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Sir Anerood Jugnauth : un géant de la politique

En un peu plus d’un demi-siècle, sir Anerood Jugnauth a marqué le pays. En démissionnant du poste de Premier ministre, c’est une page de l’histoire politique de Maurice qu’il tourne. Retour sur le parcours exceptionnel d’un homme hors du commun.

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Ce samedi, pour la seconde fois de sa carrière politique qui s’est étalée sur 54 ans, sir Anerood Jugnauth a tiré sa révérence. L’homme qui a bâti sa réputation comme l’architecte du « miracle économique » de Maurice, va délaisser le fauteuil de Premier ministre pour laisser la place à son fils, Pravind Jugnauth, l’actuel ministre des Finances.

Lorsqu’il accède pour la sixième fois au poste de Premier ministre en décembre 2014, il est âgé de 84 ans. Personne dans le monde démocratique ne s’était fait élire à ce poste à cet âge.

Né en 1930, Anerood Jugnauth entame sa scolarité à l’école primaire Church of England Mission, à Palma. Il poursuivra ses études secondaires au Regent College, et en 1949, il devient enseignant au New Eton College. Quelques années plus tard, il devient clerc au Poor Law Department. Passionné par le droit, il prend ses bagages et file en Angleterre, pour des études de droit en 1951.

Trois ans plus tard, il enfile sa robe d’avocat et démarre sa carrière politique en 1956 en devenant conseiller du village de Palma et ensuite son président. En 1963, il fait son entrée au Parlement en tant que député de Rivière-du-Rempart, sous la bannière de l’Independent Forward Block des frères Bissoondoyal.

Il est ministre au sein du gouvernement dirigé par sir Seewoosagur Ramgoolam où il assistera aux conférences constitutionnelles à Lancaster House, à Londres, avant l’accession du pays à l’indépendance. Après avoir claqué la porte du gouvernement en 1966, il devient magistrat où il se la coule douce avant que le Mouvement militant mauricien (MMM) ne l’approche pour devenir président du parti.

Son retour en politique sera triomphal. Il devient leader de l’opposition à la tête des jeunes loups du MMM qui veulent mettre un terme au règne de sir Seewoosagur Ramgoolam. Après les élection de 1976, il se déchaîne et s’impose. La suite, on la connaît avec le raz-de-marée en 1982 où le MMM, grâce au soutient de Harish Boodhoo et de son Parti socialiste mauricien (PSM), remporte le premier 60-0 de l’histoire du pays. Mais le ver était dans le fruit : neuf mois plus tard, c’est l’éclatement.

Adversaires d’hier

Au lieu d’être un obstacle, cette mauvaise tournure allait permettre à Anerood Jugnauth de s’asseoir politiquement. Il crée le Mouvement socialiste militant (MSM) en fusionnant les quelques membres du MMM qui lui jurent fidélité avec le PSM. Une légende était née. Il fait alliance avec les adversaires d’hier, le Parti mauricien social-démocrate de sir Gaëtan Duval et le Parti travailliste de Ramgoolam père, le deal étant que sir Seewoosagur Ramgoolam ira au Réduit.

De 1983 à 1995, Anerood Jugnauth écrase tout sur son passage. Il remporte chacune des élections en fin stratège, il a su profiter des jeux d’alliance pour se maintenir au pouvoir tout en se bâtissant une solide réputation de dur à cuire. Mais son parcours n’a pas été sans heurts. En décembre 1985, un scandale vient l’éclabousser. Quatre membres de son gouvernement sont arrêtés aux Pays-Bas avec une importante cargaison de drogue dans leurs valises, c’est l’affaire des Amsterdam Boys. Cependant, cela ne l’affectera pas politiquement, car en 1986, SAJ met sur pied une commission d’enquête sur la drogue.

En 1995, son règne tire à sa fin et il se fait battre par un 60-0 lors des législatives face à l’alliance PTr-MMM. Ce ne sera que partie remise. Après une traversée du désert, où il se fait même battre par le néophyte travailliste Satish Faugoo, SAJ revient en force en 2000. Après avoir renoué les liens avec le MMM, il remporte les élections avec un 54-6. Surfant sur la vague de mécontentements et de scandales sous Navin Ramgoolam, il revient au pouvoir.

Il tire sa révérence en tant que Premier ministre en 2003 et laisse la place à Paul Bérenger pour aller au Réduit. En 2013, il revient sur la scène pour une fois de plus détrôner Navin Ramgoolam.

Il a assumé le poste de Premier ministre pendant 18 ans et celui de président de la République pendant neuf ans.

En quelques dates

  • 29 mars 1930 : Naissance à Palma.
  • 1956 : Élu conseiller de village à Palma.
  • 1957 : Le 18 décembre, il se marie avec Sarojini Ballah, qui lui donne deux enfants, Pravind et Shalini.
  • 1963 : Il devient député de l’Assemblée législative comme membre de l’Independent Forward Block (IFB).
  • 1964 : Élu conseiller municipal à Vacoas/Phœnix.
  • 1965 : Il devient ministre d’État en tant que membre du All Mauritius Hindu Congress.
  • 1966 : Sir Seewoosagur Ramgoolam lui donne le portefeuille du ministère du Travail en novembre. Il est toujours membre du All Mauritius Hindu Congress.
  • 1970 : SAJ rejoint le Mouvement militant mauricien (MMM) et devient son président.
  • 1976 : Il est présenté comme Premier ministre si le MMM remporte les élections générales. Bien que les mauves remportent la victoire, une alliance postélectorale entre le Parti travailliste (PTr) et le Parti mauricien social-démocrate (PMSD) empêche SAJ d’accéder au poste suprême. Il devient alors leader de l’opposition.
  • 1982 : SAJ devient Premier ministre pour la première fois au sein d’une alliance MMM/PSM avec un 60-0.
  • 1983 : Après une cassure au MMM, SAJ crée le Mouvement socialiste militant (MSM) et remporte les élections anticipées grâce à une alliance avec le PTr et le PMSD.
  • 1987 : Il remporte une nouvelle fois la joute électorale. Et toujours en alliance avec les rouges et les bleus.
  • 1991 : Cette fois, SAJ s’allie au MMM et remporte la victoire aux élections générales. SAJ devient Premier ministre pour la quatrième fois.
  • 1995 : Pour la première fois de sa carrière, SAJ mord la poussière aux élections générales de 1995 et ne parvient pas à se faire élire dans son fief, le no 7 (Piton/Rivière-du-Rempart). Le MSM est laminé par l’alliance PTr/MMM qui porte Navin Ramgoolam au pouvoir grâce à un 60-0.
  • 2000 : C’est le grand retour. Au sein d’une alliance MSM/MMM, SAJ reprend le poste de Premier ministre.
  • 2003 : À la suite de l’accord électoral de 2000 avec Paul Bérenger, ce dernier devient Premier ministre et sir Anerood Jugnauth devient président de la République. Il cède sa place de leader du MSM à son fils, Pravind Jugnauth.
  • 2013 : Le 30 mars, il démissionne comme président de la République pour se lancer une nouvelle fois dans la politique active en tandem avec Paul Bérenger. L’alliance entre le MMM et le MSM durera jusqu’au début de 2014.
  • 11 décembre 2014 : les urnes livrent leurs résultats. L’alliance MSM/PMSD/Muvman Liberater remporte les élections générales avec beaucoup de facilité et porte SAJ une dernière fois à la tête du gouvernement.
 

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