Services publics : les options pour redresser la Central Water Authority

cwa Plusieurs employés de la CWA n’ont pas droit à des heures supplémentaires même s’ils travaillent au-delà des heures officielles.

Le fonctionnement de la Central Water Authority est sujet à bien de critiques depuis plusieurs années et, s’il y a bien un point sur lequel il y a unanimité, c’est que cet organisme doit impérativement être réformé. Si le projet de partenariat stratégique proposé par le ministère de tutelle peine à convaincre, il y a d'autres options qui pourraient aussi mener à un meilleur fonctionnement.

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La Central Water Authority (CWA) est plus que jamais à la croisée des chemins. Souvent pointée du doigt pour sa qualité de service ainsi que pour sa gestion des projets qui engendrent régulièrement des variations financières et des retards, la CWA est appelée à revoir son fonctionnement. La seule proposition formulée par Ivan Collendavelloo, ministre des Services publics et de l’Énergie porte sur le fait de confier la gestion de la CWA à un opérateur privé à travers un contrat d’affermage. Une proposition qui ne convainc pas et qui devrait d’ailleurs être rejetée par le gouvernement.

Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a, lors du meeting du 1er mai, affirmé que d’autres options seront discutées dans ce processus de réforme pour la CWA. S’il n’y a, à ce jour, eu aucune nouvelle autre proposition de réforme, plusieurs personnes interrogées au niveau du top management de la CWA sont convaincues que les mesures ne manquent pas pour améliorer la performance de l’établissement.

La CWA est plus que jamais à la croisée des chemins.

Une des options contemplées par plusieurs membres du Top Management et des Senior Engineers, est d’appliquer la même structure que le Central Electricity Board (CEB). « La structure du CEB garantit une meilleure indépendance à son conseil d’administration, ce qui n’est pas forcément le cas au niveau de la CWA », explique un cadre de la CWA. Il propose que la CWA ne soit plus régie par le Pay Research Bureau (PRB) et prône la mise en place d'un mécanisme qui incitera les employés à avoir un meilleur rendement au travail. « Plusieurs employés de l’établissement n’ont, par exemple, pas droit à des heures supplémentaires, alors qu’ils sont régulièrement appelés à travailler au-delà des heures officielles. Sans compter que la grille salariale de la CWA n’est pas motivante. Un Senior Engineer se retrouve avec un salaire entre Rs 45 000 et Rs 50 000. Avec de tels salaires, c’est compliqué de retenir nos meilleurs employés et d’attirer de nouveaux talents. En revanche, au CEB, un technicien peut, avec des heures supplémentaires, aspirer à un bien meilleur salaire », avance cette même source au Top Management de la CWA.

Contract Management

Autre option qui mériterait d’être étudiée, selon plusieurs sources à la CWA, est de faire appel à un Contract Management. La différence avec la formule proposée par Ivan Collendavelloo est qu’à travers cette formule, l’opérateur qui sera recruté se contentera uniquement de gérer les opérations de la CWA et n’aura pas son mot à dire concernant la politique du tarif d’eau. Une proposition pour laquelle le député du Mouvement patriotique (MP), Alan Ganoo, se dit en faveur.

« À travers une telle formule, l’opérateur s’assurera de gérer la CWA pendant une période définie et sera moins longue que celle proposée par la Banque mondiale qui préconise un contrat de 15 ans », fait ressortir Alan Ganoo, qui a aussi été ministre des Services publics et de l’Énergie entre 2000 et 2005. Loin d’être un partisan du projet d’affermage, il fait d’ailleurs ressortir que le gouvernement MSM/MMM avait, en 2000, résilié le contrat de deux compagnies françaises, Suez Lyonnaise des Eaux et Vivendi. Un contrat avait été signé le 16 août 1999 et était censé être réalisé en deux étapes. La première étant une période d’essai de six mois à trois ans durant laquelle toute la procédure de privatisation devait être menée à terme. La deuxième étape consistait à confier le fonctionnement général de la CWA à une entreprise privée pour une durée de 30 ans.

« Nous n’étions pas d’accord avec les conditions dans lesquelles ce contrat avait été signé et il y avait trop d’opacité », fait-il ressortir. Le député de Savanne/Rivière-Noire (no 14) se dit en faveur d’une fusion de différentes institutions se trouvant sous la tutelle du ministère des Services publics et de l’Énergie. C’est-à-dire, un merger entre la CWA, la Wastewater Management Authority (WMA) et la Water Ressource Unit (WRU). « C’est un projet qui aiderait à mieux rationaliser les ressources de la CWA, mais le seul bémol avec un tel projet est que cela risque de prendre du temps », ajoute-t-il.


 

Les raisons du projet d’affermage, selon la CTSP

Le projet de partenariat stratégique pour la CWA est aussi contesté par les organisations syndicales. C’est la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP) qui s’est jusqu’ici le plus opposé à ce projet. Reeaz Chuttoo, un des dirigeants de la CTSP, explique que c’est dans l’uniquement but d’obtenir des faveurs auprès du Trade Services In Agreement (TISA) que le gouvernement est en train d’ouvrir les portes de la CWA au secteur privé. « La TISA offre à ses pays membres des avantages comme la circulation libre des travailleurs à travers le monde. Et offrir une telle facilité à son peuple peut être un véritable jackpot électoral. Sauf qu’il faut, en contre-partie, se souscrire à certaines conditions, comme confier la gestion de la CWA qui assure la distribution d’une commodité essentielle au public mauricien », explique-t-il.


 

Augmentation du prix de l’eau

Le projet enterré

La dernière augmentation du prix de l’eau remonte à 2012. C’était à l’époque du Dr Rashid Beebeejaun qui était responsable du dossier des Services publics sous le gouvernement PTr/PMSD. Le prix de l’eau avait, à l’époque, connu une hausse de 35 %. Cette annonce avait fait polémique, car cette elle intervenait en pleine période de sécheresse et les coupures d’eau devenaient de plus en plus drastiques.

C’est plus tard, sous le gouvernement de l’Alliance Lepep que le débat avait été relancé, soit en 2016. Le ministère des Services publics avait, en effet, mandaté la CWA de travailler sur de nouveaux tarifs, mais ce n’est qu’en 2018, soit le 28 mars, que le No 2 du gouvernement, Ivan Collendavelloo, a officiellement annoncé une hausse.

Il avait affirmé que le dossier avait déjà été finalisé et qu’il attendait le feu vert du Conseil des ministres avant de tout rendre public. Le ministre avait aussi pris le soin de préciser que cette hausse n’allait pas être déraisonnable et ferait de sorte que ceux qui sont au bas de l’échelle ne subissent pas de hausses drastiques dans leurs factures. Cependant, au gouvernement, on affirme avec certitude au PMO que ce projet a été enterré.


Harry Boolauck, ex-directeur de la CWA : «La solution se trouve à l’intérieur de la CWA»

Plusieurs députés et autres observateurs s’accordent à dire que la situation à la CWA va de mal en pis. Partagez-vous cet avis ?
La situation est clairement en train d’empirer. Cela en grande partie à cause de la situation financière qui y prévaut. Le principal problème à la CWA c’est le tarif qui y est pratiqué. Il est indéniable que les tarifs de la CWA doivent être revus, sauf que le gouvernement s’y oppose souvent pour des raisons purement politiques. En revanche, au CEB, les tarifs sont augmentés plus fréquemment. À chaque fois que le débat concernant l’augmentation des tarifs refait surface, l’opposition va proposer que la CWA améliore d’abord ses infrastructures et, de l’autre côté, la CWA va dire qu’elle ne dispose pas des fonds nécessaires. Ce qui me fait penser à l’histoire de la poule et de l’œuf.

Quel est le problème de la CWA, selon vous ?
C’est bien évidemment les pertes d’eau. Il y a 50 % d’eau que la CWA perd en raison de la mauvaise qualité de son réseau. Plusieurs tuyaux de la CWA sont complètement périmés. Certains des tuyaux datent de plus de 100 ans. Et, pour tout remettre à neuf, cela implique des investissements massifs.

Avoir recours aux services d’un opérateur privé serait donc pertinent, vu le contexte dans lequel est en train d’opérer la CWA…
À mon sens, non. Je connais bien le système de la CWA. Il faut surtout bien comprendre les raisons qui sont en train de pousser le gouvernement à se débarrasser de la CWA. C’est tout simplement pour ne pas être pointé du doigt lorsque l’opérateur décidera d’augmenter le prix de l’eau. Le gouvernement n’aura dans ce cas de figure qu’à jeter le blâme sur l’opérateur.

Fondamentalement, c’est le gouvernement qui a choisi de recruter un opérateur…
Le gouvernement peut toujours contourner ce souci de conscience à travers l’Utility Regulatory Authority (URA). Si l’opérateur propose par exemple une hausse de 50 %, la URA peut proposer 40 %. À travers cela, le gouvernement tentera de prouver qu’il a eu à cœur l’intérêt public.

Quelle solution pour redresser la barre à la CWA ?
Je pense que la solution se trouve à l’intérieur même de la CWA. Je suis convaincu que la CWA dispose des compétences nécessaires pour redresser la barre. Je suis persuadé que les ingénieurs de la CWA sont tout autant qualifiés que les experts étrangers qu’on veut recruter. Il faut cependant impérativement revoir les conditions salariales des ingénieurs. Un des problèmes sur lequel il faudrait impérativement se pencher c’est le remplacement des compteurs qui pourrait permettre à la CWA de générer bien de revenus.

 

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