
Coup d’arrêt pour le projet controversé de Smart City à Roches-Noires. Le ministère de l’Environnement a rejeté la demande d’EIA de PR Capital, pointant un dossier incomplet et un site écologiquement sensible. Une décision saluée par les collectifs citoyens, qui voient dans ce refus une victoire majeure pour la protection de la biodiversité mauricienne.
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Un refus catégorique vient de frapper le projet controversé de Smart City à Roches-Noires. Le ministère de l’Environnement a officiellement rejeté, le mercredi 28 mai 2025, la demande d’Environmental Impact Assessment (EIA) soumise par la société française PR Capital pour la réalisation d’un vaste projet de Smart City à Roches-Noires, dans le Nord-Est de l’île.
Le projet, qui prévoyait un développement immobilier couvrant près de 850 arpents, incluant des zones humides et écologiquement sensibles, suscitait depuis 2022 une vive controverse. Cette décision marque un tournant décisif dans un dossier devenu emblématique des tensions entre développement économique et préservation environnementale à Maurice.
Le projet avait été transmis en janvier dernier au State Law Office (SLO) pour examen juridique, notamment en raison de lacunes relevées dans la demande initiale, et de l’entrée en vigueur de la nouvelle Environment Act, qui impose désormais une Strategic and Environmental Assessment (SEA) pour les projets d’envergure comme les Smart Cities. Malgré plusieurs relances auprès du promoteur, le ministère estime que le dossier demeure incomplet.
Réactions enthousiastes des collectifs citoyens
Cette décision a été accueillie avec satisfaction par plusieurs organisations non gouvernementales et plateformes citoyennes qui s’étaient opposées sans relâche au projet. Pour Adi Teelock, membre de Platform Moris Lanvironnman, le refus du ministère est une victoire significative.
« C’est une zone écologiquement sensible. Il faudrait aussi revoir la politique de développement immobilier sur les Smart Cities dans leur ensemble. Les ONG ont combattu sans relâche tous les projets sur ce site, et spécifiquement celui de PR Capital, contre lequel nous avons fait front », dit-elle.
Même soulagement du côté de la plateforme Protégeons l’écosystème de Roches-Noires. Gada Schaub, l’une de ses membres confie : « Je suis super émue car je me suis battue bec et ongles sur ce dossier-là. L’EIA était lourd à décortiquer. Je suis enchantée du refus de ce projet qui me paraissait complètement aberrant pour l’écosystème. »
Selon elle, le terrain – toujours en mains privées, bien que saisi par les banques après plusieurs échecs de projets successifs –, pourrait désormais être réorienté vers une vocation environnementale. « Il existe un projet porté par des grands groupes économiques pour réhabiliter et protéger cette zone abandonnée, avec des spécialistes du domaine. Ce serait l’occasion de créer un véritable parc écologique qui bénéficierait à toute la région », plaide-t-elle.
Projet jugé « aberrant » et inadapté au site
Déposé pour la première fois en avril 2022 dans le cadre d’un projet hôtelier, puis réintroduit en septembre 2023 sous la forme d’un projet de Smart City, le plan de PR Capital ambitionnait de créer 2 664 emplois directs et d’attirer un investissement de quelque Rs 41 milliards. Mais son implantation sur une zone reconnue pour sa biodiversité, notamment la présence d’espèces endémiques, a suscité l’opposition de nombreuses parties prenantes.
Déjà en 2023, plusieurs collectifs, dont le Collectif Mauricien pour Roches-Noires, avec le soutien de groupes économiques comme Eclosia, IBL, Currimjee et Scott, avaient proposé une alternative au projet : l’aménagement d’un parc naturel accessible au public, qui serait à la fois un espace de conservation et de sensibilisation à l’environnement.
Le refus du ministère de l’Environnement intervient dans un contexte politique particulier. Rezistans ek Alternativ (ReA), un des principaux opposants au projet lorsqu’il était dans l’opposition, fait désormais partie du gouvernement. Joanna Bérenger elle-même, aujourd’hui en poste comme Junior Minister au ministère de l’Environnement, s’était publiquement exprimée contre le projet à l’époque.
Les raisons du rejet
Le ministère de l’Environnement de Maurice a opposé une fin de non-recevoir au projet de développement d’une Smart City à Roches-Noires, porté par la société PR Capital (Mauritius) Ltd. La décision a été formellement communiquée à l’entreprise le 22 mai 2025, à l’issue d’un processus d’évaluation environnementale rigoureux ayant soulevé de nombreuses objections.
Soumis le 18 septembre 2023, le projet prévoyait l’aménagement d’une Smart City sur une superficie de 352,95 hectares. Il incluait un complexe hôtelier avec villas, des résidences (appartements, duplexes et maisons), deux parcours de golf, une zone commerciale et une zone à usage mixte. Toutefois, les ambitions de PR Capital se sont heurtées à la réalité environnementale du site, jugée particulièrement sensible par les autorités compétentes.
« Le site proposé est considéré comme extrêmement sensible sur le plan environnemental », indique le ministère de l’Environnement dans son compte-rendu officiel en date du 29 mai 2025. Parmi les éléments relevés : un barachois de 17,7 hectares, la présence de mangrove, 18 zones humides côtières – dont quatre classées écologiquement sensibles selon l’Environmentally Sensitive Areas Study de 2009 – ainsi qu’une forêt côtière, plusieurs cavités et formations géologiques, tunnels de lave, cavernes, dont l’entrée de La Cave Madame, située à seulement 250 mètres du site.
L’évaluation du projet s’est faite de manière collégiale. L’EIA Committee s’est réuni le 15 mai 2025 pour examiner les diverses observations et expertises. Il regroupe des représentants de plusieurs ministères (Environnement, Logement, Énergie, Agro-industrie et Tourisme…), ainsi que des institutions comme la Road Development Authority, la Land Drainage Authority, le National Heritage Fund, le Service forestier, ou encore le Central Electricity Board.
De nombreuses contributions du public ont également été reçues dans le cadre de cette procédure, soulignant la valeur patrimoniale du site. Selon le ministère, ces remarques portaient sur « le caractère unique du site en tant que forêt côtière, les risques de perte irréversible de paysages naturels, d’éléments culturels et écologiques, ainsi que la menace pour le patrimoine géologique ».
En tenant compte de ces éléments, le comité n’a pas recommandé l’octroi d’une EIA Licence, un document indispensable pour tout projet d’aménagement de cette envergure. « Compte tenu de la sensibilité environnementale du site, l’EIA Committee n’a pas recommandé l’octroi d’une licence EIA », tranche le ministère de l’Environnement.

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