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Siven Ramen : une vie de fil en aiguille

C’est dans les années 70 qu’il a créé son atelier de couture avec un ami.
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Il a consacré sa vie à son art et à son pays. Après des débuts modestes, Siven Ramen a habillé des personnalités politiques et s’est engagé activement dans la lutte pour la démocratie. Aujourd’hui, à près de 80 ans, il continue de témoigner de cette passion qui l’anime.

Il est l’un des rares couturiers non-commerciaux qu’il reste à Maurice. S’il ne prétend pas être un grand du monde de la couture, il a taillé des complets pour des grands de ce monde. Et de Maurice. Voici l’histoire de Siven Ramen. 

À presque 80 ans, il ne fait pas son âge. Jovial, aimable, posé, Siven Ramen règne dans sa ville natale, Curepipe, comme un chef dans sa cuisine. Mais ses armes à lui sont une paire de ciseaux et son mètre au cou.

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C’est à la maison Costa, où il travaillait, qu’il a rencontré son épouse Josette.

Marié à Josettte, père de trois fils – Ruben, 51 ans, Yosi, 46 ans, et Akisch, 39 ans –, il est l’aîné d’une fratrie de sept enfants. « Mon papa était stevedore. Je suis allé au collège durant seulement six mois et faute de finances, j’ai arrêté. Puis, j’ai eu la chance d’avoir des leçons gratuites de deux enseignants », raconte Siven Ramen à Le Dimanche/L’Hebdo.

« On était tellement pauvres que je surveillais les poules, qui vivaient en liberté dans notre cour, pondre. Je prenais les œufs, j’allais les échanger dans la boutique du coin contre des produits de première nécessité, comme le riz ration. On mangeait les ‘bred moutard’ qui poussaient dans la cour avec du chutney de piment sec écrasé », se souvient Siven Ramen.

Son tout premier job : « Boy » dans un magasin. « Puis dans mes moments libres j’allais passer mon temps chez un tailleur, Paul Espiègle. Il m’a demandé d’essayer de tenir une aiguille pour faire des boutonnières. Après deux mois, j’ai pu coudre un short », poursuit-il.

De fil en aiguille, Siven Ramen fait son chemin et travaille chez la fameuse maison Costa, « qui était au même niveau que les couturiers Laurent et Payen. C’est là que j’ai rencontré ma femme Jo, qui est une excellente couturière ».

En 1971, il rencontre un ami d’enfance, Assim. « On a monté notre atelier de couture. On a habillé le secrétaire général de l’ACCP de Paris qui était en visite chez nous et il m’a proposé une formation poussée en France. J’ai aussi habillé Paul Bérenger, Deven Nagalingum et bien d’autres militants encore, mais je n’ai pas de photos de cette époque », se remémore-t-il.

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Siven Ramen et deux de ses trois fils.

Il aurait pu émigrer, se faire un nom ailleurs. Mais, il a choisi d’être fidèle à son pays. « J’aime beaucoup mon pays. Même si j’ai dû cravacher, je l’ai fait par conviction et par amour pour mon pays natal. Je remercie ma femme Jo qui m’a toujours soutenu dans ma lutte et mon travail », souligne-t-il.

En effet, son amour pour son pays l’a poussé à s’engager politiquement. « J’allais aux réunions du Club des étudiants militants et je m’étais dit à cette époque qu’on pouvait apporter un vent de changement. On a manifesté à Quatre-Bornes avec Paul Bérenger et les autres camarades comme Jooneed, Ramesh et chaque samedi il y avait nos réunions. »

Vient 1971, l’instauration de l’État d’urgence et la mort d’Azor Adélaïde sous le règne du gouvernement d’alors. « Mon ami Assim et moi étions révoltés. Je me suis radicalisé, nous écrivions des graffitis partout, nous avons exposé notre vie pour la lutte militante. » Par la suite, Siven Ramen s’est engagé avec « le MMMSP de Dev Virahsawmy, de Peter Craig, d’Alain Laridon et d’autres et avec le slogan Soley Ruz ».

Son arrestation est venue lors d’une manifestation. « La police m’a arrêté, on m’a battu le premier jour et je suis resté en cellule durant quatre jours. J’ai refusé la nourriture car c’était impropre à la consommation. La police voulait que je dénonce mes camarades, ce que j’ai refusé. Les dirigeants du MMM ont été arrêtés. C’est Me Yousuf Mohamed qui m’a fait libérer sous caution. »

À bientôt 80 ans, il dit n’avoir aucun regret. « Je suis fier d’avoir participé à toutes ces manifestations, ces grèves, ces marches. » Il ne cache pas son admiration pour le leader du MMM : « Paul Bérenger avait compris depuis le début le fonctionnement de notre société. Il a été un homme d’État et le restera à jamais, c’est un patriote avant tout, malgré ses défauts. D’ailleurs, tout le monde en a. »

Assis sous cette terrasse, savourant un cappuccino, Siven Ramen incarne une vie bien remplie, rythmée par le goût des choses simples et la fidélité à ses valeurs. À presque 80 ans, avec son mètre autour du cou et ses ciseaux en main, il continue de tailler bien plus que des costumes : il façonne l’histoire d’un homme attaché à son art, à son pays et à ses convictions. Une vie de maître, en somme.

 

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