Des révisions salariales à tous les niveaux, des prix du pétrole qui flambent… Les défis qui attendent Air Mauritius sont multiples, avance son Chief Executive Officer. Il aurait ainsi émis le souhait que les autorités interviennent pour protéger la compagnie nationale d’aviation d’une concurrence de plus en plus agressive.
L’Air Mauritius Cabin Crew Association a voté en faveur d’une grève vendredi matin. Quelle est votre réaction ?
Cela nous étonne. Nous venons de démarrer les négociations avec eux dans le cadre d’un exercice de révision salariale. Il y avait déjà un agenda établi et nous rencontrons les membres du syndicat la semaine prochaine. Je suis choqué par cette attitude. Ils veulent mettre la pression sur la direction en passant par le gouvernement. Je ne pense pas que ce soit correct, d’autant que la porte des négociations est déjà ouverte.
Qu’en est-il des négociations avec l’intersyndicale regroupant les membres du personnel au sol ?
On avance bien. On est très proche d’un accord sur la hausse des salaires et des conditions d’emploi (vendredi, les négociations étaient sur le point d’aboutir ; NdlR). L’intersyndicale compte plus de 900 employés sur les 1 779 que compte Air Mauritius. Nous aurions dû commencer l’exercice en 2015, mais nous avions enregistré des pertes et les négociations ont été reportées. Je fais confiance à mes employés. Ils connaissent le défi, mais beaucoup de détracteurs les poussent dans un autre sens pour créer des tensions et les utiliser à leur avantage.
Depuis quelque temps, on évoque une pénurie de pilotes chez Air Mauritius, causant l’annulation ou le retard de certains vols. Qu’en est-il réellement ?
Nous avions annulé plusieurs vols, il y a quelques semaines, car ils n’étaient pas commercialement viables. Il n’y avait pas assez de passagers et nous avons réduit le nombre de vols. Cela ne vaut pas la peine de déployer tous ces efforts et encourir des pertes.
Si on peut mettre ses passagers sur d’autres vols, sans leur causer d’inconvénients, pourquoi ne pas le faire ? Cette semaine, il y a eu des soucis sur le vol vers Perth et un A350 à Maurice. Quand un avion connaît des soucis techniques, hors de question de lui faire prendre un risque. Si on retarde un décollage, ce n’est pas par mesquinerie. Cela n’a rien à voir avec un manque de pilotes. Depuis 2017, on en a recruté 68. Certains partent en fin de contrat ou pour des contraintes personnelles. Cela se passe dans toutes les compagnies. Il faut savoir qu’on augmente le nombre de vols et que nous avons donc besoin de pilotes additionnels.
Air Mauritius recrute-t-elle davantage de pilotes qu’elle n’en perd ?
Bien sûr. Sinon, nous n’aurions pas pu augmenter le nombre de vols. On n’est pas non plus dans un confort exceptionnel avec un trop-plein de pilotes.
Il y a quelques mois, les tensions entre les pilotes et la direction étaient vives. Où en sommes-nous aujourd’hui ?
J’ai parlé aux présidents des syndicats. Je n’ai pas l’impression qu’il y ait des tensions. S’il y avait un problème, on me l’aurait dit. Depuis quelques mois, la situation a beaucoup changé. Il reste des points de contentieux, mais on ne se tape pas dessus. Je suis trѐs ouvert aux discussions. Cela est valable tant pour les pilotes que pour les autres employés.
Airmate, filiale d’Air Mauritius, suscite souvent la polémique. Elle emploie des gens à des conditions inférieures à celles des employés directs d’Air Mauritius. Pourquoi cette différence de traitement ?
Il y a des gens d’Airmate partout à Air Mauritius. Ce sont des employés qu’on respecte et qu’on honore. Pourquoi ne pas poser la question autrement ? Les employés d’Air Mauritius bénéficient-ils de conditions exagérées ? Leurs conditions d’emploi sont-elles supérieures à la norme ? Les conditions d’Airmate sont celles prévalant sur le marché. Si elles n’étaient pas acceptables, les gens n’auraient pas pris ces emplois.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Dans le passé, de nombreuses négociations ont été faites de manière peu transparente. J’essaie d’amener de la transparence et un processus clair. Dans le passé, un Chief Executive Officer négociait directement dans son bureau avec des représentants syndicaux. Chose que je ne fais pas.
Comment la hausse du prix du baril de pétrole influera-t-elle sur vos opérations ?
Le prix du baril a grandement augmenté pour passer à plus de USD 75. Quand je suis arrivé il y a une dizaine de mois, il était à USD 47. Cela aura une répercussion énorme. Certaines compagnies disent que la situation n’est pas tenable et que l’industrie va droit dans le mur. Il y aura des difficultés et on le ressent au quotidien.
Tout le monde, y compris les employés d’Air Mauritius, doivent savoir que de grands défis nous attendent. On renouvelle notre flotte. C’est un gros investissement. On discute d’augmentations salariales, mais il y a aussi le prix du carburant, le taux de change et les prix des billets dictés par le marché. On ne peut pas abaisser nos prix. On n’y survivrait pas. On ne peut pas non plus les augmenter, car les passagers se tourneraient vers d’autres offres.
30 % de nos coûts d’opération sont liés au prix du pétrole qui évoluent hors de notre contrôle. Il y a aussi la variation du taux de change qui affecte le business. Cela fait beaucoup de choses qui viennent en même temps. Maurice, où opèrent 26 compagnies aériennes, est un petit marché très compétitif. Certaines ne viennent que pour manger la cerise sur le gâteau en périodes de pointe. Cela fait beaucoup de challenges.
La situation est-elle inquiétante ?
Nous ne sommes pas à l’abri. La situation n’est pas aussi brillante que l’année dernière. Il faut être plus compétitif et pour cela, il faut veiller à nos dépenses.
Croyez-vous en l’Aviation Hub souhaité par le gouvernement ?
C’est le seul moyen de s’en sortir. Plusieurs segments peuvent être exploités. Outre un passage vers l’Afrique ou l’Asie, il y a la possibilité des destinations doubles. Le Green and Blue Safari par exemple. Vous venez à Maurice, vous y passez quelques jours et puis vous allez en Afrique. C’est un tout. Il faudra mettre en place les infrastructures et le réseau. Nous étudions ces concepts. On est un petit hub. Nous avons l’ambition de grandir et de le structurer.
Air Mauritius est-elle victime d’ingérence politique ?
Je ne perçois pas d’ingérence politique. Au contraire, on aurait aimé avoir une certaine protection par rapport à d’autres compagnies aériennes opérant à Maurice. Nous aurions souhaité des interventions à ce niveau. Il faut protéger Air Mauritius de la concurrence.
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