyables, fabriqués en Corée et regardés par le monde sur Netflix", s'enthousiasmait alors le co-patron de l'entreprise Ted Sarandos.
"Nous avons un engagement fort envers la Corée. Nous allons continuer à investir et à collaborer avec les raconteurs d'histoire coréens à travers une multitude de genres et de formats", a-t-il ajouté.
L'histoire de la Corée du Sud est marquée par la guerre, la pauvreté et les gouvernements autoritaires, ce à quoi les artistes ont essayé de répondre en explorant les questions de pouvoir, de violence et les problématiques sociales.
Cela a créé une scène culturelle vibrionnante dont les différents pans ont su conquérir une audience internationale au fil des décennies.
D'abord les feuilletons télévisés, appelés "K-dramas", ont envahi les petits écrans en Asie, avant que le cinéma sud-coréen n'aille décrocher de prestigieuses récompenses dans les festivals européens et que la K-pop ne développe une large base de groupies à travers le monde.
Le long-métrage Parasite a achevé de rendre populaire le cinéma en coréen, grâce à une satire sur le fossé grandissant entre riches et pauvres et une réflexion sur la pauvreté d'aujourd'hui dans la 12e économie mondiale.
"Trop sanglante et absconse"
Cela fait dix ans que le réalisateur de Squid Game a terminé son scénario, mais les investisseurs ont refusé de miser sur une série qu'ils trouvaient "trop sanglante, pas familière et absconse".
Précédemment, il avait travaillé sur des thèmes comme les agressions sexuelles, l'adoption internationale, le handicap à partir de faits réels librement adaptés.
La série Netflix, sa première, propose des références claires à plusieurs traumatismes collectifs qui ont modelé la psyché de la Corée du Sud d'aujourd'hui, comme la crise financière asiatique de 1997 ou les licenciements de Ssangyong Motor en 2009, deux événements qui ont mené à des suicides.
"La Corée du Sud est devenue assez récemment et assez rapidement une société très inégalitaire, au cours de ces deux dernières décennies", explique à l'AFP Vladimir Tikhonov, professeur d'études coréennes à l'Université d'Oslo.
La mobilité sociale est devenue "bien moins possible" aujourd'hui en comparaison de l'avant-1997, ajoute-t-il, "et le traumatisme de l'aggravation des inégalités... se répercute sur les écrans".
Brian Hu, professeur de cinéma à la San Diego State University aux Etats-Unis, estime que la popularité de la série dans plus de 100 pays est une preuve qu'elle n'est pas uniquement produite pour les spectateurs occidentaux.
"Le public occidental a longtemps associé les médias étrangers à des représentations de la pauvreté, et c'est devenu une façon de regarder de haut le reste du monde, qui serait arriéré", a-t-il expliqué à l'AFP.
"Ce qui est unique dans Parasite et Squid Game, c'est que si ces oeuvres dépeignent la pauvreté et les inégalités de classe, elles le font d'une manière qui met en exergue la modernité technique et cinématographique de la Corée."
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