Pourquoi St Brandon intéresse autant le gouvernement ? C’était le thème de l’émission « Au Cœur de l’Info » animée par Patrick Hilbert et Ruth Rajaysur sur Radio Plus le lundi 23 janvier. Pour l’avocat Kris Valaydon, l’un des intervenants, la question de la souveraineté ne se pose pas puisque celle-ci n’a jamais été remise en cause.
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Kris Valaydon est d’avis qu’il y a une grande confusion quant au fait que Maurice veuille récupérer la souveraineté sur St Brandon. « C’est un gros problème, car ce n’est pas un État étranger qui se déclare propriétaire de St Brandon. L’archipel reste un territoire de la République de Maurice. À aucun moment une puissance étrangère ne l’a réclamé », souligne l’avocat et haut fonctionnaire international durant son intervention dans l’émission « Au cœur de l’info » le lundi 23 janvier.
Pour lui, la question de la souveraineté ne se pose pas, à moins qu’il ne soit établi qu’un État étranger est devenu propriétaire de St Brandon. « Nul besoin de revisiter la Constitution. Ce serait comme enfoncer une porte ouverte car la souveraineté n’a jamais été remise en question », fait comprendre Kris Valaydon.
La deuxième confusion, selon lui, est l’occupation. « Il diffère du droit de propriété. La possession entraîne certains droits et pouvoirs. Mais l’île reste la propriété du gouvernement et l’occupant a toutes les possibilités, comme le droit de jouissance. »
Kris Valaydon indique que le locataire de St Brandon a des droits en tant que locataire. La Constitution, poursuit-il, assure le droit de propriété, mais également le droit du bailleur. D’où son insistance sur la non-nécessité d’apporter un amendement. Pour lui, le débat est académique, pour ne pas dire hypothétique.
« Le gouvernement n’aura pas la majorité de trois quarts à l’Assemblée nationale, et ce, dans n’importe quel scénario. Il faut réfléchir sur son intention qui est purement politique. Cette démarche n’a rien à faire avec le droit. L’État ne pourra même pas jouer la carte de l’intérêt public », martèle Kris Valaydon.
Quid de la compensation financière ? L’avocat est catégorique : il faut compenser financièrement la société The Raphael Fishing Co. Ltd. « La cour devra trancher les préjudices, à moins qu’il y ait d’autres raisons de sécurité d’État qui peuvent être soutenues par des preuves. Il faut également voir s’il y a des cas de discrimination. Ce n’est pas une bataille facile à gagner », conclut-il.
Jocelyn Chan Low, historien et politologue : «Une lutte de pouvoir pour cette partie de l’océan Indien»
« Le Parlement est souverain. Un amendement constitutionnel est faisable, mais il faut une majorité de trois quarts. Pour cela, il faut la coopération de l’opposition. Mais vous savez, lorsqu’un politicien prend une décision, il faut mettre de côté tout ce qui est administratif. La question est comment marquer des points sur l’adversaire. Il faut aussi avouer que la situation géopolitique a complètement changé. Il y a une lutte de pouvoir pour cette partie de l’océan Indien. »
Anil Gayan, avocat et ex-ministre : «Tout gouvernement serait intéressé à avoir le contrôle de son territoire»
« Tout gouvernement serait intéressé à avoir le contrôle total de son territoire. Un des territoires qui a été délaissé, selon moi, est l’archipel de St-Brandon. Si le gouvernement décide d’annuler le bail de The Raphael Fishing Co. Ltd, c’est faisable. Mais une compensation est nécessaire. Je ne suis pas expert en évaluation. Mais une forte somme d’argent devra être déboursée. En revanche, je ne comprends pas pourquoi il doit y avoir un amendement constitutionnel afin de résoudre cette situation (comme mentionné par l’Attorney General Maneesh Gobin vendredi ; NdlR). J’ai toujours été confiant du potentiel de ces îles. Il est important de voir tous nos territoires marins comme des ressources exploitables dans l’intérêt de la population. C’est peut-être le début d’un nouveau départ pour l’exploitation de notre économie bleue. N’importe quel territoire du monde vaut quelque chose. Il est important que le gouvernement éclaire la population sur son ambition de développer St Brandon. »
L’avocat Milan Meetarbhan : «Une confusion terrible»
« Il y a une confusion terrible entourant cette polémique. Est-ce que la compagnie est la seule, au cours de notre histoire coloniale, à avoir eu ce type de bail et de ‘grant’ ? La nature des contrats peut varier. Est-ce le seul ? Si ce n’est pas le seul, est-ce que l’État mauricien peut remettre en cause les autres baux qui ont été octroyés sur le sol mauricien ? Quelle est la nature du bail ? Est-ce le seul ? Le gouvernement peut-il remettre en cause les autres baux ? Notre Constitution a été amendée en 1982. Une nouvelle disposition a été annexée à l’article ‘right to property’. Elle stipule qu’un individu privé de ses biens par une loi votée à une majorité de trois quarts ne pourra pas avoir recours à la justice. Cet amendement n’a pas été validé par la cour. Sur le plan théorique, ce ne sera pas le reversement d’un jugement, mais plutôt une loi qui constitue ce que notre Constitution considère comme étant une ‘deprivation of property’. Mais si la loi a été votée par une majorité de trois-quarts, la personne dépourvue de ses droits de propriété n’aura pas recours à la justice. Le gouvernement, à mon avis, considère cette option au lieu d’avoir recours à un amendement constitutionnel. »
Roukaya Kasenally, Associate Professor : «Cette partie de l’océan Indien est très prisée sur le plan géopolitique»
« Je suis ouverte pour un débat et une approche participative sur St Brandon, tout comme sur les Chagos et Agaléga. Cette partie de l’océan Indien est très prisée sur le plan géopolitique. Quand on parle de l’océan Indien, on évoque l’indopacifique. Il y a également des câbles sous-marins dans la région. Je pense qu’il y a une importance géopolitique, politique et numérique. Mais tout se joue dans l’équation. C’est difficile d’avoir une présence militaire physique sur St Brandon. Maurice s’aligne sur certains pays amis et d’autres pays de peuplement historique. C’est néfaste et problématique. Quand un pays qui a opéré de manière non alignée se range, il perd sa neutralité. »
Alain Laridon, ancien ambassadeur : «La braderie d’une des plus belles îles»
« The Raphael Fishing Co. Ltd gère St-Brandon de manière très professionnelle. L’archipel est une beauté. Il y a, à mon avis, quelque chose de louche dans toute cette affaire. Il faudrait plus de transparence. Nous vivons une situation où il y a la braderie de l’une des plus belles îles. »
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