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Sel: un goût amer

Les salines ne feront bientôt plus partie du paysage de l’Ouest, avec un projet immobilier en gestation. Le rideau tombe sur une industrie vieille de 60 ans, au lendemain des grands discours sur l’économie bleue... 12 h 30. Tamarin. La route menant au village du Morne est déserte. La chaleur est insoutenable. Nous longeons les salines de la famille Maingard où les petits cristaux de sel sont éblouissants sous les rayons du soleil. Nous arrivons à destination. Le maître des lieux est Marc de Ravel, directeur de la compagnie Mont Calme Ltée, qui possède deux salines à Tamarin et à Petite-Rivière-Noire. Les salines de Tamarin sont quasi-abandonnées. Ici et là, un peu d’eau stagne dans les bassins. Des seaux vides sont empilés près des unités de stockage et des pelles  jonchent le sol. Une guide de la boutique nous confie que la situation est catastrophique. « Une trentaine d’employés travaillaient dans les deux salines. Ils se sont retrouvés sur le pavé en septembre. Quel sera notre sort ? » s’interroge-t-elle. Frédéric Guillemin, un touriste français de 46 ans, vient de faire le tour des salines. C’est son troisième séjour, mais sa première visite à ce site. « C’est impressionnant. Les salines ont été érigées sur plusieurs hectares. Je salue ces femmes qui portent des seaux de 60 kilos sur la tête », dit-il. « J’ai du mal à imaginer que ces salines vont fermer. La production de sel à Maurice est une activité importante. De plus, ces salines font partie du patrimoine. Difficile d’imaginer le pays sans ces monuments. » À Petite-Rivière-Noire, les salines sont érigées face au Lux* Resort de Rivière-Noire. Elles ont cessé leurs opérations il y a deux mois. Les bassins sont vides. Ne subsiste plus qu’un résidu craquelé. Marie Florine Georges, mère de famille de 38 ans, est désespérée. « J’ai bossé dur pendant huit ans dans ces bassins, à ramasser le sel. Il y a cinq ans,  j’ai tout laissé tomber pour faire autre chose. Les salines de Petite-Rivière-Noire étaient une aubaine pour les villageois. Notre  boulot était à deux pas de la maison. On avait l’occasion de rapporter des grains de sel le soir », dit-elle avec le sourire. « De toute façon, c’est leur terrain. Les propriétaires en font ce qu’ils veulent. Mais il serait bon qu’ils dédommagent leurs employés. La vie doit continuer. » Dans les salines de la famille Maingard, nous rencontrons Sylvio. Il est soudeur. À ses heures perdues, il aide sa femme Sabrina à ramasser le sel, tous les deux/trois jours. «Je trouve désolant qu’une partie des salines disparaissent. Elles datent de plus d’un demi-siècle et ont contribué au développement du pays. Qui à Maurice ne connaît pas les salines de Tamarin ? Des étrangers viennent de partout pour admirer ce panorama unique. Certains font des vidéos,  d’autres des clichés le jour de leur mariage», indique-t-il. Sabrina, elle, s’inquiète surtout du sort des employés qui se retrouvent sans emploi. « Le ramasseur de sel accomplit une tâche aussi dure que celle d’un coupeur de canne. On travaille sous un soleil de plomb, on porte des seaux sur la tête. J’espère que les syndicats sauront négocier pour ces personnes licenciées », poursuit-elle.

Une trentaine de licenciés

La fermeture des salines de Petite-Rivière-Noire et d’une partie de celles de Tamarin laisse une trentaine d’employés sur le pavé. Devanand Ramjuttun, représentant de la Salt Pans Workers Union, qualifie ce licenciement « d’injuste et arbitraire ». [blockquote]Selon lui, «les employeurs n’ont pas respecté les dispositions de la loi. Ils n’ont donné que des préavis verbaux aux travailleurs. Le gouvernement devrait protéger ce secteur.»[/blockquote]

Un projet immobilier à la place

La famille de Ravel, propriétaire d’une partie des salines de Tamarin et de Petite-Rivière-Noire veut y bâtir un centre commercial, une aire de parking et un complexe résidentiel. Ce projet immobilier couvrira 70 % de la surface des salines. C’est l’importation du sel de Chine qui aurait mis cette entreprise familiale en difficulté.

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Marc de Ravel, directeur des salines: «Nous avons vainement tenté de sauver nos activités»

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"3455","attributes":{"class":"media-image alignright wp-image-2915 ","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"397","height":"486","alt":"Marc De Ravel"}}]]Quelle est la situation au sein des salines ? Mont Calme Ltd est engagée dans la production artisanale de sel depuis 60 ans. En 2012, la libéralisation de l’importation du sel nous a rendus de moins en moins compétitifs : le sel importé coûte moins cher. Aujourd’hui, nous ne sommes plus rentables. Nous avons dû procéder à des licenciements : la totalité des employés des salines de Petite-Rivière-Noire et 19 de celles de Tamarin. Nous nous sommes battus pour survivre. Hélas, nos pertes se sont accumulées. La direction de Mont Calme a rencontré les employés pour leur annoncer que leurs services n’étaient plus requis. Nous avons respecté les lois. Ces salines ne sont-elles pas un élément du patrimoine ? Pour de nombreux Mauriciens, quand on évoque l’Ouest de l’île, c’est l’image des salines qui vient à l’esprit.  Mais ce sont des terrains privés, un business familial, et ce lieu n’a jamais figuré sur la liste des monuments du patrimoine. Quel projet immobilier remplacera ces salines ? Nous communiquerons à ce sujet dès que le projet sera finalisé. Que pensez-vous de la résistance qui s’organise pour empêcher la fermeture des salines ? La direction de Mont Calme est attristée par cette situation. Nous avons tout tenté pour sauver nos activités. Le business du sel n’est plus rentable. Nous nous tournons donc vers un autre secteur d’activité. La Salt Pans Workers Union dénonce le licenciement de 33 employés. Votre réaction ? Mont Calme Ltd est un employeur responsable. Nous rassurons ces ex-employés, dont la plupart ont déjà un deuxième emploi : tout est fait dans le respect des lois mauriciennes. Les licenciés peuvent choisir une compensation ou s’inscrire au Workfare Programme.
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