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Secteur pharmaceutique : l’importation parallèle de médicaments continue de diviser

Siddique Khodabocus, président des petits et moyens importateurs.

L’importation parallèle est-elle légale ? Est-ce à l’avantage des consommateurs ? Il n’y a pas de consensus dans le secteur pharmaceutique, alors que la Competition Commission s’est prononcée en faveur de cette pratique. 

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Ceux qui plaident en faveur de l’importation parallèle en parlent comme d’un « remède » potentiel à la cherté des médicaments et pour une plus grande concurrence sur le marché. Les autres mettent en avant les risques associés à une telle pratique pour la santé des patients. L’année dernière, la Competition Commission s’est prononcée en faveur de l’importation parallèle, évoquant ses avantages potentiels. 

Siddique Khodabocus, président des petits et moyens importateurs, abonde dans le même sens. Il souligne que les patients ont ainsi accès à un choix de produits à un meilleur prix.  « L’importation parallèle n’est pas illégale », rappelle-t-il. « les produits ont eu l’autorisation des autorités concernées pour leur mise sur le marché. Un produit ayant déjà obtenu un Intellectual Property Right (IPR) du ministère de la Santé peut être vendu dans le pays sans problème. » 

Il précise que les médicaments arrivant par le circuit de l’importation parallèle ne sont pas contrefaits. Ils sont produits par le même laboratoire basé dans un autre pays et sont distribués à travers un agent autorisé.

Au dire du président des petits et moyens importateurs, les gros importateurs de médicaments utilisent divers arguments pour avoir le monopole du marché. « Ils mettent en avant l’absence de traçabilité pour empêcher l’importation parallèle. » Or, Siddique Khodabocus affirme que le producteur est responsable de la fabrication de son produit : « Un laboratoire qui a donné ses produits doit être responsable de la pharmacovigilance et de la traçabilité. »

Des arguments que réfutent deux importateurs sous le couvert de l’anonymat. L’un considère que l’importation parallèle est illégale, car tous les laboratoires ont un accord eu égard à la pharmacovigilance. Si un produit a des effets secondaires, il y a une traçabilité et il est retourné au fournisseur pour des analyses, et il en assume la responsabilité. « Si un produit passe par une autre filière pour arriver à Maurice, qui va en assumer la responsabilité, surtout s’il y a mort d’homme ? » demande-t-il. « Ici, c’est la loi de la jungle, les règlements ne sont pas respectés. Quoique, avec le recent scandale de l’achat de Molnupiravir, les autorités semblent resserrer la vis. » 

L’autre importateur le rejoint sur ce point. Néanmoins, il estime que « l’importation parallèle » n’est pas le terme adéquat. Il préfère parler de « codistribution » avec des accords bien établis par le fournisseur, qui peut décider d’avoir deux représentants dans l’île. « La Competition Commission ne représente pas la loi. Ceux qui veulent faire de l’importation parallèle s’appuient dessus pour obtenir gain de cause », estime-t-il.

Ces deux importateurs s’accordent à dire que « c’est un faux argument que l’importation parallèle est en faveur des consommateurs, car les prix sont gouvernés par le ministère du Commerce ». 

Possible pénurie sur le marché ?

Au dire de Siddique Khodabocus, certains importateurs ne peuvent dédouaner leurs produits. Une situation, prévient-il, qui pourrait aboutir à une pénurie de médicaments sur le marché dans les semaines à venir. Le ministère de la Santé a été sollicité sur cette question, en vain. Et Siddique Khodabocus de préciser : « le ministère de la Santé tarde à donner les autorisations pour l’importation et le dédouanement des produits. De ce fait, les importateurs sont nombreux à attendre ». Et cela, bien qu’ils aient initialement obtenu l’autorisation d’importer ces médicaments. Le président des petits et moyens importateurs déplore ce qu’il qualifie de lenteur administrative.

Les réserves de la Pharmaceutical Association of Mauritius

Selon la Pharmaceutical Association of Mauritius (PAM), il est assez difficile de mettre en place l’importation parallèle. « Il y a un contrôle par rapport aux produits qui entrent sur le marché. Ils doivent avoir un certificat de bioéquivalence (même concentration de principes actifs dans un médicament pour avoir les mêmes effets que le produit original) », explique-t-on.

Il y a des médicaments qui sont dans le circuit de l’importation parallèle et qui sont déjà enregistrés auprès du Pharmacy Board. Cependant, en raison des difficultés concernant la traçabilité, l’association n’est pas forcément en faveur de cette pratique pour l’instant. « Si l’importateur peut prouver la traçabilité, que c’est aux mêmes normes que le produit original, il n’y a pas de problème. S’il n’a pas tous les documents nécessaires, c’est plus difficile d’assurer la traçabilité. »

De plus, indique-t-on, « il n’y a pas un Central Testing Laboratory pour s’assurer de la qualité des médicaments qui arrivent à Maurice ». Ainsi, pour la PAM, en l’absence dudit laboratoire, « il faut procéder avec beaucoup de précautions ».


Deshmuk Kowlessur, directeur exécutif de la Competition Commission of Mauritius : «La restriction de l’importation parallèle peut réduire la concurrence»

deshmukQue pensez-vous de l’importation parallèle de médicaments ? 
Dans son rapport 2021 de l’étude du secteur pharmaceutique à Maurice, la Competition Commission a souligné les avantages potentiels associés à l’importation parallèle de produits pharmaceutiques. Compte tenu du régime actuel d’épuisement de la propriété intellectuelle adopté à Maurice, il est à la discrétion des propriétaires de marques déposées de refuser leur consentement à l’importation parallèle de produits pharmaceutiques enregistrés.

La restriction de l’importation parallèle peut limiter la concurrence et entraîner une discrimination au niveau des prix au détriment des clients. En d’autres termes, la restriction de l’importation parallèle peut potentiellement réduire la concurrence, en ne permettant pas à d’autres distributeurs d’importer et de fournir le même produit.

Un régime qui autorise l’importation parallèle à tendance à stimuler la concurrence en ayant plus d’un distributeur pour le même produit. Cela peut mener à une concurrence au niveau des prix au profit des consommateurs.

Dans le même temps, le rapport de la Competition Commission souligne que les autorités concernées et les décideurs politiques doivent évaluer et veiller à ce qu’un cadre institutionnel et juridique adéquat soit mis en place pour prévenir les divers risques pour la santé et la sécurité liés à la chaîne d’approvisionnement, les questions de responsabilité découlant de ces risques, et le risque accru de produits contrefaits.

Outre le prix, dans quelle mesure cela peut-il être en faveur des consommateurs ? 
Comme souligné, l’importation parallèle a pour effet de favoriser la concurrence par les prix et d’ouvrir le marché à de véritables sources d’approvisionnement. Il est, cependant, important que les cadres institutionnel et juridique adéquats soient conçus pour minimiser certains risques en termes de sécurité, de qualité et de traçabilité.

Quels sont les paramètres qui devraient être mis en place, afin d’éviter l’importation des produits frauduleux, le trafic ou le blanchiment d’argent ? 
Le rôle et les pouvoirs de la Competition Commission concernent la promotion de la concurrence, en enquêtant sur les pratiques commerciales potentiellement restrictives et en supprimant les obstacles à la base. Facilitant ainsi l’entrée de nouveaux opérateurs, ce qui accroît la concurrence sur le marché.

L’intervention de la Competition Commission dans la régulation de la concurrence sur le marché est dans l’intérêt ultime des consommateurs en termes de prix, de qualité et de niveau de service. Il existe des autorités mandatées pour examiner les problèmes de produits contrefaits et de blanchiment d’argent.

 

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