Défiant les conventions en matière de vente aux enchères de légumes dans le pays, Shemida Ramdewar-Emrith a fait voler en éclats les barrières en devenant la première femme enchérisseuse sur le marché de Flacq il y a 15 ans. Elle est l’une des deux femmes exerçant cette profession à Maurice.
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Son livre à la main et son sac sur l’épaule, Shemida Ramdewar-Emrith se faufile entre les sacs et paniers de légumes qui lui ont été remis par des planteurs, tout en criant les prix. Une foule de marchands la suit comme son ombre pour examiner la qualité des produits et faire de bonnes affaires. Elle fait monter les enchères. C’est le plus offrant qui remporte la transaction.
En ce mardi 15 août, une effervescence matinale règne au National Wholesale Market à Belle-Rive, Wooton, géré par l’Agricultural Marketing Board. Depuis juillet dernier y sont centralisées les ventes à l’encan des fruits et légumes qui ont lieu les lundis, mardis, jeudis et samedis, à partir de 5 heures du matin.
Shemida Ramdewar-Emrith retourne à sa table pour faire les calculs afin de pouvoir payer les nombreux planteurs qui viennent collecter leur argent. En tant qu’enchérisseuse depuis 15 ans, elle redéfinit les normes et dépasse les frontières dans un domaine traditionnellement masculin.
C’est à 3 h 30 du matin que l’habitante de Riche-Mare, à Centre-de-Flacq, a quitté son domicile pour entamer sa journée de travail. Que pense-t-elle de la centralisation des ventes à l’encan à Wooton ? « Contrairement aux enchères qui se faisaient à Flacq et Vacoas, ici c’est plus propre, éclairé et sécurisé », se réjouit-elle.
Est-ce difficile d’être enchérisseuse ? « Tout vient avec l’expérience », répond-elle. Shemida Ramdewar-Emrith a d’ailleurs été la première femme à faire les enchères de Flacq et maintenant, elle est l’une des deux femmes qui font ce métier à Maurice. Pourquoi ce choix de carrière ? « Tout simplement parce qu’elle fusionne harmonieusement avec ma passion pour l’agriculture », explique-t-elle.
Shemida Ramdewar-Emrith a grandi au milieu du dynamisme des ventes à l’encan au marché de Flacq. « Je devais avoir 12 ans lorsque mon père m’emmenait aux enchères de Flacq. » Elle raconte que son grand-père, Keshwar Ramdewar, était le premier enchérisseur de Flacq et le deuxième de Vacoas. Son père, Kamal, a ensuite pris la relève.
« C’est mon père qui m’a initiée dès mon plus jeune âge aux subtilités des transactions et aux interactions humaines qui animent cet environnement. C’est ainsi que j’ai tissé un lien précoce et profond avec cet univers. Mon grand-père avait deux fils. Mon oncle a eu trois fils. Mon père, quant à lui, a eu trois filles. Alors que la relève semblait destinée à mes cousins, j’ai saisi les rênes de l’entreprise familiale pour devenir enchérisseuse. C’est ainsi qu’aujourd’hui, je représente la troisième génération à embrasser cette profession », poursuit Shemida Ramdewar-Emrith. Sa détermination à préserver l’héritage familial l’a animée d’audace et de confiance dans ce nouveau rôle.
L’entrepreneuriat, elle adore ça !
Détentrice d’un MBA, et sur le point de compléter un deuxième Master en agronomie, elle s’est orientée vers les ventes aux enchères. Pourquoi ? « Je suis convaincue du potentiel économique et alimentaire de ce domaine », affirme-t-elle. Ainsi, depuis qu’elle a fait de cette profession son métier, chaque enchère représente pour elle l’opportunité de combiner une expertise pointue en agriculture avec son flair inné pour les affaires.
Et si elle n’était pas enchérisseuse, quel métier aurait-elle exercé ? « Enseignante ou Lecturer », s’esclaffe-t-elle. Shemida Ramdewar-Emrith précise qu’elle ne regrette pas son choix. Car elle adore l’entrepreneuriat !
D’ailleurs, dans ce secteur d’activité historiquement masculin, Shemida Ramdewar-Emrith n’a pas suivi la voie tracée par d’autres. « Tenace, j’ai appris à conduire un camion avec mon papa. Ce qui facilite maintenant mes déplacements et mon travail. »
Il n’empêche que son parcours dans le monde des enchères n’a pas été sans obstacles. Shemida Ramdewar-Emrith a dû surmonter les préjugés et les stéréotypes qui cherchaient à la cantonner dans un rôle traditionnellement masculin. Cependant, elle s’est fait entendre. « Je suis une vraie féministe », s’exclame-t-elle en riant.
Au fil des années, elle a acquis une expertise respectée de tous. « Mon expérience m’a conféré une connaissance fine et une intuition aiguisée pour évoluer dans cet univers compétitif. J’ai gagné le respect de mes pairs grâce à ma détermination inébranlable et à ma maîtrise approfondie du métier », indique l’enchérisseuse.
Son parcours atypique a abouti à sa nomination en tant que présidente des enchérisseurs de Maurice, il y a huit ans. Cette position prestigieuse n’est pas seulement le fruit de son expérience, mais aussi de son engagement indéfectible envers la profession et la communauté des enchérisseurs. Aujourd’hui, Shemida Ramdewar-Emrith incarne le changement et l’inspiration pour les générations futures. Son histoire témoigne également de la puissance de la persévérance, du savoir-faire et du désir de créer un impact positif.
Épouse, maman et « Nature Lover »
Mariée et mère d’un enfant, Shemida Ramdewar-Emrith jongle habilement entre ses responsabilités professionnelles et familiales, soutenue par son époux qui travaille dans le secteur bancaire. Chaque matin, elle se lève aux aurores pour se rendre aux enchères.
Ce n’est qu’à 14 heures qu’elle rentre à la maison pour dormir. Après s’être reposée, elle s’occupe de son enfant, fait la cuisine et passe du temps en famille, avant de reprendre le travail tôt le lendemain matin.
Si les mercredis et les dimanches, il n’y a pas de ventes à l’encan, ce n’est pas pour autant qu’elle ne travaille pas. Elle fait les comptes pour payer les anciens et les nouveaux planteurs ainsi que la quinzaine d’employés qui collaborent avec elle.
Et que fait-elle de son temps libre ? Ses yeux brillent lorsqu’elle évoque sa passion pour la cuisine, la lecture et la natation. Mais, c’est la randonnée au cœur de la nature qui la transporte vers un autre monde, où elle puise la paix et l’énergie pour affronter les défis du quotidien.
Sa mère, femme au foyer, joue également un rôle crucial en l’aidant à équilibrer sa vie personnelle et professionnelle. En plus de son travail d’enchérisseuse, Shemida Ramdewar-Emrith se distingue par son engagement social.
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