Interview

Soodesh Callichurn: « Un des rares pays à introduire le salaire minimal aussi vite »

Le ministre du Travail est au coeur de l’actualité avec son projet de loi pour l’introduction du salaire minimal, contesté par les syndicats. Il revient sur ces mesures.

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Le salaire minimal figurait parmi les 12 priorités des trois premiers mois de l’Alliance Lepep. Nous l’attendons depuis 18 mois, pourquoi tant de retard ?

Le projet de loi que j’ai introduit au Parlement est historique, sans précédent. Aucun gouvernement n’a eu le courage de proposer un tel projet de loi. Des consultations ont eu lieu au niveau de mon ministère, du patronat, des syndicats et de tous ceux qui ont à cœur la politique salariale. Il fallait un projet bien étudié par le State Law Office et obtenir l’aval du cabinet. Nous sommes l’un des rares pays au monde à proposer aussi vite un tel projet après l’avoir inscrit dans notre manifeste électoral. Prenez l’exemple de l’Allemagne, dont la performance économique est souvent citée. Elle a introduit le salaire minimal, mais entre l’intention et la concrétisation de cette mesure, il a fallu attendre une décennie. À Maurice, on le fait après 15 mois.

Vous avez opté pour un conseil tripartite pour fixer le salaire minimal plutôt que l’imposition d’un chiffre par le gouvernement, pourquoi ?

Cette question revient toujours lorsqu’on évoque le National Wage Consultative Council Bill. C’est aussi l’argument de certains syndicalistes. Si le gouvernement avait opté pour proposer un chiffre, cela aurait été perçu comme une mesure arbitraire et unilatérale. Cela va à l’encontre du dialogue tripartite préconisé par le Bureau international du Travail. À travers les conventions ratifiées par Maurice, le BIT insiste la tenue d’un dialogue tripartite quand il s’agit de négociations sur les salaires. C’est pourquoi nous avons choisi ce conseil consultatif. Cela a marché en Angleterre, en Allemagne et en Malaisie. Si l’on examine l’histoire de la politique salariale à Maurice, on constate qu’on a toujours procédé par dialogue social basé sur le tripartisme. Il y a eu en 1939 le Minimum Wages Advisory Board, puis en 1960 les Wages Council et, à partir de 1974, le National Remuneration Board. Le gouvernement n’a jamais soumis de chiffre sans une instance qui soumette des recommandations.

Comment se sont passées vos rencontres avec les syndicats qui contestent plusieurs points du projet ?

Elles ont été cordiales. Nous avons dissipé de nombreux malentendus, nous sommes sur la bonne voie. J’ai pris note de leurs revendications qui seront  étudiées. Je souligne que je n’ai jamais boudé les syndicats. D’ailleurs, j’ai mis sur pied une réunion mensuelle avec toutes les confédérations syndicales et les officiers du ministère pour aborder les questions urgentes. Au sujet du National  Wage Consultative Council Bill, il faut noter que les syndicats s’y sont opposés dès le départ. Des consultations ont eu lieu en 2015, mais il n’y a jamais eu de consensus. La majorité des syndicats sont contre un conseil consultatif. L’important, c’est qu’on s’accorde sur l’introduction d’un salaire minimal national.

Ce salaire minimal sera une proportion du salaire médian national, la loi n’en précise pas le taux, pourquoi ?

Parce qu’il est impossible de le faire sans avoir toutes les données économiques et sociales, essentielles pour proposer un salaire minimum. C’est l’objectif du conseil consultatif d’étudier toutes ces questions avant de soumettre ses recommandations.

Le Bureau international du Travail préconise l’appréciation d’un coût décent de la vie par habitant, incluant la nourriture, le logement, les vêtements, le transport et les frais d’éducation pour calculer le salaire minimal... N’est-ce pas une méthode plus directe ?

Il y a une différence fondamentale entre le salaire minimum et ce qu’on appelle le « Living Wage ». Les critères que vous évoquez concernent le « Living Wage ». L’expert du BIT, François Eyrault recommande la méthode du Median Wage pour fixer le salaire minimal.

Au-delà des salaires au bas de l’échelle, il y aura un réajustement de tous les salaires à travers un master conversion table. Quel en sera l’impact sur l’économie et la capacité du secteur privé à payer ?

Il reviendra justement au conseil consultatif d’en décider.

Les syndicats contestent la proposition de calculer le salaire minimal sur la base du nombre d’heures de travail. Pourquoi avoir choisi cette voie ?

Il y a, hélas, une grande confusion sur cette question. Je veux rassurer : le calcul du salaire minimal à l’heure ne remet pas en question le régime actuel des heures de travail. Il varie entre 40 et 45 heures. Cela facilite tout simplement le calcul pour les employés à temps partiel.

Êtes-vous prêt à revenir sur cette mesure ?

La question a été soulevée par certains syndicalistes et c’est à l’étude.

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