Séjour mémorable : des seniors rodriguais racontent la ferveur papale

Leur séjour mauricien restera longtemps gravé dans leur mémoire et plus rien ne sera pareil lorsqu’ils refouleront le sol local. Pour cause, les seniors rodriguais, en ce moment à Rose-Hill, ont pu voir le pape François à Marie Reine de la Paix. Un événement historique car ils ne s’attendaient pas a une telle rencontre, durant la préparation de ce voyage en 2017.  

L’émotion est palpable lorsqu’ils en parlent. Cet après-midi, au centre récréatif James Burty David, à Pointe-aux-Sables, au retour d’un trajet dans le Sud de Maurice, l’évocation de la journée de lundi, leur noue la gorge, la bonne humeur le disputant avec un brin de fatigue. Mais, dans les têtes, l’événement de lundi est encore frais : comme pour  des dizaines de milliers d’autres personnes, baignant dans la même ferveur, ils ont assisté à la messe donnée par le pape François. Depuis l’arrivée du souverain pontife, ils sont restés collés aux nouvelles pour suivre ses déplacements, notamment au tombeau du Père Laval, dont c’était l’anniversaire. Lundi, au pied de la Montagne des Signaux, assis sur le trottoir, ils ont pris leur mal en patience pour voir l’homme en blanc, écouté sa parole. Pourtant, en 2018, lorsque leur association, le Groupe L’Esperance, domicilié à Grand La Fourchu, Corail, préparait ce voyage à Maurice, l’idée de vivre un tel événement n’avait  à aucun moment effleuré leurs  esprits.

Véritable cheville ouvrière de ce voyage à Maurice, Vinod Dookhit, District Representative de Lower Plaines Wilhems, la région la plus représentative (162 clubs, 13 000 adhérents), au Senior Citizen Council (SCC), se souvient encore de sa rencontre avec les membres du Groupe L’espérance. En  2017, durant une fonction du SCC à Rodrigues, il sympathise avec Sybile Rémy, 62 ans et présidente du Groupe L’Esperance. Le courant passe si bien qu’il propose aux membres de venir séjourner au centre récréatif de Pointe-aux-Sables. « On avait alors commencé à préparer nos membres pour ce voyage, le séjour au centre était surtout intéressant, raconte Sybile Rémy. On savait que tous les 71 membres ne pourraient pas venir à Maurice. Certains devraient rester à Rodrigues pour garder les bêtes, d’autres n’en avaient pas les moyens. Au final, seuls 20 personnes s’étaient inscrites. »

Demande de séjour au centre

En 2019, lors d’un deuxième séjour à Rodrigues,  Vinod Dookhit croise à nouveau Sybile Rémy, qui avait déjà en poche sa lettre de demande de séjour au centre. Plutôt que de la poster, elle la remet au Mauricien, qui va se charger du travail. 

« À Maurice, confie ce dernier, j’ai entrepris des démarches auprès du SCC et j’ai gardé le contact avec Sybile pour lui informer du développement de sa demande. À ce moment-là, on savait que la visite du pape était confirmée. » Le moment le plus extraordinaire, raconte Sybile, c’est lorsqu’on a su que notre séjour à Maurice coïncidera avec la visite du pape. « C’était quelque chose de merveilleux, inattendu. Les autres membres qui allaient faire le voyage n’en revenaient pas. Du coup, on s’est préparé pour un double événement », se rappelle-t-elle.

Les conditions de vie des seniors à Rodrigues ne sont pas aussi dégradées comme à Maurice. 

Avec un séjour de 5 nuits au centre récréatif de Pointe-aux-Sables, alors que seulement 2 jours sont accordés, la tournée mauricienne ne pouvait pas mieux commencer. Certes, la plupart d’entre eux sont déjà venus à Maurice, d’autres y ont des parents, mais lorsqu’à l’agenda de ce séjour est inscrite la présence du pape sur le sol mauricien, le voyage prend alors un tout autre sens. « Avec tout notre argent, on n’aurait jamais pu voir le pape. Par ailleurs, ce sont souvent les grandes personnalités qui peuvent se rendre au Vatican », fait observer Sybile, qui comme ses compatriotes, avait aussi assisté à la visite du Pape Jean-Paul 11 à Rodrigues. Mais, concède-t-elle, le pape François  possède, lui, une aura particulière, étant plus proche des petites gens et plus sensible à leurs misères.

Construction du Metro Express

Joseph Richelin, un des sept hommes faisant partie du groupe, éprouve la même sensation à l’égard du pape François, «  dont le visage transmet une véritable humilité». Après le pèlerinage au tombeau du Père Laval et la messe dite par le pape à Marie Reine de la Paix, il s’intéresse à la construction du Metro Express, dont il suivait déjà la progression à Rodrigues. 

« C’est un gros développement, reconnait-il. C’est une bonne chose pour l’image de Maurice, ça montre que le pays avance. »

Durant leur séjour, hormis les sorties à la plage, les Rodriguais vont profiter pour faire du shopping, notamment des vêtements, une commodité qui, à Rodrigues, est plus chère et manque de diversité. Pour le reste, ils font attention à la dépense, certains termineront le séjour dans une ‘guest house’ à Rose-Hill, d’autres iront habiter chez leurs proches.

Si les conditions de vie des seniors à  Rodrigues ne se sont pas aussi dégradées comme elles le sont à Maurice, c’est sans doute parce que les jeunes éprouvent encore du respect à leur égard, et parce la réalité socio-économique de l’ile leur permet de rester actifs et de gagner leur vie. « Mais aujourd’hui, la plupart des jeunes a Rodrigues veulent un emploi dans le gouvernement », fait ressortir Joseph Richelin, 62 ans et lui-même fonctionnaire, avant d’indiquer qu’une bonne partie des jeunes vit encore selon les valeurs traditionnelles de l’île. Concernant la parité hommes/femmes, il explique que les normes sociales ne sont pas un obstacle au mariage. « Il arrive qu’une femme bien éduquée épouse un homme qui lui est laboureur ou maçon, d’ailleurs les filles sont plus studieuses que les garçons. »  

Une fois à Rodrigues, le petit groupe a de quoi pour tenir la conversation. « Il faudra tout raconter à la famille, aux voisins, aux amis, il faudra donner des détails. Plus rien ne sera pareil», se réjouit déjà Sybile.