Sentinelles postées chez les ministres : ils déplorent les conditions de travail

Un policier de garde mordu par un berger allemand chez le ministre Anil Gayan. Un autre se fait cracher dessus chez le ministre Sudhir Sesungkur. Les agents de l’ordre assurant la garde chez des ministres sont-ils en sécurité ? Constat.

«Banla larg lisien dan lakour. Zot bien pa kas latet ar nou. » Propos désabusés du constable Chandradeo Sambiah,  mordu par un chien. Il assurait la garde au domicile du ministre du Tourisme, Anil Gayan, à Forest-Side, Curepipe. Depuis jeudi, les langues se délient.

Au sein de la police, ils sont nombreux, les agents à exprimer leur mécontentement. Ils protestent contre les conditions dans lesquelles ils doivent exercer leur mission de sentinelle chez des personnalités de l’État. « Ils mettent un policier juste pour ouvrir et fermer leur portail. Ce travail de portier doit cesser », disent-ils.

Par peur de représailles, c’est sous couvert de l’anonymat que des policiers nous ont donné leurs témoignages. Un agent posté à Curepipe raconte qu’outre chez le ministre Gayan, dans le passé, ses collègues et lui avaient une peur bleue quand ils étaient postés en sentinelle chez un ancien ministre résidant à Floréal. « Des chiens dangereux étaient lâchés et circulaient librement dans la cour du ministre, sans qu’il ne tienne compte du fait que notre vie était en danger », déplore ce policier. « Dès que j’étais informé que je devais assurer la garde chez ce ministre, je commençais à stresser. Cela me perturbait affreusement avant même d’aller au travail. »

Selon ces mêmes policiers, il n’y a pas que leur sécurité physique qui est menacée par les « chiens méchants », qui constituent un facteur stressant et effrayant. Il y a aussi les conditions d’hygiène et de confort du poste (Sentry Box) qui laissent beaucoup à désirer. « Ce poste, cette boîte, est un lieu très étroit. En hiver surtout, il y fait très froid et il n’y a aucun autre lieu pour se réfugier et se protéger du froid de l’hiver », explique notre interlocuteur.

Et ce n’est pas tout ! Certains policiers se voient contraints de satisfaire leurs besoins pressants dans la nature. « Vous n’allez pas me croire, mais vu que les toilettes de ce ministre – il habite en face d’un champ de cannes - étaient très éloignées de notre poste, nous devions nous soulager dans les champs de cannes », peste cet agent.

Si les policiers ont pour mission d’assurer la sécurité des personnalités de l’État, qui est donc chargé de veiller à la sécurité des policiers ? Outre le policier mordu par le berger allemand, un autre agent s’est fait cracher dessus chez le ministre de la Bonne gouvernance, Sudhir Sesungkur, en juin dernier.

Un des proches collabora-teurs du ministre aurait craché sur le policier suite à un accrochage verbal entre les deux hommes, en l’absence du ministre. Un incident qui entraînera l’arrestation du suspect Ganesh Niko pour agression sur un agent de l’ordre.

Le constable Chandradeo Sambiah, lui, n’est pas près d’oublier la mésaventure de jeudi. Il a subi plusieurs morsures du berger allemand du ministre. « J’avais quitté mon poste pour refermer le portail. Soudain, le chien m’a attaqué et il s’est acharné sur moi.

Je suis tombé par terre et je n’ai pas eu le temps de m’enfuir. J’ai lutté de toutes mes forces pour éviter ses crocs, mais en vain. Le berger allemand m’a mordu aux bras », nous a confié la victime. C’est le fils du ministre qui est venu à la rescousse du policier et qui a réussi à maîtriser la bête.