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Se porter garant : droits, obligations, implications et risques

Se porter garant est une décision volontaire, mais cette décision comporte des risques.
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Il arrive parfois que nous souhaitions apporter notre aide à nos proches. Cependant, se porter garant pour un parent ou un ami dans le cadre d'un prêt ne doit pas être pris à la légère. En effet, les risques sont concrets et les conséquences peuvent être lourdes. En tant que garant, êtes-vous conscient de vos droits, de vos obligations, et des recours qui sont à votre disposition ? 

Me Shahzaad Mungroo apporte des éclaircissements à ce sujet.

Me Shahzaad Mungroo.
Me Shahzaad Mungroo.

Quel est le rôle de celui qui se porte garant pour un emprunteur ?

Le cautionnement est d’abord un contrat conclu entre la caution (le garant) et le créancier.  La caution s’engage envers le créancier à le payer au cas où le débiteur ne s’acquitte pas de ses dettes.  Le cautionnement crée donc une relation à trois personnes :  le créancier, la caution et le débiteur principal. Cependant, il  ne  crée  d’obligations  qu’entre  le créancier et la caution.

Le cautionnement est un acte juridique par lequel une partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent. Il doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme en toutes lettres et en chiffres.

Quels sont les droits, les implications et les risques ?

Comme indiqué ci-dessus, la caution n'est obligée envers le déficit du payeur qu'à défaut du débiteur. De ce fait, celui qui se rend comme garant d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même. 

Généralement, en cas de non-paiement de la dette, le créancier doit d'abord récupérer le montant de la dette auprès du débiteur principal. S’il reste encore des sommes dues après avoir effectué ce processus, ce n’est qu’à ce moment-là, que le créancier pourra s’adresser au garant. 

Existe-t-il une durée d’être garant ?

Le cautionnement est un contrat unilatéral entre le créancier et le garant et reflet de son caractère accessoire, le cautionnement peut s'éteindre par voie accessoire. L'extinction de l'obligation principale provoque celle du cautionnement. Cette idée s'explique par le caractère accessoire du cautionnement. Par conséquent, la caution est déchargée avec l'extinction de l'obligation du débiteur principal.

Qui peut se porter garant ?

Le cautionnement, comme tout contrat, doit être conclu entre personnes capables. De ce fait, le garant doit avoir la capacité de contracter. Ainsi en est-il du majeur et du mineur émancipé. Il doit aussi avoir un bien suffisant pour répondre de l'objet de l'obligation.

Les implications

Toutefois, dans le cas où le montant de la dette a été recouvré auprès du garant, celui-ci a alors le droit légal de réclamer ce montant à la personne pour laquelle il s'est porté garant. La caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur.  Cela prendra alors la forme d'une action civile contre la personne dont il s'est porté garant devant la juridiction compétente et prendra donc beaucoup de temps. 

Quant au garant, il se retrouve dans une situation de blocage dans la mesure où le créancier a déjà récupéré auprès de lui le montant de la dette et le recouvrement peut même prendre la forme de la vente des actifs du garant. Il est également important de noter que les engagements des cautions passent à leurs héritiers, si l'engagement était tel que la caution y fût obligée.

A-t-il des recours pour sortir de ce dilemme ? 

À moins que le contrat liant le créancier et le garant ne soit nul pour d'autres raisons, le garant sera lié par celui-ci. Bien entendu, le garant aura la possibilité de se défendre devant un tribunal lorsque le créancier intente une action pour récupérer le montant dû par le débiteur.

Des exceptions

Le garant bénéficie généralement des exceptions et peut tenter d'opposer des moyens de défense au créancier qui sont, parmi d'autres, le « bénéfice de discussion et de division ». Toutefois, il ne s’agit pas d’un principe absolu. Le bénéfice de discussion permet à la caution d'exiger du créancier qu'il saisisse et fasse vendre les biens du débiteur avant de l'actionner en paiement. En revanche, le bénéfice de discussion est refusé aux cautions solidaires et aux cautions commerciales (la solidarité étant alors présumée). Autant dire que la portée actuelle du bénéfice de discussion est considérablement réduite, puisque la majorité des cautionnements conclus aujourd'hui sont stipulés solidaires ou sont commerciaux. L'intérêt limité du bénéfice de discussion est accentué par son régime, relativement contraignant pour la caution. 

Le bénéfice de division permet à la caution d'imposer au créancier de diviser son action entre les cofidéjusseurs. Ce bénéfice, à l'instar du bénéfice de discussion, est ouvert à toutes les cautions. Sauf à l'exception des cautions solidaires et des cautions dont l'engagement est commercial. 

Il arrive que plusieurs institutions inscrivent dans le contrat des clauses spécifiques ayant pour effet que le garant renonce à cette protection.  S'il renonce à cette protection, le créancier a le droit légal de s'adresser directement au garant pour recouvrer le montant de la dette due en vertu du contrat.

Un garant peut-il se retirer quand il le souhaite ?

Non. Il existe un contrat dûment signé entre le garant et le créancier et ses termes ont des implications juridiques. De ce fait, le garant est lié par le contrat. Toute modification ou avenant doit être convenu d'un commun accord entre le garant et le créancier. Faute de quoi, les termes du contrat ne peuvent être modifiés unilatéralement par le garant. En fin de compte, il appartiendra à l'établissement qui accorde le crédit de décider s'il accepte un autre garant au lieu du garant initial.

Pourquoi la loi ne protège-t-elle pas le garant ?

Il est à noter que notre loi accorde une certaine mesure de protection au garant. Par exemple, comme indiqué ci-dessus, notre loi prévoit le « bénéfice de discussion » et le « bénéfice de division ». Toutefois, elle n’est pas absolue et les garants peuvent y renoncer eux-mêmes, ce qu’ils font dans la plupart des cas.

En renonçant au bénéfice de discussion et également en s'engageant solidairement avec le débiteur, les garants se rendent personnellement responsables de la totalité de la dette en souscrivant auxdites clauses contractuelles. Ainsi, le créancier a alors la possibilité de poursuivre le garant sans poursuivre au préalable le débiteur principal.

En outre, la caution qui a payé peut intenter une action contre le débiteur principal. 

Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts, s’il y a lieu. Dans une certaine mesure, la loi protège donc le garant. Cependant, il est vrai que dans d’autres juridictions, la loi a été modifiée pour offrir une protection supplémentaire au garant.

Tout récemment, il y a eu le cas de Garrioch & Anor v Bramer Banking Corporation dans lequel les garants étaient poursuivis par le créancier pour la somme de Rs 848 934. Des arguments ont été avancés selon lesquels le montant du prêt contracté par le débiteur principal était matériellement ou manifestement disproportionné par rapport aux maigres revenus et actifs des garants. De ce fait, ces derniers n'étaient pas en mesure de remplir leurs obligations de caution.

Ainsi, La Cour d'appel a estimé que contrairement à notre droit local, le droit français reconnaît « la responsabilité » du créancier envers la caution. Un amendement à la loi française a été apporté pour protéger la caution et prévoit un mécanisme permettant au débiteur et à ses principaux créanciers de trouver un accord à l’amiable en situation de surendettement d'un débiteur de bonne foi.

La loi française a été modifiée afin de protéger la caution et d'imposer à la banque, l'obligation de s'assurer que les actifs et les revenus de la caution sont proportionnés à la créance garantie. Le législateur a ressenti la nécessité de protéger non seulement le créancier, mais dans une certaine mesure, le garant.

Que proposez-vous et quels sont vos conseils ?

À Maurice, le législateur n’a pas encore jugé nécessaire de légiférer pour accorder une certaine forme de protection au garant comme cela a été le cas en France. Aucune protection équivalente n'a été accordée pour la caution par le législateur mauricien. En l'absence de ces amendements, il n'est pas loisible au tribunal mauricien de déroger au principe de protection du créancier existant en vertu du Code civil et de le remplacer par une protection supérieure des cautions.   

En ce qui concerne la protection prévue par notre droit, outre la protection existante, il est peut-être temps que le législateur apporte quelques modifications. L’objectif est d'accorder une protection supplémentaire aux garants, d'autant plus qu'il est bien connu que dans la plupart des cas, le contrat signé entre le créancier et les garants est un « contrat d'adhésion », par lequel le garant ne peut en négocier aucune condition.

Cela étant dit, les personnes désireuses de se porter garantes de leurs amis et de leur famille devraient être très conscientes des risques et des conséquences que cela implique avant de s'engager par voie contractuelle. De même, connaître et comprendre les termes du contrat est particulièrement important.

On peut parler d'améliorations ou de modifications, mais notre loi, telle qu'elle est, prévoit déjà une certaine mesure de protection pour les garants, mais il appartient aux personnes d'assumer l'entière responsabilité de leurs actes en sachant exactement sur quoi elles ont apposé leur signature.

Se porter garant est une décision volontaire et apposer sa signature sur un tel contrat n'est pas une simple formalité. Parfois, nous nous retrouvons en difficulté et nous devons assumer l’entière responsabilité du remboursement de la dette d’une autre personne alors que notre seule intention était de l’aider.



 

 

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