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Shaheen Abdul Carrim, directrice de RockFin : « Miser sur le Budget 2021-22 pour soigner le secteur financier » 

Plusieurs mesures annoncées pour le secteur financier dans le Budget 2020-21 ne se sont pas matérialisées. Dans cet entretien, Shaheen Abdul Carrim explique l’importance de renforcer le secteur à cause des incertitudes et de se pencher sur les défis liés aux listes préjudiciables à la juridiction mauricienne. 

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La présentation du Budget 2021-22 aura lieu dans quelques jours. Quelles sont vos attentes pour le secteur financier ? 

Le secteur financier, comme d’autres, est confronté à divers défis. Ceux-ci ne devraient pas s’estomper dans un proche avenir. Mais plusieurs mesures seraient appropriées dans la conjoncture. À commencer par une promotion intense de l’image de Maurice en tant que centre financier international, avec la collaboration de l’industrie et via l’utilisation du réseau diplomatique mauricien. Il faut désormais mettre davantage l’accent sur les pôles émergents, tels que l’Afrique. 

Les efforts devraient se concentrer sur la démonstration des produits mauriciens. Les opérateurs devraient se préparer davantage aux habitudes, aux cultures et aux pratiques commerciales de ces régions émergentes. J’insiste également sur le côté diplomatique pour la simple et bonne raison que nos excellentes relations avec d’autres juridictions jouent en notre faveur lorsqu’il s’agit de questions internationales. 

La pandémie a démontré à quel point les choses peuvent être incertaines dans tous les domaines de la vie et que le fait de se préparer à toute éventualité doit faire partie de la nouvelle normalité. Le secteur financier n’est pas épargné par la crise, bien que ce soit dans une moindre mesure. Ainsi, l’argent des impôts obtenu du secteur peut être partiellement  conservé comme une réserve – à travers un ratio établi – pour être utilisé plus tard comme un programme pour le secteur en cas de perturbation majeure pour amortir les secousses. Il est important de soigner le secteur financier qui génère une forte valeur ajoutée pour la communauté locale en termes de niveau de revenu, de création d’emplois et d’opportunités de croissance pour les professionnels locaux. 

" Maurice figure toujours sur la liste grise de la FATF et la liste noire de l’Union européenne "

Que recommandez-vous en matière de réglementation ? 

Il serait intéressant de miser sur une plus grande collaboration ou un meilleur dialogue entre les régulateurs et l’industrie en général sur l’application des nouvelles exigences de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Autrement dit, ce qu’il faut c’est une approche pour aider l’opérateur, tout en répondant à l’esprit de la loi et adaptable au nouvel environnement complexe et délicat. C’est le juste équilibre entre les aspects commerciaux et réglementaires. 

Lors du précédent Budget, le gouvernement avait prévu un montant de plus de Rs 100 milliards pour le plan de relance de l’investissement et de l’économie. Un des aspects de ce plan concerne la consolidation du secteur des services financiers à Maurice. Un an après, quelle est votre analyse par rapport à cet objectif ? 

Nous avons effectivement assisté à l’introduction d’une série de mesures et d’initiatives en ce sens. Le champ d’application de nos règles de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme a été élargi pour inclure des secteurs supplémentaires à risque. De même, les autorités déploient des efforts, avec les parties prenantes, pour répondre aux recommandations de la Financial Action Task Force (FATF) qui a valu une place à Maurice sur les différentes listes que nous connaissons. 

Un nouveau projet de loi, soit l’Anti-Money Laundering/Combatting the Financing of Terrorism (Miscellaneous Provisions) Bill, a été présenté, modifiant de nombreuses législations de manière significative pour rendre notre arsenal juridique plus apte à faire face aux nouveaux défis, entre autres. Maurice figure toujours sur la liste grise de la FATF et la liste noire de l’Union européenne. Nous avons été ajoutés à la liste des High-Risked Countries du Royaume-Uni. Ce serait utile de savoir si la bataille est la même pour quitter ces trois listes. 

Certains nouveaux secteurs sont désormais réglementés dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cependant, aucun programme de sensibilisation majeur n’est organisé en parallèle pour des secteurs comme l’immobilier, la bijouterie, le gambling, les services funéraires et les ONG, entre autres. La sensibilisation entraîne une bonne compréhension. Or, le manque de compréhension aura certainement un impact sur la volonté et l’engagement des opérateurs dans la mise en œuvre. 

L’accès approprié à la propriété effective doit encore se matérialiser. Cette mesure est liée à la transparence, désormais considérée comme une pierre angulaire de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cela, alors que l’identité réelle du bénéficiaire effectif des entités peut facilement être masquée à l’aide de structures complexes délibérées.  Il y a également le fait que les diversifications majeures du secteur ne se sont pas encore matérialisées. Nous n’avons pas encore vu certains produits innovants ou d’efforts dans cette direction, tels que la monnaie numérique de la Banque centrale ou encore l’Insurance Wrapper.

Ceci dit, il est clair que la pandémie a restreint le champ d’action et les résultats possibles. Nous devons néanmoins trouver notre chemin dans cette nouvelle normalité. 

" Les efforts devraient être dirigés vers la promotion de la compréhension entre les opérateurs "

Une des priorités du gouvernement était de continuer à s’assurer que la juridiction mauricienne est conforme aux normes et aux pratiques internationales recommandées. Le secteur peut-il se targuer d’avoir atteint cet objectif ? 

La juridiction a déployé des efforts louables pour harmoniser les normes locales avec celles pratiquées au niveau international. Cela concerne les initiatives juridiques, des mesures, des approches des régulateurs et l’élargissement de la portée des exigences locales de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Le travail dans cette direction se poursuit. 

Néanmoins, en matière de mise en œuvre, les nouvelles normes locales doivent résister à l’épreuve du temps. Elles doivent donc encore faire leurs preuves, au bénéfice du secteur. Comme je l’ai dit, les efforts devraient être dirigés vers la promotion de la compréhension entre les opérateurs, en particulier les nouveaux comme les opérateurs immobiliers, les bijoutiers, les opérateurs de maisons de jeu et autres. 

Ce sont les secteurs nouvellement concernés. Il ne suffit pas d’imposer une série d’exigences nouvelles qui n’est pas accompagnée d’une éducation et de consultations. Cela favorisera une bonne compréhension et assurera éventuellement une bonne application, conformément à l’esprit de la loi. Ce sont les ingrédients importants pour le succès des nouvelles normes applicables et donc de l’alignement de Maurice sur les normes mondiales. 

 

 

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