Des commerçants font fi de l’interdiction de la vente de jouets pour adultes (sextoys). En effet, ils les proposent au marché noir, via les réseaux sociaux, à un prix exorbitant. Le Défi Plus a voulu connaître le mode opératoire de ces importateurs qui évoluent dans un cercle très fermé.
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Un commerçant de sextoys, approché par Le Défi Plus à travers le réseau social Facebook, explique : « C’est de plus en plus difficile d’introduire ce genre de produits et une baisse des prix est impossible. D’ailleurs, je n’en ai pas assez pour répondre à la demande, d’autant que souvent les douaniers les confisquent… » Il dit avoir créé un catalogue codé de ces jouets pour adultes. On y trouve des ‘Powerful G-Spot Vibrator’(pénis en matière synthétique qui vibre), ‘Geisha Balls’ (collier avec des boulles qu'on s'insère), ‘Adult Finger’ (un doigt en silicone qui vibre), ‘Silicone Dildo’ (un pénis en silicone), etc. Le moins cher est à Rs 1 200 pour les vibrateurs, suivis des ‘Silicone Dildos’ à Rs 1 900.
Il commercialise ses jouets uniquement à travers la Toile. Lors de l’achat, le client annonce le code et le tour est joué. La livraison des produits se fait à Port-Louis, à proximité de la gare du Nord et dans les régions des Plaines-Wilhems. « Je transporte ces objets dans mes valises, je ne cache rien aux douaniers lors des fouilles, dit-il. Si ça passe, tant mieux, sinon ils saisissent tout. » La douane a récemment saisi plus de Rs 40 000 de ces marchandises dissimulées dans un conteneur en provenance d’Asie. Du fait, selon les douaniers les ‘sex toys’ sont interdits à toute commercialisation à Maurice
« Les objets sexuels, commercialisés à Maurice, proviennent principalement de la Chine et la Thaïlande, les importateurs rusent d’ingéniosité, indique l’un d’eux, sollicité à travers les réseaux sociaux. Si certains dissimulent les produits dans leurs valises, d’autres privilégient les colis postaux et les cargos. Dans la pratique, les sextoys sont dissimulés en grandes quantités dans d’autres marchandises mais aussi dans des bateaux cargos et, là, il y a moins de risque de saisie, car les fouilles se font au hasard et la douane ne dispose pas de chiens renifleurs pouvant détecter la présence de ces produits. » Ce dernier mécanisme est « couramment employé » par les importateurs locaux et c’est ainsi que le marché noir bat son plein. Notre interlocuteur soutient : « Ce sont les risques de l’importation et la rareté de sextoys sur le marché qui pousse à vendre ces sextoys à un prix exorbitant ici. »
Des douaniers, sollicités sous le couvert de l’anonymat, confirment que l’importation des jouets pour adultes est strictement contrôlée à l’aéroport. Les passagers sont soumis à une salve de questions s’il arrive que « plusieurs objets sexuels sont trouvés en leur possession ». S’ils n’ont pas de raison plausible, ces produits sont immédiatement saisis et détruits en un mois. Notre source de la douane précise : « C’est différent par la voie maritime, car la zone portuaire est immense mais nous suspectons que des sextoys sont dissimulés dans les conteneurs en provenance de la Chine et la Thaïlande. Une ou deux boîtes en carton contenant des jouets pour adultes peuvent facilement être placées entre une cargaison d’ustensiles de cuisine. Les produits passeront inaperçus, car les fouilles des conteneurs se font ‘at random’, à moins d’avoir de forts soupçons sur un conteneur. »
« Une clientèle grandissante »
Sur environ un mois, nous avons approché un autre commerçant de jouets pour adultes. Plus réticent, il accepte ensuite d’en parler. Il est basé dans la région de Beau-Bassin. Il commercialise ses produits à travers les réseaux sociaux et pas moyen d’obtenir une réduction ! Il a, entre autres, des ‘Silicone stap with vibrator’ (de 18 cm) à Rs 2 500 et sans vibrateur à Rs 2 000. Les dildos en silicone sont épuisés… Il est évasif sur les astuces employées pour l’importation tout en affirmant : « Il y a une clientèle grandissante pour les sextoys à Maurice et c’est ‘first come, first served’. Une cargaison arrive dans quelques semaines. »
Déclaration d’un magistrat en 2015 : «La société a évolué»
Les sextoys ne peuvent être considérés comme des objets obscènes visant à corrompre les gens décents. C’est ce qu’avait laissé entendre le magistrat Navish Jheelan, de la cour de district de Pamplemousses, dans une décision rendue le 11 décembre 2015 et disculpant Veejay Kumar Ooriah, un pharmacien. Ce dernier, qui était représenté par Me Dick Ng Sui Wa, était accusé de « dealing with obscene matter ». Des « sextoys » avaient été saisis à l’enseigne du pharmacien le 20 juillet 2013. La poursuite avait brandi l’argument selon lequel ces objets étaient de caractère obscène. Ce qu’avait réfuté l’accusé. Donnant une définition du terme « obscène », le magistrat avait déclaré que les sextoys ne pouvaient pas être perçus comme des objets obscènes dont le but était de corrompre des gens décents. Il avait ajouté que « la société a évolué ».
Axe Asie du sud-est/Maurice : des ruses pour faire pénétrer les sextoys
La douane a beau crier à la « contrebande », la demande pour les sextoys est « en hausse » à Maurice. Des commerçants emploient toutes sortes d’astuces pour l’importation à grande échelle. Ils privilégient la voie maritime, soit le couloir entre les pays d’Asie du Sud-Est et Maurice. Ils parviennent à dissimuler leurs produits malgré le contrôle « rigoureux de la douane ». D’autres, plus rusés, utilisent les grosses cargaisons pour faire… pénétrer les sextoys.
« Le trafic des jouets pour adultes est assuré par des contrebandiers expérimentés, souligne Vivekanand Ramburun, le directeur des douanes. Il faudra mener une enquête et mettre sur pied des opérations de détection pour cibler ce type de cargaisons. Or, les sextoys ne sont pas importés en grande quantité pouvant être repérés. » Mis devant les faits, concernant le commerce illégal des jouets pour adultes sur les réseaux sociaux, le directeur de la douane, répond : « Je ne suis pas au courant que ce type d’objets passaient entre les filets des douaniers. »
Interdiction à la commercialisation, non à l’importation
La section 86 du Code pénal stipule qu’une personne a le droit d’importer un nombre « raisonnable » (1 ou 2) de sextoys si le produit est destiné uniquement à l’usage personnel. La commercialisation du produit est cependant interdite par la loi. Toute personne trouvée coupable de vente de sextoys risque une peine d’emprisonnement (sous une charge de ‘dealing with obscene matters’), n’excédant pas 10 ans, ou d’une amende n’excédant pas Rs 100 000. Par ailleurs, la douane et la police se réservent le droit d’interroger tout individu qui importe (ou qui commercialise) des jouets pour adultes à Maurice. Si ce dernier ne peut fournir des explications, l’objet sera confisqué, analysé et ensuite détruit. Par ailleurs, la Consumer Protection (Control of Imports) Regulations de 2017 du ministère du Commerce interdit aussi l’importation et l’exportation de sex toys.
Les contrôles remis en question
Dissimuler 20 sextoys dans un conteneur, c’est facile. C’est ce qu’affirme un responsable à la Mauritius Revenue Authority (MRA). « Pourtant, les contrôles sont minutieux à la douane : chaque colis et chaque cargaison sont inspectés mais les contrebandiers sont des finauds. » Selon nos recoupements d’information, les commerçants de sextoys sont souvent des importateurs d’autres objets. Ils en profitent donc pour dissimuler « quelques jouets » dans leurs cargaisons. Les soupçons se tournent vers la dissimulation de ces jouets parmi d’autres. La source souligne que certains importateurs cachent des objets illicites, dont des sextoys, dans des cargaisons de jouets ou d’équipements et ils passent inaperçus.
« Impossible d’importer des sextoys par voie postale »
L’autre façon d’introduire ces jouets, c’est dans les valises. Ils peuvent passer pour des tubes de parfum ou des brosses à cheveux et ils ne sont pas détectés par les chiens renifleurs. Les douaniers veillent au grain. D’autre part, un responsable de la Mauritius Post Ltd. assure que c’est impossible d’importer des sextoys par voie postale. «Chaque colis est inspecté par la douane avant d’être livré et passe aussi par un scanner. »
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