Le gouvernement mauricien espère pouvoir trouver un accord avec le Royaume-Uni pour récupérer la souveraineté sur les Chagos avant les élections générales. C’est d’autant plus important qu’il est question d’assortir ce retour de l’archipel d’un loyer pour Diego Garcia où se trouve la base militaire américano-britannique et de compensations pouvant dépasser les Rs 100 milliards.
Or, cette option semble s’éloigner, car le Royaume-Uni entre aussi en période électorale. Les élections générales doivent y avoir lieu au plus tard le 28 janvier 2025, afin d’élire pour cinq ans les 650 membres de la Chambre des communes. Renoncer à ce que beaucoup de conservateurs britanniques considèrent comme leur territoire n’est pas en faveur de l’équipe en place. Pour certains observateurs, un accord avant cette joute électorale est fort peu probable.
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Mais, outre une réticence de certains ministres britanniques de premier plan, dont celui de David Cameron, qui a rejoint le gouvernement le 13 novembre 2023, un fort lobby s’est emparé de la question. Celui-ci s’exerce notamment au niveau de la presse britannique qui était très sensible à la question chagossienne, mais qui durcit la ligne par rapport à la souveraineté depuis quelques semaines.
Au niveau du gouvernement mauricien, c’est la grande incertitude. De l’aveu même du Premier ministre, Pravind Jugnauth, jeudi, lors de son discours officiel à l’occasion de la commémoration de l’abolition de l’esclavage au Morne. « Je n’ai aucune visibilité sur l’avenir. ».
Il a cependant précisé que « les négociations avec Londres entrent dans une phase critique. Nous sommes du côté de la justice et du droit international. J’espère que le gouvernement britannique, de son côté, respectera la justice et que celle-ci prévaudra ».
Sateeaved Seeballuck, ancien secrétaire au cabinet et ancien conseiller spécial du Premier ministre sur le dossier Chagos, voit mal un accord dans l’immédiat. « La position des conservateurs n’est pas trop bonne. Ils feront tout pour regagner en popularité. Je ne pense pas que les décideurs britanniques veulent d’un accord avant les élections dans leur pays. Puis, depuis le retour de Lord Cameron, je m’attendais à un changement de cap. Il est à l’extrême droite des conservateurs. Déjà à l’époque où il était Premier ministre, il était contre le retour des Chagos à Maurice ».
Coups bas
Pour Sateeaved Seeballuck, la situation actuelle traduit bien la mentalité anglaise qui est faite de coups bas. « Depuis le début de la reprise des discussions (NDLR fin 2022), j’ai toujours pensé qu’elles allaient traîner. J’ai toujours affirmé ne pas leur faire confiance. Je ne suis donc pas étonné que certains viennent avec des astuces pour tout faire capoter. Je crois que c’est un coup monté par les Britanniques pour que Maurice se calme au niveau des instances internationales le temps des négociations. »
Vijay Makhan, ancien Foreign secretary de Maurice, abonde dans le même sens. Il reproche cependant à Pravind Jugnauth de ne pas vouloir en dire davantage. « S’il abordait la question, il aurait eu un soutien inconditionnel de la population et de l’opposition. Il y aurait une pression supplémentaire sur les Britanniques. Malheureusement, nous sommes dans le flou total. »
Pour ce qui est du lobby exercé par certains au Royaume-Uni, il est d’avis que « ce sont toujours les mêmes ». Il pointe du doigt David Cameron. « Il a un esprit colonialiste. D’ailleurs, des membres de sa famille ont obtenu des dédommagements lorsque l’esclavage a été aboli. Quand il était Premier ministre, il n’a jamais demandé pardon pour les atrocités commises par la Grande-Bretagne dans les pays colonisés. »
La phase électorale ne vient pas arranger les choses. « Il y a du grabuge parmi les conservateurs eux-mêmes alors qu’ils doivent aussi résister aux travaillistes. Est-ce qu’on utilise les Chagos pour dévier l’attention ou bien est-ce que c’est pour montrer qu’ils sont forts parmi les conservateurs », demande Vijay Makhan.
« S'il y a un fort lobby de la droite conservatrice et que le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, se trouve en difficulté, je pense qu’il ne voudra pas aliéner une frange de son électorat, à la veille de ces élections générales. Cette dernière reste attachée aux valeurs de la puissance impériale britannique », analyse Milan Meetarbhan, ancien ambassadeur de Maurice aux Nations unies.
De son point de vue, il revient à la partie mauricienne de revoir sa stratégie en fonction des derniers événements. « Pendant un certain moment, le gouvernement mauricien a cru à la bonne foi des Britanniques. Par conséquent, il a décidé de jouer la carte diplomatique et de négocier de bonne foi. Mais vu la tournure des événements, la partie mauricienne doit décider s’il ne faut pas changer de stratégie. »
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