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Sextorsion : l’arme fatale virtuelle

Sextorsion

Photos obscènes, messages indécents, harcèlement sexuel via téléphone portable, vidéos pornographiques, chantage. Quand la technologie devient un outil de harcèlement et de persécution... Bienvenu dans le monde de la cybercriminalité.

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Le milieu politique a été secoué, le mois dernier, par un scandale sexuel baptisé par les internautes comme «  l’affaire lalangue » et qui a fait le buzz sur Facebook. Cela, après les échanges de vidéos et de messages coquins entre un PPS et une demoiselle. Un mois plus tôt, en août, la Cybercrime Unit de la police, en collaboration étroite avec le Federal Bureau of Investigation (FBI), a procédé à l’arrestation d’un certain David Kevin, 27 ans, habitant de Cité Barkly, pour sextorsion. Il est soupçonné d’avoir fait des victimes dans plusieurs pays, pas seulement à Maurice. La police a répertorié trente-cinq victimes mauriciennes. Son mode opératoire : sous différents pseudos, il a incité des mineures à lui envoyer des photos d’elles nues via la webcam.

La police enregistre un nombre croissant de plaintes de sextape et de sextorsion. Les victimes sont, pour la plupart, des femmes, comme une femme mariée, une maîtresse ou une petite amie. Après la rupture d’avec leur mari ou petit ami, elles sont victimes d’un acte malveillant, souvent par jalousie. Des photos ou vidéos compromettantes des victimes, prises dans la plus stricte intimité, se retrouvent sur les sites de réseaux sociaux tels que Facebook ou même sur YouTube.

Les conséquences sont souvent dramatiques : chantage, harcèlement, tentative de suicide. Citons le cas de Sarah, 32 ans, une mère célibataire de Rose-Hill, qui fréquentait un homme depuis deux ans. Elle avait fait sa connaissance sur Facebook et avait projeté de se mettre en concubinage avec lui. Souvent, le couple échangeait des sextos. Au début de 2017, elle a décidé de quitter son copain parce qu’il était plutôt coureur de jupons. Il n’avait aucune intention de se marier avec elle. Il voulait juste passer de bons moments.

N’arrivant pas à digérer cette rupture, l’ex-copain a décidé de se venger. Il a menacé Sarah de diffuser ses vidéos et ses photos osées sur Facebook, si elle ne se réconciliait pas avec lui. Dénoncé à la police, il s’en est sorti avec un « severe warning ».

La sextorsion

Ils sont nombreux, les Mauriciens et les Mauriciennes qui ont été victimes des nouveaux escrocs, qui surfent sur la Toile à la rencontre de jeunes femmes, les poussant à des jeux érotiques devant la webcam avant de les faire chanter. Depuis quelque temps, des internautes nous ont  signalé qu’il y avait un réseau local de cyber-escrocs exerçant du chantage sur des Mauriciennes prises dans des situations intimes derrière la webcam.

Si l’arnaque à la webcam laisse les victimes dévastées par la honte et la contrainte de vivre dans la  peur de représailles, la police a du mal à remonter la Toile pour traquer les auteurs  de cette cyber-escroquerie qui vient, souvent, d’outremer.

Il y a trois semaines, Suraj (prénom fictif), un fonctionnaire de 38 ans, a fait une mauvaise rencontre sur la Toile. Depuis, il vit dans l’angoisse. Il dit qu’il ne peut pas porter plainte à la police par peur de se faire arrêter pour s’être exhibé sur le Net. Une situation très embarrassante pour lui, en raison de son statut familial.

Il raconte comment il a fait la connaissance de Natasha (prénom fictif), âgée 28 ans, sur le site de chat et de rencontres sur Badoo. Ils se sont engagés dans des conversations à connotation sexuelle. Un jour, elle lui a demandé de se déshabiller et de montrer ses parties intimes sur la webcam. Ils se sont livrés à des caresses virtuelles.

Peu après, il a reçu un lien qui l’a dirigé vers un site contenant une vidéo de 45 secondes le montrant dans des postures indécentes. La vidéo était accompagnée du message suivant : « Pu envoye to femme to vidéo. Ek lor facebook pu met to vidéo, mové maniac. To bizin donne Rs 25  000. Sinon to film pu jouer. »

Douze ans de cela

Tout commence en 2005. Un clip porno mettant en scène une étudiante de 16 ans et quatre étudiants fait fureur à Maurice. C’est le premier clip X amateur Made in Mauritius diffusé sur les portables via Bluetooth. Cette vidéo a été filmée avec un cellulaire portable. Depuis, une quinzaine d’autres clips pornographiques tournés à partir de cellulaires portables  ont été mis en circulation. Douze années après, avec la prolifération des téléphones cellulaires équipés de la technologie dernier cri, certains ont trouvé un excellent moyen pour filmer leurs ébats pour ensuite les montrer à leurs amis dans le but de se vanter de leurs prouesses sexuelles. Pour ce faire, certains piègent leurs amantes. Celles-ci ne sont pas toujours au courant que leurs parties de jambes en l’air sont filmées, alors que d’autres sont consentantes. Aujourd’hui, le sextape local est en passe de devenir une histoire banale pour certains.

Le phénomène sexting

Avec le smartphone à la portée de toutes les classes sociales et l’accessibilité à l’Internet,  le sexting est devenu un phénomène mondial. Il est apparu en 2014 aux états-Unis avant de gagner le monde entier, y compris Maurice. Le concept de sexting (ou sexto dans le jargon local), c’est d’envoyer un texto à caractère sexuel, parfois accompagné d’une photo, à travers des applications comme WhatsApp ou Viber. Il peut aussi être accompagné d’une vidéo de courte durée. 

Beaucoup de sites internet montrent gratuitement comment envoyer un bon sexting bien épicé. Une étude réalisée en 2016 par l’American Psychological Association révèle que huit adultes sur 10 ont pratiqué le sexting en 2015. Ce qui explique que cette pratique est plus répandue qu’on le pensait.


La différence entre sextorsion et sexting

L’inspecteur Bhundoo souligne la différence entre la sextorsion et le sexting. « Quand deux adultes consentants font du sexting, l’homme envoyant des messages à sa copine et vice-versa, il n’y a pas de délit. Mais s’il y a du sexting entre un(e) adulte et un(e) mineur(e), c’est un délit. On n’est pas supposé d’avoir une communication de nature sexuelle avec un(e) mineur(e). »

Quant à la sextorsion, il est question de chantage sous la forme de demande d’argent ou de faveur sexuelles.

Bref, le sexting n’est pas de la sextorsion et la sextorsion n’a rien à voir avec le sexting.


Robin Bhundoo - Detective Inspector, Cybercrime Unit : «Une amende de Rs 1 M par photo»


Comment la sextorsion prend-elle forme ?
Dans la majorité des cas, la personne qui se livre à la sextorsion via les réseaux sociaux commence d’abord par créer un faux profil. C’est déjà un premier délit sous la Section 4 de Computer Misuse sous la Cybercrime Act de 2003. Si la personne passe aux menaces, fait du chantage, elle commet une breach of ICTA sous la section 46 (h).

Derrière, il peut y avoir une ou plusieurs personnes...
Il peut aussi y avoir des allumeuses. Avec l’amendement apporté, il est possible que ces personnes soient incriminées également. Il est mentionné que, si une personne envoie une photo ou une vidéo pouvant causer une détresse, c’est un délit.

Tous les moyens utilisés sont-ils condamnables ?
Auparavant, commettre un tel délit via Bluetooth n’était pas passible de poursuite sous l’ICTA ; maintenant il l’est. Pas juste Bluetooth, la personne peut être poursuivie si elle commet un délit via WhatsApp aussi.

Quelles sont les sanctions ?
La pénalité est de Rs 1 million par délit, c’est à dire pour chaque photo ou message expédié. Pour chaque délit, la personne incriminée sera passible d’une peine d’emprisonnement ne dépassant pas cinq ans.

Ce genre de cas est entendu devant la cour intermédiaire. Le magistrat pourrait ordonner la saisie de l’ordinateur ou tout autre dispositif ayant servi pour commettre l’offense, d’après la Section 47 de l’ICTA (peu importe si la personne a acheté son laptop, ordinateur, tablette ou téléphone à crédit et soit toujours en train de le rembourser).

Le magistrat pourrait aussi condamner le coupable à payer  Rs 30 000 par message obscène. S’il y a dix messages de ce genre, cela fera une somme conséquente. C’est à la personne d’assumer sa responsabilité. Si elle ne peut pas payer l’amende, ce sera la prison.

Nous croyons savoir que les sanctions ne s’arrêtent pas là...
La cour peut aussi demander à tout fournisseur de dispositifs électroniques (téléphone, carte SIM...) et d’Internet de ne pas accorder de service à la personne incriminée. Le magistrat déterminera de la période.

Il est bon que le public sache que toutes les photos ou vidéos envoyées par quelqu’un à partir d’un appareil électronique ne peuvent pas être effacées. On pourra déterminer à quelle heure, quelle date elles ont été envoyées par la personne incriminée. Ce seront des preuves solides contre elle.


Pravesh Behari - Inspecteur, Cybercrime Unit : «La personne derrière la sextorsion privilégie trois W»

À la Cybercrime Unit, des officiers sont formés à ce qu’on appelle l’ethical hacking. Le but est de sécuriser un système pour empêcher quelqu’un(e) de devenir victime de la sextorsion.

«  La première chose qu’on apprend, c’est apprendre comment le hacker fait de la foot printing and reconnaissance de sa cible, procède à une évaluation (son âge, son travail, son statut, ses numéros de contact, le numéro de sa maison, les lieux que la cible fréquente, le groupe d’âge qu’elle souhaite fréquenter, ses préférences sexuelles, etc). Toute personne commet une grave erreur en divulguant des informations personnelles sur les réseaux sociaux. Sans que personne ne la force », explique l’inspecteur Pravesh Behari.

Il révèle qu’à la Cyber-crime Unit, on prend en considération trois choses que la personne malveillante prend en compte, elle aussi.  « En anglais, on appelle cela the three Ws: Women, Wealth, Wine. Les trois faiblesses de l’homme (ou de la femme). Trois faiblesses qui, quand elles se versent sur le sexe, sont exploitées, individuellement ou non, par celui ou celle qui pense à faire de la sextorsion », déclare-t-il.

L’inspecteur explique que, pour séduire sa victime, le hacker créera un faux profil sur les réseaux sociaux. Si la cible aime les filles âgées d’une vingtaine d’années, il pourrait faire appel à une fille facile ou encore une prostituée pour créer le faux profil, afin de se faire passer pour un top model. Pour avoir la confiance de la future victime, le « top model » commencera par se déshabiller en premier. Puis, il ou elle demandera à l’autre de faire de même. Avant d’aller plus loin...

Sensibilisation et Conseils

L’inspecteur Beeharry explique que la police mène une campagne de sensibilisation à propos de la sextorsion. « Nous la faisons à travers la presse, des médias, les réseaux sociaux . Le QG a sa page sur Facebook. Ainsi, le grand public est averti des types d’offenses et de tout ce qui est lié à la sextorsion. »

Ses conseils : « Tous ceux et celles qui ne sont pas encore victimes de sextorsion, écoutez les conseils prodiguées par les autorités compétentes. Prenez en compte les campagnes de sensibilisation menées par la Cybercrime Unit à travers les médias ou dans les collèges et les compagnies privées ou encore dans les ministères. »

« Tous ceux ou celles qui sont déjà victimes, cessez de donner de l’argent. Si vous ne l’avez pas encore fait, ne le faites pas. Qu’est-ce qui vous garantit que la personne malveillante cessera de vous demander de l’argent par la suite ? Il vaut mieux arrêter de le faire dès maintenant, si vous avez déjà commencé. Ignorez ses menaces complètement. Dites-lui : Je m’en tape complètement. Fais ce que tu as envie de faire. »

 

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