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Secteur manufacturier : la baisse de compétitivité de Maurice impacte les exportations

Les recettes d’exportation se chiffrent à Rs 104 milliards en 2023.
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Les exportations de biens devraient diminuer de 1,7 % cette année selon les dernières projections de Statistics Mauritius. Le ralentissement que connaît ce secteur n’est pas propre à Maurice.

Kendall Tang, directeur  de RT Knits.
Kendall Tang, directeur 
de RT Knits.

Les exportations de biens et de services ont enregistré une augmentation de Rs 30,8 milliards en 2023 pour atteindre Rs 347 milliards. Alors que les exportations de biens ont dépassé les Rs 100 milliards en 2022 et 2023, le ministre des Finances a, lors de son grand oral du Budget 2024-25, souligné l’ambition de porter les exportations de biens à Rs 150 milliards par an. Selon les chiffres publiés par Statistics Mauritius, les exportations totales ont augmenté de 2,8 % en avril 2024 par rapport au mois précédent et de l’ordre de 14,4 % relativement à la période correspondante de 2023. Statistics Mauritius anticipe que les exportations totales prévues pour 2024 vont se chiffrer à environ Rs 104 milliards, soit le même niveau qu’en 2023. Pour sa part, Maurice Stratégie table sur une hausse des exportations de biens dans une proportion inférieure aux prévisions initiales. 

Dans sa dernière publication de National Accounts, le bureau des Statistiques prévoit que les exportations de biens et services augmenteraient de 3,3 % pour atteindre Rs 359,3 milliards en 2024, contre Rs 347,8 milliards l’année dernière. En termes réels, cela représente une augmentation de 0,5 % après une croissance de 0,6 % en 2023. Les exportations de biens diminueraient de 1,7 %, contre une baisse de 12 % en 2023, tandis que les exportations de services vont grimper de 1,4 % après une croissance de 6,9 % en 2023. Lilowtee Rajmun-Jooseery, directrice de la Mauritius Export Association (MEXA), n’est pas étonnée du ralentissement qui est d’actualité dans le secteur d’exportation mauricien. Elle souligne que le secteur de l’exportation a connu une forte reprise après la pandémie de Covid-19, avec des croissances supérieures de 10 %. « C’est normal que l’on enregistre une baisse cette année, en raison du ralentissement sur le marché international. Il y a également un surstockage chez les clients », dit-elle.  

La reprise après la pandémie n’a pas duré en raison de certaines mesures prises par le gouvernement qui ont impacté les coûts des opérations"

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Lilowtee Rajmun-Jooseery, directrice de la Mauritius Export Association. 

En sus d’une demande mondiale au ralenti, Kendall Tang, directeur de RT Knits, concède qu’associés avec l’inflation et la perte du pouvoir d’achat, les consommateurs dans les pays développés achètent avec beaucoup plus de précautions. Il fait comprendre que la baisse de demandes entraîne plus de compétition entre les fournisseurs. « C’est l’offre la plus concurrentielle qui va se distinguer. Il y a un problème de compétitivité à Maurice qui est influencé par le coût des opérations », ajoute-t-il. Face à cette compétition qui devient de plus en plus féroce, Lilowtee Rajmun-Jooseery craint que l’année 2024 soit difficile dans tous les sous-secteurs de la famille d’exportation. 

La galère des PME

Ainsi la reprise après la pandémie n’a pas duré en raison de certaines mesures adoptées par le gouvernement qui ont impacté le coût des opérations. Manoj Juddoo, Directeur général de Chemise Bellvill, déplore le manque de visibilité concernant les prochaines commandes. « Nous ne connaissons pas les nouvelles mesures qui seront, par commandes. « Nous ne connaissons pas les nouvelles mesures qui seront, par exemple, introduites en janvier prochain. Nous nous sommes positionnés sur des marchés niches. Cependant, la hausse dans le coût de production ne permet pas de dépasser le seuil demandé par les clients », explique-t-il. Par conséquent, cela risque d’entraîner la perte de clients pour certaines PME. Ce serait un nouveau coup dur, alors que les exportations de Chemise Bellvill ont chuté. Pour cause, la PME a été contrainte de passer l’augmentation des coûts d’opération sur ses prix de vente. « La prérogative revient au client d’accepter ou pas cette hausse. Le soutien financier accordé par la Mauritius Revenue Authority (MRA) est très erratique », poursuit-il. 

Certains opérateurs font le choix de s’implanter ailleurs. Afin d’éviter que d’autres n’emboîtent le pas, Manoj Juddoo suggère des mesures visant à maintenir les coûts. « Comment pouvons-nous planifier nos commandes alors qu’il y a eu trois hausses salariales en une année ? Nous ne pouvons revoir nos prix une fois l’émission du bon de commande », fait-il ressortir. 

Le Budget 2024-25 adresse-t-il les défis des entreprises engagées dans l’exportation. À cette question, Lilowtee Rajmun-Jooseery explique qu’il faut se « réjouir des mesures budgétaires pour le secteur. Celles-ci ont été travaillées avec la MEXA et elles tendent à une croissance durable pour le secteur de l’exportation ». 

 Les mesures budgétaires ciblant le secteur d’exportation

Introduction d’une Export Manufacturing Regulations sous l’Economic Development Board Act.
Objectifs : 

  • Définir une entreprise de fabrication de produits d’exportation comme ayant un minimum de 30 % de chiffre d’affaires à l’exportation. 
  • Créer un fonds de promotion des exportations doté d’un capital de départ de Rs 50 millions.
  • Créer un Export Development Council, composé de représentants des secteurs public et privé pour élaborer des stratégies d’exportation, y compris l’identification des produits et des marchés.
  • Prolongement du programme de l’Africa Warehousing Scheme jusqu’en 2027 avec extension au Kenya. 
  • Les Freight Rebate, Trade Promotion and Marketing, Export Credit Guarantee Schemes sont prolongés d’un an pour continuer à faciliter les exportations.
  • Les nouveaux exportateurs dont le chiffre d’affaires est inférieur à Rs 20 millions bénéficieront d’un remboursement accru de 40 % pour une période d’un an dans le cadre du Freight Rebate Scheme. 
  • Le Trade Promotion and Marketing Scheme inclura désormais la Nouvelle-Zélande.
  • Extension DBM Wage Support Scheme sur une période de 7 ans jusqu’en 2031. 
     

Les défis du secteur selon Kendall Tang

  • La production et la productivité. Il faut s’assurer d’être équivalent ou plus compétitif que les concurrents. 
  • Il faut être en conformité avec les attentes du grand public, du client et du consommateur final. Le monde est ouvert et l’information circule rapidement concernant notamment la prise de conscience environnementale et le droit des travailleurs, entre autres. Il y a une pression pour que les producteurs soient irréprochables. 
  • Le problème de la main-d’œuvre est lié à l’attente. L’aspiration d’un jeune d’aujourd’hui diffère de celui des années 1990. L’entreprise doit constamment adapter son modèle d’affaire en termes d’offres d’emploi à pourvoir. Cela inclut la façon de créer l’environnement de travail, la structure de l’entreprise et l’adaptation à cette ère moderne.     
  • Il faut un équilibre entre la main-d’œuvre étrangère et les ressources locales. Maurice a déjà atteint un niveau de développement où les jeunes ne voudront pas travailler comme opérateur. Ces emplois sont réservés aux expatriés. Par contre, il faut encadrer ces derniers et investir par exemple dans des projets de développement durable. Il faut de jeunes Mauriciens talentueux qui ont des connaissances dans ces domaines.

Questions à…

Sunil Boodhoo, directeur de l’International Trade au ministère des Affaires étrangères : «exploiter les nouvelles opportunités car les marchés traditionnels deviennent plus difficiles»

Qu’est-ce qui explique le ralentissement du secteur de l’exportation et le faible taux de croissance prévu pour cette année ?

Plusieurs raisons peuvent expliquer cela. La situation est conjoncturelle. L’économie mondiale n’avance pas sur des chapeaux de roues. Nos marchés importants d’exportation font face également à des défis. Il faut savoir que les exportations mauriciennes ont connu une hausse après la pandémie. Les gouvernements dans différents pays ont apporté un soutien financier à leur population. La pandémie avait frappé de plein fouet l’industrie du voyage. Les consommateurs s’étaient tournés vers l’achat des biens d’échange. Cependant, la vie a depuis repris son cours. Il y a une situation morose dans le monde. Nous savons les problèmes qu’il y a au Royaume-Uni ou en France, par exemple. La demande globale a diminué. 

La demande globale a diminué"

Quels sont les marchés qui se portent bien et où est-ce que les efforts consentis par Maurice doivent s’accentuer ?

Les marchés européens font face à des défis. Je parle ici de certains marchés traditionnels. Les performances de Maurice sur le marché africain sont meilleures. Ceci dit, la situation devrait se stabiliser, mais cela prendra un peu de temps. 

Les mesures annoncées dans le Budget 2024-25 vont-elles permettre de booster les exportations du pays ?

La mise en place d’un Export Development Council va dans ce sens. Il faut pouvoir faire des promotions ciblées surtout sur les nouveaux marchés. L’économie indienne progresse à l’inverse de celle de la Chine. Il y a de nouveaux marchés qui doivent être exploités. Cette démarche est en cours, mais nécessitera un peu plus de temps, car il nous faudra y exporter de nouveaux produits. Le développement de relations avec les importateurs de ces pays requiert du temps. Nous devons également mettre les conditions nécessaires en place. L’exportation de produits agricoles passe par exemple par une satisfaction des mesures sanitaires. Maurice avait à titre d’exemple accueilli des experts chinois qui ont effectué des « pest risk assessments ». La Chine est un gros marché pour l’exportation de litchis et d’ananas. Il faut au préalable que nous complétions certaines procédures. Nous devons donc exploiter les nouvelles opportunités alors que les marchés traditionnels deviennent de plus en plus difficiles.  

 En chiffres

Des exportations inférieures de 1,4 %
Le total des recettes d’exportation en 2023 s’est élevé à Rs 104 milliards, soit une baisse de 1,4 % par rapport au chiffre de Rs 105 milliards enregistré en 2022. Cette baisse peut être attribuée aux réductions des « Produits manufacturés classés principalement par matière » de 13 % et des « Articles manufacturés divers » de 9,4 %. Les exportations nationales ont diminué de Rs 61 milliards en 2022 à Rs 60 milliards en 2023.
Premier trimestre 2024

  • Produit total des exportations : Rs 23 milliards (+9,6 % par rapport aux Rs 25 milliards du trimestre précédent). 
  • « Produits manufacturés classés principalement par matière » : (-22,3%)
  • « Articles manufacturés divers » : (-10,1 %)
  • «Provisions de bord et soutes » : (-7,4 %) 
  • « Aliments et animaux vivants » : (-4,1 %)
  • « Produits chimiques et produits connexes : (+4,1 %)

Par rapport au premier trimestre de 2023

  • Exportations totales du premier trimestre 2024 : baisse de 8,4 % 
  • “Produits manufacturés classés principalement par matière” : (-27,8 %)
  • “Articles manufacturés divers” : (-14,7 %) 
  • “Aliments et animaux vivants” : (-4,2 %)
  • “Provisions de bord et soutes” : (+22,2 %) 
  • “Produits chimiques et produits connexes : (+13,4 %)

Les prévisions de Maurice Stratégie pour 2024/25

  • Taux de croissance nominal du Produit intérieur brut (PIB) : 13,4 % 
  • Taux de croissance réel : 7 %

Quelques contributeurs au taux de croissance 

  • Consommation : (+2,30 pp) 
  • Tourisme : (+1,90 pp)
  • Investissement privé : (+1,60 pp)
  • Exportation de services : (+1,50 pp)
  • Investissement public : (+0,60 pp) 
  • Exportations de biens : (+0,50 pp)

Les exportations de marchandises 

  • 2024-25 : + 5 % 

Contribution à la croissance du PIB : 0,5 point de pourcentage

Les exportations de services (excluant le tourisme)

  • 2024-25 : + 1,5 point de pourcentage à la croissance du PIB

Croissance 2025 : 7 %

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  • salon

     

 

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