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Shila Beekawoo a le secret des ‘mark tanbav’ et ‘bare kapros’ 

Shila Beekawoo La sage-femme confie que le « don » qu’elle possède lui a été transmis par sa belle-mère.

Incursion dans un métier qui sort de l’ordinaire, tabou pour certains mais qui procure un soulagement pour d’autres. Nous nous rendons à Plaine-Magnien, chez Shila Beekawoo, une sage-femme aux rituels traditionnels, avec plus de 35 ans d’expérience. Cette dernière, qui ne demande qu’une rémunération symbolique ou selon les moyens de ses clients, n’a qu’un souhait : « Je suis heureuse de voir que les personnes que je croise sont en bonne santé ».

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Connue aux quatre coins de l’île et appelée affectueusement « Chachi Mala », la sexagénaire est quotidiennement sollicitée pour ses dons de guérisseuse tels que « mark tanbav », « bare kapros », « bar lisien morde », « bare darte » et bien d’autres… Son métier consiste aussi à s’occuper des femmes qui viennent d’accoucher et de leur nouveau-né. Tout de suite après l’accouchement, « dès qu’elles sortent de l’hôpital, elles m’informent et pendant douze jours, je leur procure les soins nécessaires », explique-t-elle. Comment ? Dotée d’une connaissance particulière, Chachi Mala prodigue des massages aux femmes pour que l’utérus se remette en place, « des fois, même après l’accouchement, les nouvelles mamans ont des douleurs aiguës au ventre ». Et pour les bébés ? « Bann baba la kontan kan frot zot ». De plus, lorsqu’elle les masse, elle dit pouvoir détecter si l’enfant a un problème physique. « Ena zanfan zot lipied pas droite lerla kan frott zot, sa aide lipie la reprend so place », poursuit-elle. 

Pour Chachi Mala, 60 ans, être sage-femme traditionnelle demeure une cadeau divin, voire « un don » qui lui fut transmis par sa belle-mère et la grand-mère paternelle de son époux, au début des années 80. « Enn tresor pou mwa sa seki mo finn gagner la », évoque Shila Beekawoo en levant les deux mains, comme un signe de remerciement. Elle se souvient de ce jour comme si c’était hier. « J’avais accompagné ma belle-mère lors d’une prière ‘pou bann gran dimoune’ et elle m’avait demandé de m’asseoir à ses côtés. Et lors du rituel, elle a posé sa main sur mon épaule et m’a dit mo pe donn twa sa don ki mo ena la et mo demann toi pou fer sa travay la bien, avec loner », se remémore-t-elle. Depuis ce jour, Chachi Mala accompagnait sa belle-mère chez les clients et apprenait les méthodes de chaque rituel. « Je ne peux vous dire combien d’amour je porte à ce métier », déclare-t-elle. Chez Chachi Mala, les clients sont de toutes les communautés. « Musulmans, hindous, chrétiens… ils viennent tous me voir quand ils ne vont pas bien. Souvent, je reçois la visite des gens du village qui me demandent : Chachi ontcho mwa impe, mo pas bien la », livre-t-elle avec fierté. Son but principal, c’est le bien-être de tout le monde. 

Musulmans, hindous, chrétiens… ils viennent tous me voir quand ils ne vont pas bien»

Nusaiha, mère de deux enfants, habitant la même région, est une cliente de Shila Beekawoo. Cette fois-ci, elle est au rendez-vous suivant l’accouchement de son deuxième enfant. « Lorsque j’ai accouché de ma fille, la première fois, ma mère m’avait présenté Chachi Mala et elle s’est occupée de moi pendant douze jours ainsi que de mon bébé », explique la résidente de Plaine-Magnien. Aujourd’hui, elle vient d’accoucher de son deuxième enfant, un garçon, et une fois de plus, elle ne manque aucun de ses rendez-vous, « même après les onze jours de traitement recommandés, je reviens régulièrement voir Chachi Mala pour d’autres rituels de soin pour mon bébé. Car j’ai constaté que cela apporte beaucoup de bienfaits à mes enfants », avoue Nusaiha en regardant Shila s’occuper de son fils âgé d’un mois et demi. Pour cette maman, bien qu’étant musulmane, « je ne vois aucun mal dans ce que pratique cette dame. Au contraire, mes enfants sont toujours aux anges lorsqu’elle s’occupe d’eux », livre-t-elle sans hésitation. 

Le « tanbav », c’est les bourbouilles qui apparaissent sur le visage des nouveau-nés. « Souvent ces petits boutons sont difficiles à guérir. C’est alors que les parents me sollicitent pour soulager leur bébé. Lerla mo bar tanbav la avec mo kanif et prépare une tisane spéciale pour l’enfant et la mère, si elle allaite l’enfant », explique-t-elle. C’est à l’aide d’un petit canif et en récitant des paroles sacrées que Chachi Mala guérit l’enfant. « Je ne coupe pas l’enfant bien évidemment mais j’effleure le canif sur la peau de la personne. Ensuite, je prépare une tisane spécifique et naturelle pour la maladie, très souvent à base de feuilles de camomille, bergamote, ayapana et citronnelle, pour donner un bain au bébé, et qui doit être consommée par le nourrisson et sa mère », établit-elle. La même chose est faite pour «marquer»  le froid chez l’enfant ainsi que pour les ‘cors’, chez la plupart des adultes. « Il y a aussi le ledan voler (une dent qui sort prématurément chez un nourrisson). Sauf que ma pratique est différente, la majorité des personnes qui possèdent ce don pressent sur cette petite dent, alors que moi je la ‘marque’ avec un canif en stoppant la croissance de la dent afin qu’elle pousse au moment propice », explique-t-elle. Quant au marquage pour la morsure des canines, Shila a une autre méthode bien à elle, « après que la personne ait été mordue, elle doit me rapporter une certaine quantité de terre de chez elle. Je vais ensuite réciter mes paroles ancestrales en  faisant une boule avec cette terre et la passer sur la plaie. Cela aide à retirer les poils et infections », soutient-t-elle. 

Shila Beekawoo possède un petit carnet, qu’elle change chaque année ; celui-ci contient les témoignages de ses clients qui lui laissent un petit mot de remerciement et qu’elle garde précieusement en souvenir des personnes qui ont cru en elle. « Je les remercie pour leur confiance. Je suis heureuse de voir que les personnes que je croise sont en bonne santé », glisse-t-elle naïvement en tenant dans les bras le nouveau-né de Nusaiha. 

 

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