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Shafoonia, 94 ans: «Ma fille cancéreuse et moi sommes affamées et battues»

Qui a dit que la vie commence à 60 ans ? Pour certains, vieillesse rime avec enfer. Ce serait le cas de deux seniors – une mère de 94 ans et sa fille cancéreuse de 66 ans –, maltraitées par leur tutrice. Cette dernière est activement recherchée par la police. 250. C’est le nombre de cas de maltraitance envers les personnes âgées enregistrés depuis le début de l’année. Le dernier en date, consigné au poste de police de Phœnix, est celui d’une nonagénaire et de sa fille, âgée de 66 ans et atteinte du cancer. Les deux femmes seraient malmenées par leur tutrice qui est une proche de la famille. Des habitants de la localité avaient déjà alerté la police et la Sécurité sociale sur ce cas de maltraitance supposée.

708 cas en 2015

8 000 cas ont été traités par la Welfare and Elderly Persons’ Protection Unit, depuis sa création en 2006. Rien qu’en 2015, 708 cas de violence envers les personnes âgées ont été enregistrés. Depuis début 2016, 250 cas sont à déplorer. Une hotline est mise à la disposition des personnes âgées si elles estiment être malmenées. Elles peuvent appeler le 172 sept jours sur sept.

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Ils allèguent que mère et fille sont négligées par la tutrice et que, certains jours, elles n’ont pas à manger. « Cette dame les enferme dans leur maison et cadenasse le portail pour que personne ne puisse y accéder. Nous avons dû casser le cadenas pour aller leur donner à manger. Elles ont été privées de nourriture pendant plusieurs jours », déplore un habitant, sous le couvert de l’anonymat. Nous nous sommes donc rendus au domicile des présumées victimes, à Phœnix, pour rencontrer Shafoonia, 94 ans, et sa fille Sooyeeba, 66 ans. Les lieux respirent la pauvreté et la tristesse. Malgré son âge avancé, la nonagénaire, qui se déplace avec beaucoup de difficulté, veille sur sa fille qui a besoin d’un tube à oxygène pour respirer. C’est avec douleur que les deux femmes content leur malheur, à défaut de les compter.

Battues et privées de nourriture

« Nou anvi al dan kouvan misie. Nou pe pas boukou mizer isi. Nou gayn bate, nou pa gayn manze. Sa tifi la teign sa masinn oksizenn la, li dir : ‘To pay ar to kas sa ? Mo sey anpes li bat Sooyeeba, li zour mwa ek bat mwa, li ek so misie toulede », indique Shafoonia, qui est veuve. Elle confie avoir eu six filles avec son défunt mari. Cinq d’entre elles sont décédées. Il ne lui reste plus que Sooyeeba, l’avant-dernière de la fratrie. Comme un malheur ne vient jamais seul, les médecins lui ont diagnostiqué un cancer du poumon il y a quelques mois. La sexagénaire raconte que son état de santé empire chaque jour. Sooyeeba explique que sa mère et elle avaient été, à un certain moment, placées dans un couvent. Toutefois, à sa sortie de l’hôpital, où elle était admise pendant plus d’un mois, une de ses proches a décidé de les prendre en charge. Elles ont ainsi retrouvé leur domicile. Selon les deux femmes, à défaut de s’occuper d’elles jour et nuit – qui est un des rôles de la tutrice – tout porte à croire que cette « proche » avait plutôt en ligne de mire leurs pensions et allocations sociales. « Li finn pran nou kart pansyon ek nou kontra lakaz. Tou kitsoz ar li. Li pa donn nou kas. Kan dimounn donn nou, mem san roupi, li pran kas la ek nou », raconte Shafoonia.

Énième agression

Le dimanche 29 mai, confie-t-elle, sa fille et elle ont une fois de plus été malmenées et agressées par la tutrice. Ce jour-là, dans le courant de la journée, la police s’était même rendue chez les deux femmes après avoir reçu un appel lui indiquant que ces dernières seraient maltraitées. « Kan li vini aswar, li dir mwa : ‘To rod fer lapolis vinn ar mwa’. Li tap mwa kalot dan mo figir ek li demann mwa kan mo pou mor ? » C’est un proche qui, après avoir rendu visite aux deux présumées victimes, s’est rendu au poste de police de la localité, le mercredi 1er juin, pour porter plainte. Dans sa déposition, il allègue que la tutrice a, une fois de plus, agressé Shafoonia et Sooyeeba, dans la soirée de dimanche. Le sergent Runglall et une policière, sous la supervision du chef inspecteur Mahadahoo, se sont alors rendus chez les présumées victimes pour enregistrer leur déposition. À l’heure où nous mettions sous presse, la tutrice était activement recherchée par la police. Elle risque de faire l’objet d’une charge provisoire de illtreatement upon elderly persons.
 

Les deux femmes seront placées dans un couvent

L’Elderly Protection Unit, de la Sécurité sociale, s’est également saisie de l’affaire. Un officier s’est rendu chez Shafoonia et Sooyeeba, dans l’après-midi de jeudi, pour enregistrer leur plainte. L’on apprend que des démarches ont été enclenchées par la Sécurité sociale, afin de placer les deux femmes dans un couvent. Pour rappel, les autorités ont pris des mesures pour que les droits des citoyens les plus vulnérables soient respectés. Ainsi, une Welfare and Elderly Persons’ Protection Unit a été mise sur pied, en 2006, sous le Protection of Elderly Persons Act 2005, par le ministère de la Sécurité sociale. L’objectif est d’assurer la protection et le bien-être des personnes âgées. Il existe 20 cellules Elderly Watch à Maurice. Cette unité reçoit des plaintes de ceux qui réclament une protection ou une assistance. Elle prend les mesures qui s’imposent et organise des campagnes de sensibilisation sur les droits des personnes âgées. La loi prévoit des sanctions contre tous ceux trouvés coupables de maltraitance envers les personnes âgées. Les contrevenants sont passibles d’une amende de Rs 5 000 à Rs 10 000 s’ils ne se présentent pas suivant la convocation des autorités.
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