Après le maintien de la note de Maurice à un Baa3 « stable » suivant la publication de l’Annual Credit Analysis en mai 2023, Moody’s devrait notamment tenir compte des mesures du Budget 2023-24 lors de sa prochaine réévaluation du pays. Plusieurs scénarios sont possibles.
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Le maintien de la note de Baa3 « stable » pour Maurice par Moody’s, dans son Annual Credit Analysis en date du 26 mai 2023, pourrait être une indication de la prochaine réévaluation du pays. Ce « credit opinion » de l’agence précédait de quelques jours la présentation du Budget 2023-24 à Maurice.
L’exercice de réévaluation complète mené par l’agence, qui se fait généralement tous les 12 à 18 mois, devrait intervenir ce mois-ci, le dernier remontant au 28 juillet 2022. Avant l’exercice de cette année, Moody’s a, par le biais de ses représentants, tenu une table ronde virtuelle le 3 avril dernier avec des cadres du secteur privé à Maurice.
Selon nos informations, le secteur privé mauricien s’est montré optimiste quant aux prévisions de croissance du pays cette année. « Il a fait comprendre que Maurice devrait enregistrer une croissance solide en 2023. Moody’s a voulu savoir en quoi la croissance sera durable à long terme. Les représentants de l’agence sont conscients que la progression touristique intervient dans un environnement postpandémique », explique un participant de la table ronde. Dans ses derniers chiffres, Statistics Mauritius anticipe une croissance de 5,3 % cette année pour Maurice.
Possibles facteurs
Dans un document en date du 28 juillet 2022, Moody’s Investors Service indiquait qu’une pression à la hausse sur la notation apparaîtrait au fil du temps si la croissance à moyen terme s’accélérait durablement pour atteindre l’objectif de 5 % fixé par le gouvernement. « Une amélioration de la solidité budgétaire, par exemple une réduction plus prononcée de la charge de la dette publique que ce que Moody’s prévoit, sans augmentation des engagements conditionnels liés à la dette garantie et non garantie du secteur public, renforcerait également le profil de crédit de Maurice, en particulier si elle s’accompagne d’une amélioration de l’accessibilité de la dette », peut-on lire.
Par contre, s’il devenait de plus en plus probable que la dette publique reste supérieure aux prévisions de Moody’s, cela pèserait sur la solidité budgétaire et serait négatif pour le crédit. Les chiffres provisoires de mars 2023 affichent une dette publique à Rs 483 milliards pour Maurice, soit à 81,9 % du Produit intérieur brut (PIB).
La notation de Moody’s fournit des informations aux investisseurs mondiaux sur Maurice. Ces derniers évaluent ainsi la solvabilité du pays et l’impact sur les coûts d’emprunt. La notation s’avère également pertinente pour les entreprises locales qui souhaitent emprunter à l’étranger.
D’où l’étonnement de plus d’un l’année dernière à la lecture du communiqué publié par la Banque de Maurice au même de la révision de la notation souveraine de Maurice de « Baa2 négatif » à « Baa3 stable ». La Banque centrale avait choisi de faire abstraction de cette note rétrogradée, préférant mettre l’accent sur le fait que « Maurice conserve son statut d’investissement de qualité. Il reste le seul centre financier international d’Afrique à bénéficier d’un classement Investment Grade, et l’un des deux seuls pays du continent à bénéficier d’une telle notation ».
Le secteur privé mauricien s’est montré optimiste quant aux prévisions de croissance du pays cette année."
Certes, l’Investment Grade, comme le souligne Imrith Ramtohul, a toute son importance du point de vue des investisseurs étrangers. « Nous avons perdu en rang durant les 10 dernières années. Le statut d’Investment Grade est important si nous souhaitons attirer des investisseurs étrangers », fait comprendre le Senior Investment Consultant d’Aon Solutions Ltd.
Néanmoins, Moody’s n’avait pas tari d’éloges au sujet du bilan de la Banque de Maurice qui s’était affaibli en raison des mesures de soutien liées à la pandémie, telles que la création de Mauritius Investment Corporation (MIC) et l’importante subvention unique de la banque centrale au gouvernement de Rs 55 milliards, soit à hauteur de 12 % du PIB nominal de 2020.
« L’évolution du rôle de la MIC dans l’économie expose le bilan de la banque centrale à un risque de crédit accru. Moody’s estime que le fait que la MIC investisse une partie des réserves de la Banque centrale compliquera encore l’évaluation de l’efficacité du gouvernement », écrivait Moody’s Investors Service.
Optimisme
Moody’s évaluera si les points soulevés l’année dernière ont été pris en considération. Selon nos informations, l’agence mettait notamment en doute la capacité de la Banque de Maurice à conduire la politique monétaire. L’introduction du nouveau cadre de politique monétaire de la Banque centrale en janvier dernier sera-t-elle suffisante ?
On apprend que contrairement à ce qui se faisait dans un passé récent, les autorités mauriciennes ont désormais un dialogue régulier avec Moody’s. Notre source ayant participé à la dernière table ronde avec Moody’s croise les doigts pour que la note de Maurice ne soit pas, à nouveau, rétrogradée. Imrith Ramtohul est, quant à lui, d’avis que Moody’s optera pour le statu quo, c’est-à-dire le maintien de la note « Baa3 ».
Scénario qui suscite plusieurs réactions, alors que la notation de Moody’s permet d’évaluer la force du pays, en examinant les perspectives de croissance et la résistance du secteur extérieur par rapport à d’autres pays. Elle met également en évidence les faiblesses du pays, telles que celle des finances publiques, illustrée par des dettes par rapport à d’autres pays ou des déficits élevés, pour lesquelles le pays doit évaluer et voir ce qu’il mettra en œuvre pour y remédier.
Ce qui pousse Hafeez Toofail, professionnel dans le secteur financier, à dire que Moody’s devrait s’assurer que les notes reflètent la situation économique et sociale réelle des pays, car avec l’évolution des économies mondiales une notation de crédit saine est d’une importance cruciale. « Les décisions à Maurice en matière de dette et de politique monétaire nous ont fait passer de Baa2 à Baa3, mais nos perspectives sont stables car l’économie s’améliore. Si nous suivons les recommandations de Moody’s dont l’indépendance de la politique monétaire par rapport à l’agent fiscal, nous pouvons améliorer cette note », conclut-il.
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