Des vies arrachées et des rêves brisés en 24 heures. Six cas de noyades ont été enregistrés entre le 31 janvier et le 1er février, des jours fériés. Les victimes, jeunes, père de famille ou encore étudiant, laissent leur famille dans une profonde tristesse. La plus jeune est Stacy Germain, 11 ans, happée par une vague avec Kendy Allagapen, 23 ans, lors d’une baignade à Le Goulet.
Stacy Germain, 11 ans : une fille intelligente partie trop jeune
Pleurs, cris et larmes résonnent à la rue du Pouce, Tranquebar. Stacy Germain, 11 ans, qui faisait la joie et la fierté de toute sa famille, n’est plus de ce monde. Jeudi, lors d’une sortie familiale à la mer, à Le Goulet, la collégienne et Kendy Gérald Allagapen, 23 ans, le petit ami de sa sœur, ont péri noyés.
Les yeux rougis après avoir trop pleuré, Steeve Germain, 48 ans, est un père inconsolable. Issue d’une fratrie de neuf enfants, Stacey était l’avant-dernière.
« Elle était le rayon de soleil de la famille, apportant de la joie à son entourage », lâche le père, technicien de surface à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo, Port-Louis. « Pa fasil, pa fasil… » ne cesse-t-il de répéter. « Tous mes enfants sont mes trésors, mais Stacy était une fille extraordinaire », poursuit-il. La famille nombreuse a d’abord vécu à Sainte-Croix avant de s’installer à Tranquebar. « Stacy a fréquenté l’école Père Laval. Quand nous nous sommes installés à Tranquebar, elle a poursuivi sa scolarité à l’école Beaugeard. Elle était très intelligente », confie Steeve.
Il se souvient d’une anecdote. « Elle devait prendre part aux examens du Certificate of Primary Education et je la voyais qui jouait sans s’en soucier. Mais elle m’avait dit de ne pas me prendre la tête. Par la suite, elle m’a agréablement surpris avec ses notes », dit-il. Elle a intégré le collège d’État G.M.D Atchia, en face du Champs de Mars.
« Je dis souvent à mes enfants d’être prudents, que ce soit sur en allant à la boutique, à l’école, au collège ou au boulot », ajoute Steeve. Mais jeudi après-midi, le sort s’est acharné contre eux. « Stacy était dans l’eau avec sa sœur et Kendy. Je pêchais et je les regardais. Une vague les a tout à coup emportés. Monn fer tou se ki kapav », dit-il. Les proches de la petite blâment les gardes-côtes qui n’auraient pas agi promptement dans ce double cas de noyade.
Avec sa mère Catheline, elles étaient très complices. La maman est encore sous le choc, d’autant que Stevie, sa fille de 27 ans, qui était également dans l’eau est toujours à l’unité des soins intensifs de l’hôpital SSRN de Pamplemousses.
Les funérailles de Stacy ont eu lieu le vendredi 2 février. Ses camarades de classe se sont déplacées pour lui rendre un dernier hommage.
Kendy Allagapen, 23 ans : il ne pourra pas réaliser ses projets
Comme la plupart des victimes de ces noyades, Kendy Gerald Allagapen était à la fleur de l’âge. À 23 ans, le jeune homme avait trouvé son bonheur auprès de Stevie Germain, la sœur de Stacy. Le couple filait le parfait amour à en croire Steeve Germain. Kendy, originaire de Batimarais, avait depuis quelque temps fait la connaissance de Stevie.
Il a lui aussi passé son enfance à Rose-Belle où vivent plusieurs membres de sa famille. Apprécié et connu, ce jeune sans histoires a fréquenté le collège Windsor. Il était très actif au sein de la paroisse de Sainte Famille durant son adolescence. Il y a quelques années, il s’était mis en ménage avec une jeune femme à Curepipe. Ils sont parents de trois petits, mais les choses n’ont pas fonctionné et le couple s’est séparé.
« C’était quelqu’un de bien », explique Steeve. Aux dires de ce dernier, le petit ami de sa fille travaillait dur pour pouvoir se construire une maison. « Il était dans la maintenance. Il travaillait assidûment et économisait afin d’avoir son propre toit », nous dit-il.
Sur les réseaux sociaux, les messages de sympathies aux proches de Kendy se multiplient. Tout ceux qui l’ont côtoyé peinent à réaliser cette soudaine disparition. Sa sœur, sa mère et d’autres proches sont accablés. Ses funérailles ont eu lieu vendredi après-midi à Batimarais.
Goind Sooreea : un père aimant et passionné de la nature
Goind Sooreea, 49 ans, était un véritable passionné de la pêche et de la chasse. Passions qu’il partageait avec ses trois fils Davish, 20 ans, Jivesh, 17 ans et Kevish, 15 ans. Mais au cours d’une sortie à La Prairie, le mercredi 31 janvier, le père et son benjamin qui se trouvaient dans une embarcation ont été surpris par une vague qui les a projetés à l’eau. Kevish a pu s’en sortir. Son père a eu moins de chance. Le corps sans vie de ce pâtissier a été repêché peu après.
Ses proches ne cessent de pleurer sa tragique disparition. Goind Sooreea était connu à Chemin-Grenier où il habitait. Depuis plus de 25 ans, avec sa sœur et son épouse Asha, 40 ans, il dirigeait la Pâtisserie Sooreea. « Goind s’occupait de la production. Il était aidé de ses fils », confie Oumesh, le beau-frère de la victime. « Goind souhaitait que ses enfants qu’il chérissait tant puissent un jour prendre le relais. Avec sa mort, les choses se sont malheureusement précipitées », ajoute Oumesh.
Outre sa profession, le père de famille aimait la nature. « So plezir sete lapes ek lasas », indique Asha, l’épouse de Goind. Il y a peu,, il s’était acheté une embarcation pour pouvoir aller à la pêche. « Il allait presque tout les jours en mer. » Ce passe-temps, il le partageait avec ses fils. « Ena fwa nou tou ti al avek li. Mem mwa. Il aimait sa famille », se souvient Asha tristement.
Quand il n’était pas en mer à titiller les poissons, c’est avec ses chiens qu’il partait à la chasse. « Mon époux a sept chiens. Après le travail, ils les emmenaient souvent pour se promener ou pour chasser. Il nous ramenait fréquemment des lièvres », poursuit l’épouse. Mais lors d’une énième sortie en mer, Goind n’est jamais revenu.
« Au début de l’année, Kevish, lui et moi sommes partis en vacances en Asie. Pendant 15 jours nous avons visité la Malaisie, la Thaïlande et la Chine. En rentrant au pays, il m’a dit que la prochaine fois il emmènerait ses fils. Nous étions loin d’imaginer que c’était son dernier voyage », se désole-t-elle.
Javis Naumjand, 17 ans : «Il voulait être policier pour aider les gens»
Javis Naumjand, 17 ans, s’est noyé dans une rivière à Pont-Anglais, Rivière-des-Créoles, mercredi. Sa mère Sheela, terrassée par la douleur, ne cesse de pleurer la disparition de son fils unique. Pour Sheela, Javis était très obéissant.
« Peu importe où il partait, Javis me demandait toujours la permission. D’ailleurs, mercredi, alors que je m’allongeais, il m’a appelée. Voyant que j’avais les yeux fermés, il a cru que je dormais et il a dit à sa sœur qu’il partait se baigner et je l’ai entendu. Aujourd’hui, mon cœur de mère saigne. Je regrette amèrement de ne pas avoir répondu à mon fils, car j’étais épuisée. Si mo ti kone ki mo garson finn vinn get mwa pou enn dernye fwa, mo ti pou leve. Zordi mo lavi finn perdi so kouler », pleure Sheela, 43 ans.
Elle précise qu’elle pensait que son fils disait qu'il comptait prendre une douche dans la salle de bains. « Nou finn pense li pe al dan sal de bin. Se apre ki nou finn aprann ki linn al larivyer. »
Sheela raconte que son fils avait des projets plein la tête. « Javis voulait devenir policier pour aider les gens. Ce 2 novembre, il devait célébrer ses 18 ans, mais il a quitté ce monde. Javis était en Form V. Il me disait que l’année prochaine il comptait de rejoindre la force policière. Javis réprimandait souvent mon époux qui a un penchant pour la bouteille. Li ti toultan dir so papa kan li pou vinn lapolis li pou ramas li e li pou met li dan kaso si li trouv li bwar lor simin. Aujourd’hui, je l’ai perdu. Il voulait agrandir notre maison et en construire une autre pour lui. J’avais beaucoup d’espoirs en lui. Maintenant, tout s’est envolé », murmure Sheela.
Sanjay Rughoo, 49 ans : «Mon frère était un bosseur»
Sanjay Rughoo, 49 ans, a péri noyé dans le lagon de Blue-Bay mercredi. Ses proches estiment qu’il y a des zones d’ombre dans cette affaire. « Mon frère était accompagné de ses deux amis. Ces derniers ont pris la fuite en le voyant en difficulté. De plus, on a aperçu les vêtements de mon frère sous la varangue d’une boutique de la localité. Comment l’explique-t-on ? » s’interroge Karuna.
Cette dernière explique que bien que son frère avait un penchant pour la bouteille, il était un père responsable. « Il y a environ deux ans, mon frère avait fait une chute alors qu’il montait une tente. Il a été grièvement blessé mais fort heureusement, il avait guéri avec le temps. Il avait persévéré et avait continué à travailler comme monteur de tentes. Quand il recevait son salaire, il donnait tout l’argent à sa femme qui est souffrante. Mon frère était un bosseur. Quand il partait à la boutique, ce sont ses amis qui lui offraient des boissons alcoolisées. Ils lui ont gâché la vie », raconte Karuna.
Selon Vimla (43 ans), l’épouse Sanjay, ce dernier a toujours été là pour la soutenir. « Même s’il était alcoolique, il faisait tout pour subvenir aux besoins de la famille. Il ne m’a jamais agressée comme le font certains époux. Maintenant qu’il n’est plus de ce monde, je ne sais plus à qui me fier. Mo finn gagn atak e mo pa travay. Aster mo bizin rod enn solisyon. C’est une épreuve difficile. Je demande à Dieu de me donner du courage pour élever mes deux enfants », se lamente la veuve de Sanjay.
Quant aux deux amis du défunt qui l’avaient accompagné, ils devraient être entendus par les enquêteurs très prochainement.
Bruno Botterave, 25 ans : il ne verra pas naître son troisième enfant
Les proches de Bruno Botterave, 25 ans, sont profondément bouleversés. Ce jeune père de famille voulait admirer les poissons à Trou-aux-Biches quand le malheur a frappé jeudi. La victime, qui allait devenir père pour la troisième fois, s’est jetée à l’eau, mais elle n’est jamais remontée. Bruno Botterave laisse un immense vide dans le cœur de ceux qui l’ont connu.
Voilà quelques années que ce tourneur vivait en concubinage avec Sarah Serret. Il était déjà père de deux filles de six et sept ans, nées d’un précédent ménage. Il se faisait une joie avec sa nouvelle compagne d’avoir leur premier enfant. « Je suis enceinte de six mois. Il était très content de devenir papa une nouvelle fois », confie la jeune femme.
Marie Josée, sa belle-mère, est également très affligée par cette soudaine disparition. « Bruno a toujours été un jeune homme aimable. Il ne m’a jamais manqué de respect », dit-elle. Bon vivant, il ne ratait jamais l’occasion de se rendre à la plage afin de se détendre en famille. Jeudi étant jour férié, il en a profité pour aller passer une journée à la plage de Trou-aux-Biches.
Hélas le destin s’est montré cruel. Le futur papa est monté dans un bateau à fond de verre et à un moment donné il a demandé au skipper s’il pouvait se jeter à l’eau. « C’était un bon nageur », précise sa compagne. Cependant, il s’est retrouvé en difficulté et n’a pu être sauvé à temps.
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