Selven Govinden est un membre du Cannabis Legalization and Informative Movement (CLAIM), association qui mène un combat pour la légalisation du cannabis à Maurice. Son but c’est d’éduquer le public et d’engager des débats se basant sur des recherches et des statistiques internationales.
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Selon vous, pourquoi la légalisation du gandia peine à être acceptée à Maurice?
Il y a des lobbies qui font pression pour empêcher le gouvernement de légaliser le cannabis. Il y a aussi la peur que le business pharmaceutique ne coule si jamais le cannabis est utilisé à des fins médicinales.
Est-ce la mentalité de certains qui force le gouvernement à reculer ou est-ce ce dernier qui forge l’opinion publique ?Je dirai les deux. Il y a des gens qui ne savent pas ce qu’est le cannabis.
« On peut imiter les Pays-Bas et le Portugal en légalisant le cannabis. Il y aura davantage de contrôle et cela affaiblira la mafia de la drogue. »
À ce jour, aucune étude n’a prouvé que le cannabis est dangereux ou mortel, contrairement à la cigarette et à l’alcool. Ces personnes font pression à travers des associations socioculturelles, par exemple. De l’autre côté, le gouvernement forge l’opinion publique. Entre-temps, la drogue dure gagne du terrain. Il faut adopter d’autres mesures que la répression pour résoudre ce problème, tout comme l’a fait le Portugal.
Comment cela se passe au Portugal ?
Il y avait de gros problèmes de drogue dure dans le pays avant 2001. Plus de 50 % des héroïnomanes étaient atteints du Sida. De plus, le gouvernement faisait l’amalgame entre dealers, trafiquants et consommateurs. Les prisons étaient remplies et coûtaient beaucoup au pays. Depuis, le gouvernement portugais a décidé de mettre sur pied une commission. Une des recommandations de cette commission a été de traiter les drogués comme des malades. Par la suite, l’État portugais a dépénalisé le cannabis et la drogue. Il a renoncé aux mesures répressives. Depuis 2001, la commission publie chaque cinq ans un rapport.
Quelles ont été les retombées de ces mesures ?
Quinze ans après, le résultat est impressionnant. La consommation de cannabis et de drogue dure a chuté. Cela prouve que la dépénalisation et la légalisation du cannabis est un moyen de contrôler sa consommation. Le but, c’est de le mettre hors de la portée des enfants.
Comment peut-on introduire ce modèle à Maurice?
Nous pouvons modifier ces mesures et les adapter à Maurice. La Law Enforcement Action Partnership des États-Unis a prouvé que la répression n’a pas de grands résultats. Il faut une approche qui permet de contrôler la consommation et la vente du cannabis. Il faut le légaliser.
Comment la légalisation bénéficiera-t-elle à Maurice?
Du point de vue économique, si une personne dépense Rs 200 par jour pour se procurer du cannabis, à hauteur de 100 000 fumeurs, cela fait Rs 20 millions par jour. Sur une année, c’est Rs 7,3 milliards qu’empoche la mafia. La taxe récoltée sur cet argent aurait pu atterrir dans la caisse de l’État. Le cannabis est aussi un médicament naturel contre beaucoup de maux. On peut imiter les Pays-Bas et le Portugal en légalisant le cannabis. Il y aura davantage de contrôle et cela affaiblira la mafia de la drogue. Il ne faut pas oublier que le cannabis est consommé par ceux de la haute sphère de la société, mais il y a une sorte d’hypocrisie à ce sujet.
On dit souvent que les toxicomanes ont débuté par la cigarette pour ensuite se tourner vers le gandia?
En 1983, lorsque le Brown Sugar a fait son apparition, il y a eu une vaste campagne de marketing par les dealers pour sortir les jeunes du cannabis et les rendre accros à la drogue dure. Avant cela, les jeunes fumaient du gandia et étaient heureux. D’ailleurs, durant la période coloniale, le gandia circulait presque librement. Il n’y avait pas de problèmes liés au cannabis, car n’importe qui pouvait le cultiver. L’arrivée du Brown Sugar a tout changé. Les dealers ont montré à des jeunes comment se l’injecter et ont créé de pénuries artificielles de cannabis pour pousser les jeunes à se tournervers les drogues dures. Même aujourd’hui, nous pouvons voir que la cigarette et l’alcool rendent les gens plus dépendants que le cannabis.
La route du gandia retracée
« La Route du gandia à travers le monde et notre rébuplique ». C’est le titre du livre publié par Cannabis Legalization and Informative Movement (CLAIM). Il retrace les origines du cannabis dans le monde et à Maurice. L’ouvrage situe les origines du cannabis avant notre ère et cite des passages de la Bible et d’autres livres sacrés comme la Gita et les Vedas.
Le cannabis a fait son apparition à Maurice avec l’arrivée des coolies. Le décret de 1880 a rendu le gandia illicite. Toutefois, il a continué à circuler quasi-librement jusqu’à ce que Maurice obtienne son indépendance. Depuis, la loi a été appliquée avec plus de rigueur. Selon les auteur de « La Route du gandia à travers le monde et notre rébuplique », la criminalisation du cannabis a profité à la progression de l’héroïne, dans le années 1980.
L’ouvrage fait également le contraste avec d’autres pays et parle de la culture rastafari à Maurice.
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