Secteur financier : l’ombre de l’affaire Adani plane toujours sur Maurice

Hindenburg Research revient à la charge 18 mois après l’éclatement de l’affaire Adani. Le centre financier mauricien est de nouveau cité comme renfermant d’obscurs fonds offshore cette fois liés à Madhabi et Dhaval Buch. 

Hindenburg Research ne ménage pas le groupe Adani. La société de recherche en investissement a lancé une nouvelle attaque contre Madhabi Buch, la présidente de l’autorité de régulation des marchés (SEBI). Hindenburg Research allègue que cette dernière et son mari avaient des participations dans d’obscurs fonds offshore utilisés dans le scandale du siphonnage de l’argent d’Adani.

Hindenburg Research ne passe pas par quatre chemins pour souligner dans son rapport que l’on puisse faire confiance à la Securities and Exchange Board of India (SEBI) en tant qu’arbitre objectif dans l’affaire Adani. « Nous pensons que nos conclusions soulèvent des questions qui méritent d’être approfondies. Nous sommes favorables à une plus grande transparence », y est-il mentionné. Pour cause, 18 mois après le rapport pointant du doigt le groupe Adani, le SEBI aurait, selon Hindenburg Research, démontré un étonnant manque d’intérêt pour le réseau présumé non divulgué d’entités mauriciennes et offshore d’Adani.  

Le rapport d’Hindenburg indique que le couple Dhaval et Madhabi Buch avaient des participations dans les deux obscurs fonds offshore utilisés dans le scandale du siphonnage de l’argent d’Adani. Le lien est fait avec les mêmes fonds offshore des Bermudes et de Maurice. Ceux-ci seraient contrôlés par Vinod Adani, le frère aîné du président du groupe, Gautam Adani. Cet argent aurait été utilisé pour faire transiter des fonds et gonfler le cours des actions. Ces investissements remonteraient à 2015, bien avant la nomination de Madhabi Buch en tant que membre à temps plein du SEBI en 2017 et son accession à la présidence de la SEBI en mars 2022.

« Buch et son mari ont peut-être ouvert leur compte auprès d’IPE Plus Fund 1 le 5 juin 2015 à Singapour. Le fonds IPE est un petit fonds offshore mauricien créé par un directeur d’Adani par l’intermédiaire d’India Infoline (IIFL), une société de gestion de patrimoine liée au scandale de détournement de fonds de Wirecard », est-il souligné dans le rapport.

Quelques éléments du rapport

• Outre le fait qu’il aurait servi d’entonnoir pour l’argent de Vinod Adani, IPE Plus Fund avait d’autres liens étroits avec Adani. Le fondateur et directeur des investissements (CIO) du fonds IPE Plus était Anil Ahuja. À la même époque, Anil Ahuja était administrateur d’Adani Enterprises, où il a exercé trois mandats de neuf ans qui se sont terminés en juin 2017, après avoir été directeur d’Adani Power.
• Le 22 mars 2017, Dhaval Buch a écrit à l’administrateur du fonds mauricien Trident Trust, selon des documents reçus par Hindenburg Research d’un lanceur d’alerte. Le courriel concernait son investissement et celui de sa femme dans le Global Dynamic Opportunities Fund (GDOF).
• Le rapport initial d’Hindenburg Research identifie, parmi d’autres fonds, deux entités mauriciennes appelées EM Resurgent Fund et Emerging India Focus Funds. Ces deux entités étaient considérées comme des parties liées à India Infoline (aujourd’hui appelée 360 One) et supervisées par ses employés, selon ses rapports annuels.
• Les schémas de négociation de ces fonds suggèrent que les entités de stationnement d’actions et les entités offshore suspectes peuvent avoir artificiellement gonflé le volume et/ou le prix de certaines sociétés cotées en bourse par Adani.

Incohérence dans les répliques de 360-One WAM et de Madhabi Buch

Dans un communiqué daté du 11 août, 360-One WAM (anciennement IIFL Wealth Management) fait comprendre que son fonds IPE-Plus Fund 1, dans lequel Madhabi et Dhaval Buch ont investi, n’a pas fait de pari direct ou indirect sur les actions du groupe Adani pendant son mandat.

360-One WAM insiste que le fonds enregistré à Maurice, en l’occurrence, IPE-Plus Fund 1, se concentre sur les investissements en dette. « À son apogée, les actifs sous gestion du fonds ont atteint environ 48 millions de dollars, avec plus de 90 % du fonds investi en permanence dans des obligations », a déclaré la société. Celle-ci explique qu’aucun investisseur n’a participé aux opérations ou aux décisions d’investissement du fonds. Les participations de Madhabi et Dhaval Buch dans le fonds représentaient moins de 1,5 % du total des entrées dans le fonds.

Le 11 août, Madhabi Buch a publié une déclaration affirmant que son mari et elle avaient investi dans le fonds en raison de leur relation personnelle avec Anil Ahuja, le directeur des investissements. « La décision d’investir dans ce fonds a été prise parce qu’Anil Ahuja, directeur des investissements, est un ami d’enfance de Dhaval, ayant étudié ensemble à l’école et à l’IIT Delhi. Anil Ahuja, ancien employé de Citibank, J.P. Morgan, et 3i Group plc, a eu une carrière d’investisseur solide pendant de nombreuses décennies », a-t-elle expliqué.

Affaire Adani

En janvier 2023, Hindenburg Research a accusé le groupe Adani d’avoir orchestré la plus grande escroquerie de l’histoire des entreprises. Le groupe, qui comprend 38 entités et une dizaine de fonds basés à Maurice, principalement sous la forme de Global Business Companies, aurait utilisé un réseau de sociétés dans des paradis fiscaux pour gonfler ses revenus et manipuler les prix de ses actions. Ces fonds avaient été créés entre 1996 et 2012. Malgré les démentis du groupe Adani, les actions de ses entreprises ont chuté de manière significative après la publication du rapport d’Hindenburg Research.