Depuis des millénaires, le cannabis est utilisé pour ses vertus médicinales en Inde, en Chine, en Afrique et au Moyen-Orient. Aujourd’hui, il n’y a plus de débats sur l’utilisation de cette plante à des fins médicales. « Il n’y a pas de données officielles qui montrent que le cannabis crée une dépendance », indique Sonaal Ramlugon, docteure en biochimie.
Publicité
> Vous travaillez dans un laboratoire sud-africain. Quels sont les facteurs qui ont conduit à cette opportunité ?
Après l’obtention de mon diplôme, j’étais à la recherche d’un emploi et je voulais travailler dans l’industrie du cannabis. Puisque toutes mes études de troisième cycle et mes recherches étaient axées sur le cannabis médical. Heureusement, je suis tombée sur cette opportunité. Cette entreprise m’a donné la chance de faire mes preuves. Je suis actuellement le Processing Lab Project Lead de celle-ci.
> Y avait-il un intérêt chez vous dès le départ pour étudier le cannabis ou est-il venu graduellement ? Vous êtes mauricienne et vous savez ce qu’il colporte comme opinion défavorable dans la conscience collective locale…
Pour mon diplôme avec mention, j’ai eu le privilège de choisir mon sujet de recherche puisque j’ai été récompensé meilleur étudiant de premier cycle (Prix Merck). C’est à ce moment-là que j’ai commencé à faire des recherches et à travailler sur le cannabis. Mes parents m’ont également encouragée à poursuivre dans ce domaine, car ils connaissaient ses potentialités médicinales.
Malheureusement, ce que j’ai remarqué, c’est que moins quelqu’un en sait, plus son opinion sur ce sujet est forte. C’est une situation vraiment triste. J’espère que cela changera au fur et à mesure que les gens commenceront à obtenir la bonne information auprès des bonnes sources.
> Comment êtes-vous arrivée à vous convaincre des vertus thérapeutiques du cannabis et à vous détacher des préjugés liés à cette plante, considérée comme une drogue, quand bien même ‘douce’ ?
Le cannabis est utilisé depuis des milliers d’années à des fins récréatives et médicinales. En faisant des recherches intensives à partir de bonnes sources (par exemple, Google Scholar) et en menant physiquement des expériences et en analysant des données, je suis convaincue de ses propriétés médicinales potentielles.
> Quelle est votre position à l’égard d’une école de pensée qui considère que la consommation de cannabis peut conduire à l’usage des drogues dures ?
Le sucre, le café, les chocolats (pour n’en citer que quelques-uns) sont des substances addictives et ne sont pas considérés comme des drogues. D’autre part, il n’y a pas de données officielles qui montrent que le cannabis crée une dépendance.
Le cannabis n’est pas à blâmer lorsqu’un individu tombe dans la consommation des drogues dures. C’est son choix et son refus d’accepter la responsabilité de son acte. Il préfère être dans le déni plutôt qu’être responsable.
Au sein de nombreuses cultures à travers le monde, comme la communauté rasta, et dans de nombreuses régions de l’Inde, le cannabis est très répandu. Pourtant, ces communautés sont végétariennes, ne consomment pas d’alcool et ne tombent pas dans le piège des drogues plus dures. Dans le commerce illégal du cannabis, d’autres drogues sont mélangées à celui-ci pour assurer une consommation régulière. C’est peut-être la raison pour laquelle les gens recherchent des drogues plus dures. D’où la nécessité d’un cannabis de qualité médicale certifié en laboratoire.
> Comment l’industrie du cannabis médical a-t-elle pris son envol en Afrique du Sud ? Y avait-il des réticences au départ ?
Je crois que le pays a commencé par reconnaître que le cannabis ne doit pas être considéré comme une drogue dure. Ensuite, les propriétés médicales du cannabis à travers la recherche et le développement ont été mises en avant. Ce qui a conduit à sa dépénalisation. L’industrie a pris son envol lorsque le secteur privé a commencé à faire de la recherche et du développement. Elle a collaboré avec le secteur universitaire, ce qui a conduit à la création d’un centre de cannabis très recherché.
> Comment peut-on dissocier le cannabis des drogues dures et permettre à une filière de cannabis médical de devenir un pilier économique à l’île Maurice ?
Nous devons nous éduquer et obtenir des informations exactes et correctes. Tant de pays ont dépénalisé et finalement légalisé l’utilisation du cannabis médical. C’est parce que la population est intelligente et partage des opinions et des points de vue impartiaux.
Pour en faire un pilier économique, le pays devra suivre des lignes directrices et respecter des normes strictes. Il faut promouvoir des discussions, la recherche universitaire et le développement. Il faut diffuser les bonnes informations scientifiques au public. Il faut structurer un cadre équitable et ouvert allant des agriculteurs aux installations de recherche médicale et de traitement. Comme je ne me considère pas la bonne personne pour donner des conseils sur les aspects économiques, je ne peux pas m’étendre davantage. Je suis sûre qu’il y a d’autres professionnels qui peuvent le faire.
> Que pensent vos proches de votre activité professionnelle ?
Ils sont très intrigués par ce que je fais et me demandent toujours si un jour je me vois faire la même chose à Maurice.
> Quelles sont les conditions que l’Afrique du Sud a créées pour la mise sur pied de la filière du cannabis médical ?
• L’octroi de permis par des organismes de réglementation comme la South African Health Products Regulatory Authority, afin de fabriquer du cannabis médical. Il doit être conforme aux bonnes pratiques de fabrication pour garantir la sécurité et la qualité du produit.
• Une assurance et un contrôle stricts de la qualité. Encore une fois, pour s’assurer de la qualité et de la sécurité des produits, il y a des tests et une documentation rigoureuse. Le processus est documenté, traçable et transparent.
• L’investissement et les infrastructures (bâtiment, système CVC, etc.) et les processus du début à la fin. Ils répondent aux normes établies.
> Quelles sont les conditions en termes de moyens dont l’ensemble de vos collègues dispose pour mener à bien ses recherches ?
Nous disposons d’équipements et d’installations à la fine pointe de la technologie ainsi que d’une équipe hautement qualifiée et expérimentée dans leurs domaines respectifs.
> Il existe déjà un laboratoire engagé dans la transformation au cannabis médical, la perspective d’y travailler ou de collaborer ne vous tente-t-elle pas ?
Je ne savais même pas qu’une telle structure existait à Maurice. Je suis vraiment contente qu’il y en ait un. Il montre des progrès et semble prometteur pour le secteur de la santé. Je serais heureuse si je pouvais vous être utile.
> D’une manière générale, comment se porte la filière des thérapies dites ‘alternatives’, ont-elles été prises en compte par les grands laboratoires ?
Je ne peux pas en dire beaucoup à ce sujet. La recherche et le développement scientifiques appropriés sont effectués. Si les données sont pertinentes, il vaut la peine d’explorer les options disponibles. Il faut déterminer lesquelles fonctionnent le mieux pour la santé des gens. La prise en compte par les grands laboratoires pourrait permettre de réduire la dépendance aux médicaments manufacturés.
> L’Afrique et l’Inde ont été à l’avant-plan du combat pour la commercialisation des génériques, afin de mettre les médicaments à la portée des personnes les plus démunies, ce combat a-t-il été gagné ?
Bien que tous les efforts soient faits par divers moyens et même avec des signes de progrès significatifs, je dirais que cette bataille est loin d’être gagnée. Les problèmes sous-jacents sont nombreux et dépassent mon champ d’action en tant que scientifique.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !