Interview

Shafick Osman : «Le plus grand défi de Pravind Jugnauth est de rendre les gens heureux»

Shafick Osman

Le Docteur en géopolitique affirme que le timing pour la passation des pouvoirs entre sir Anerood et Pravind Jugnauth a surpris plus d’un. Toutefois, Shafick Osman croit que la tâche du leader du MSM en tant que chef de gouvernement sera énorme. Le nouveau PM, dit-il, aura à œuvrer pour ramener le ‘feel good factor’ au sein de la population.

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Pensez-vous que le timing de la passation des pouvoirs entre sir Anerood et Pravind Jugnauth est le bon ?
Le timing a pris tout le monde de court même si on devait s’attendre à cette passation cette année, voire l’année prochaine. Cela a eu un effet de surprise, même auprès des membres de la majorité gouvernementale, si j’ai bien compris. Je ne sais pas qui a eu cette idée aussi rapidement, mais c’est clair que c’est une stratégie bien calculée pour avoir le moins d’obstacles et de réactions négatives possibles, entre la démission de l’ancien Premier ministre et la nomination du nouveau chef de gouvernement.

Toujours est-il qu’aucun autre Premier ministre n’a été sous une telle pression au moment de son accession à ce poste. Est-ce un sérieux handicap pour lui ?
Ce n’est pas une situation idéale pour tout nouveau Premier ministre, mais Pravind Jugnauth devra désormais composer avec – il n’a pas d’autre choix, de toute évidence !

Il va devoir prouver qu’il dispose des compétences nécessaires pour ce poste…
La tâche du nouveau Premier ministre est énorme, très difficile dans les circonstances présentes, mais pas insurmontable. Cela dit, à mi-mandat, tout gouvernement est dans le creux, c’est le moment le plus difficile. Il reste maintenant à Pravind Jugnauth de faire ses preuves, comme vous le dites, mais surtout de s’assurer qu’il y ait « rezilta lor rezilta » (sourires). Et ces résultats devront être communiqués de la meilleure façon qui soit au plus grand nombre et il faut que cela soit palpable pour que le feel good factor revienne pour le bien des Mauriciens…

Quels sont les défis qu’il doit relever au plus vite ?
­­­Je crois bien que le top des priorités est l’emploi durable et je précise bien le qualificatif « durable », car l’emploi précaire, temporaire et les petits boulots ici et là ne riment pas avec stabilité, chose si importante pour les ménages, les individus et pour la société même.

La deuxième priorité, selon moi, est l’eau. Si les gens de certains quartiers et de certaines régions n’ont pas d’eau suffisante – je ne parle même pas d’eau 24h/7 ici - pour se laver, faire la vaisselle, la lessive, la cuisine etc., il y aura de gros problèmes sociaux qui pourraient déboucher sur d’importantes crises politiques aussi.

J’ai écouté Yousouf Ismael, à la télévision, ainsi que le responsable de la Water Resources Unit… Mais quelle déception ! Ils comptent que sur la pluie comme ressource en eau et semblent négliger l’option de dessalement, à grande échelle, tout en ignorant l’option de water-from-Air…

«Le MMM n’a que deux options soutenables : s’allier avec un Parti Travailliste « déramgoolamisé » ou se joindre à un énième rassemblement de la grande famille militante»

Et jusqu’à la fin de son mandat ?
Le plus grand défi de Pravind Jugnauth jusqu’à la fin de 2019, quand les élections devront avoir lieu, est de rendre les gens heureux. S’il réussit, il sera le Premier ministre aimé de la nation mauricienne. Mais pour y arriver, il faut avoir un plan précis et une mise en application rigoureuse. C’est aussi un très grand défi.

Redoutez-vous que Roshi Bhadain puisse lui donner du fil à retordre ?
Bien entendu, comme opposant et connaissant bien « la cuisine interne », il fera feu de tout bois et sera redoutable, médiatiquement tout au moins. Sur le terrain, il est bien trop tôt pour se prononcer…

Comment analysez-vous la décision de Roshi Badhain de prendre ses distances du gouvernement pour lancer son parti politique ?
Il avait dit, à sa première conférence de presse, mardi dernier, qu’il lancera son parti politique dans deux semaines et puis par surprise, il le lance trois jours après ! On peut dire qu’il ne perd pas de temps. Il a lui-même dit qu’il ne se retrouvait plus dans le gouvernement et c’est tout à fait naturel qu’il s’en aille. Mais la façon dont il est parti nous a aussi pris par surprise… Décidément, c’était une semaine de surprises politiques !

Est-ce que le PTr et le PMSD ont réussi leur coup, vendredi, à travers la manifestation pacifique ?
Mi figue-mi raisin. Cela aurait pu être pire pour eux, à mon avis, mais ils ont réussi malgré tout à réunir quelque 2 000 personnes, selon ce que j’ai lu dans les médias. Ce n’est pas énorme, mais pas négligeable non plus...

Est-ce que la décision de Paul Bérenger de ne pas participer à cette manif compromet la cohésion entre les partis de l’opposition ?
Oui et non. Oui, car les circonstances qui ont mené le MMM et le MP à se séparer du PMSD et du PTr ne sont pas très honorables, selon leurs dires, mais non, car au Parlement, il se pourrait qu’il y ait une entente quelconque, car le facteur Navin Ramgoolam est absent à l’Assemblée nationale…

Quand Paul Bérenger refuse d’être aux côtés de Navin Ramgoolam, trace-t-il la voie d’une éventuelle alliance MSM-MMM ?
Non, pas nécessairement, mais cela dit, le MMM a très peu d’options pour les prochaines législatives. Il est très héroïque de dire que le MMM « pou al tousel » etc. mais c’est manifestement une option suicidaire.

Il n’y a que deux options soutenables, à mon avis : que le MMM s’allie avec un Parti Travailliste « déramgoolamisé », avec le PMSD potentiellement en appui, ou alors le parti mauve se joint à un énième rassemblement de la grande famille militante, avec le MSM, le ML (Collendavelloo devra être soigneusement ménagé dans ce cas), le MP et leurs dissidents respectifs, avec Bérenger propulsé à la présidence, après Ameenah Gurib-Fakim, avec la responsabilité des Affaires étrangères, y compris les dossiers Chagos et Tromelin auxquels il faudra ajouter, St-Paul et Amsterdam…

 

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