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Siddick Khodabaccus : «Il est aberrant de vouloir contrôler les stimulants sexuels»

Siddick Khodabaccus

Les pharmaciens se défendent d’être associés à la prolifération de la drogue et soutiennent qu’ils ne font qu’exécuter les prescriptions des médecins. Rencontre avec Siddick Khodabaccus, président de l’Union des pharmaciens et des Small & Medium Phamarceutical Importers Association et membre du Pharmacy Council.

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« Il faut introduire une ordonnance spéciale en trois copies : une à l’intention du ministère de la Santé, une pour le patient et une destinée au pharmacien »

La profession a été mise à mal dans le rapport Lam Shang Leen, notamment sur la vente de produits prohibés tels que les psychotropes. Est-ce justifié ?
Un pharmacien ne fait qu’exécuter une prescription. Il serait injuste de serrer les vis au pharmacien sans en faire de même au prescripteurs, soit le médecin. Ce dernier devrait lui aussi faire un ‘return’, comme le fait le pharmacien, pour chaque produit prohibé prescrit. Actuellement, il est impossible de savoir combien de ces produits un médecin a prescrit. Pour ce faire, il faut introduire une ordonnance spéciale en triplicata, soit en trois copies. La première copie serait à l’intention du ministère de la Santé, la deuxième resterait en possession du patient et la troisième serait remise au pharmacien.

Vous ne pouvez nier que plusieurs propriétaires de pharmacie ont été épinglés pour trafic de produits prohibés… Certains ont même vu leur le permis leur être enlevé ?
Certainement. Nous ne nous voilons pas la face. Nous ne prétendons pas que tout est parfait ou que les pharmaciens sont tous des saints. Il faut cependant savoir combien de ces propriétaires de pharmacies qui ont eu des démêlés avec la justice sont des pharmaciens.

Le fait demeure aussi qu’il y a une demande pour ces produits. D’où la nécessité de résoudre ce problème à la source. C’est ainsi qu’il y aura plus de control at issue end.  

Autre révélation du rapport : 60 % des pharmacies n’appartiennent pas à des pharmaciens. Pourquoi les hommes d’affaires s’intéressent-ils autant à ce marché ?
Je ne pense pas que cela soit un problème. Cela permet de créer de l’emploi, notamment pour les pharmaciens. Il faut savoir qu’ouvrir une pharmacie coûte entre Rs 3 millions et Rs 5 millions. Ce n’est pas donné. Toutefois, il faut que cela se fasse dans le respect des provisions de la loi.

C’est-à-dire ?
Pour ouvrir une pharmacie, il faut, d’une part, une licence et, d’autre part, s’attacher les services d’un pharmacien. Nous constatons cepenant que les pharmaciens ne sont pas rémunérés à leur juste valeur. Après cinq années d’études, ce dernier ne peut percevoir Rs 25 000 par mois. Nous considérons que cette somme représente uniquement un retention fee.

Que préconisez-vous ?
Il faut introduire un professionnal fee. Les pharmaciens ne sont pas payés pour les conseils qu’ils prodiguent aux clients. Cela doit changer. Il faut revoir les Remuneration Orders. L’Union des pharmaciens a consulté un professionnel en ressources humaines à cet effet. Après une étude, il a été proposé qu’un pharmacien doit toucher au minimum entre Rs 45 000 et Rs 50 000 par mois.

Ne craignez-vous pas que cela engendre une hausse des prix des médicaments ?
Non, pas forcément. Il importe toutefois de trouver la bonne formule pour prélever le professional fee. Soit un pourcentage des achats effectués soit un montant fixe. Cela reste à être déterminé, mais l’idée est là.

Vous devez certainement savoir que les pharmaciens ne sont souvent pas présents dans les pharmacies. Ce sont les ‘dispensers’ qui font le travail…
Selon la loi, qui soit dit en passant est assez floue, un pharmacien ne peut travailler au-delà de 40 heures par semaine. Les autorités devrait prendre en considération cet aspect au moment de l’octroi du permis. Si un seul pharmacien est attaché à une pharmacie, celle-ci ne pourra opérer plus de 40 heures par semaine. Un pharmacien ne peut être à la pharmacie du matin jusqu’au soir, six jours sur sept. Il a quand même droit à des congés de maladie et autres local leaves

Une reclassification des médicaments dont les Mauriciens abuseraient est envisagée. Votre avis ?
À Maurice, nous avons tendance à copier ce qui se fait à l’étranger. Ce n’est pas une mauvaise chose, mais il faut prendre en considération le contexte local. À l’exception des psychotropes et des antibiotiques, presque tous les médicaments sont disponibles sans ordonnance. Il y a, semble-t-il, une volonté d’introduire la formule prescription only. Pouvons-nous demander à un client d’aller chercher une ordonnance auprès d’un médecin, dont la consultation lui coûtera plusieurs centaines de roupies pour un médicament coûtant quelques dizaines de roupies seulement ? Cette formule ne marchera qu’avec la mise en place du système de remboursement.

De quels médicaments les Mauriciens abusent-ils ?
Il y a essentiellement des médicaments à base de cortisone. On  en prend pour un rhume, des problèmes aux bronches, des allergies ou l’arthrite…  Les Mauriciens sont adeptes de l’automédication. Le danger avec cette pratique, c’est qu’une trop grande consommation de ce genre de médicaments peut engendrer des effets secondaires.

Et qu’en est-il des stimulants sexuels ?
Il est aberrant de vouloir contrôler le plaisir des gens. Ce n’est pas normal qu’une personne doive se munir d’une ordonnance pour obtenir du plaisir, alors que dans le monde, notamment en Angleterre par exemple, ces produits sont disponibles over the counter. Ce serait comme si nous vivions dans un État totalitaire. Au lieu d’avancer, nous reculons.  

Mais certains de ces produits, à l’instar du Viagra, peuvent s’avérer dangereux, surtout pour des hommes souffrant de maladies cardio-vasculaires, n’est-ce pas ?
Très souvent, le pharmacien connaît déjà l’état de santé de la personne, ses antécédents médicaux, ses habitudes, etc. Le rôle du pharmacien est justement de conseiller le client.

Certains médicaments, notamment pour le traitement du diabète, étaient en rupture de stock dans les pharmacies le mois dernier. Comment en sommes-nous arrivés à une telle situation ?
Certaines marques de référence n’étaient pas disponibles, mais il y avait leur équivalent générique. Le problème à Maurice,  c’est que nous avons tendance à nous focaliser sur les marques au lieu des molécules qui composent les médicaments.

Malheureusement, les pharmaciens ne peuvent proposer aux clients un remède avec le même principe actif que celui préconisé par le médecin, bien qu’il soit moins cher. D’où notre demande de permettre aux pharmaciens de faire des substitutions génériques en concertation avec le praticien. Au final, le plus important, c’est que le patient obtienne les soins appropriés.

 

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