Trouver des preuves permettant de faire avancer une enquête. Tel est l’objectif du Scene of Crime Office (Soco). Idem pour le Forensic Science Laboratory (FSL). Incursion dans ces milieux.
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Examens de traces de sang, prélèvement d’empreintes, analyses d’explosifs et des résidus de tirs... Les officiers du Scene of Crime Office (Soco) ne laissent rien au hasard. Ils utilisent leurs compétences pour faire parler les indices relevés sur les lieux du crime. Objectif : identifier leurs auteurs.
« Ce métier a été popularisé par les séries télévisées. Mais en réalité, il est bien différent de l’image que lui donne le cinéma », estime l’assistant-surintendant de police Roshan Kokil, responsable du Soco. « Sens de l’observation, rigueur et attention aux détails sont des compétences requises dans ce métier », ajoute-t-il. Les officiers répartissent le travail entre scènes de crime et laboratoire. Ils ont reçu diverses formations données par des experts étrangers et le recrutement se fait au sein de la force policière.
Les principales missions du Soco, selon l’ASP Roshan Kokil, sont le repérage des indices sur une scène de crime, l’analyse des éléments récoltés, l’illustration décrivant la scène, l’identification des individus, des armes, des éléments balistiques et la mise en évidence des contrefaçons ou des falsifications de documents.
« La mission principale de la police scientifique est de tout mettre en œuvre afin qu’un indice devienne une preuve dans une enquête », explique-t-il.
« En sus des cas d’homicide, le Soco intervient dans diverses enquêtes traitant d’escroquerie, de pédophilie et de trafic de stupéfiants, des vols », poursuit-il.
Indices
Les tâches d’un enquêteur du Soco comprennent le prélèvement des indices sur des scènes de crime. Au laboratoire, les prélèvements sont analysés et des rapports rédigés. Des albums photographiques sont créés, ainsi que des données archivées.
« Les officiers ont droit à une formation continue à cause de l’évolution rapide et permanente de leurs outils de travail », dit-il. Le Soco se compose d’examinateurs de scène de crime, d’un dessinateur et de photographes et dispose d’équipements de pointe.
Pour le sergent Ravin Salabee, les officiers sont confrontés à des affaires très violentes. « Un technicien de la police scientifique doit pouvoir garder la tête froide et avoir le cœur bien accroché. C’est-à-dire, faire preuve de sang-froid, car on se rend sur des scènes de crime parfois odieux, insalubres ou malodorantes. On assiste à des autopsies et les cadavres font partie de notre quotidien », livre le sergent Salabee, un examinateur en scène de crime comptant 31 ans d’expérience. Les officiers sont formés en Angleterre et en France par la police technique et scientifique.
« On doit être disponible même les week-ends et les jours fériés. On sait quand on commence, mais jamais l’heure à laquelle on termine. On exerce round the clock », fait-il observer. Il faut être rigoureux, méthodique, précis et un bon observateur, indique l’examinateur. La curiosité, le vrai sens de l’organisation et de la procédure et surtout, la patience sont des qualités nécessaires pour faire avancer une enquête. « Bien que nos fonctions soient différentes, on a le sens du travail en équipe », soutient le sergent Salabee.
« Ce métier est passionnant et chaque cas est unique. On apprend beaucoup sur le terrain. On ne finit jamais d’apprendre », souligne l’examinateur.
Curiosité
Pour faire partie du département de la photographie, la personne doit avoir un esprit curieux, être extrêmement rigoureuse et faire preuve de disponibilité, fait ressortir Harry Mootoosamy, photographe et portraitiste.
« Je participe à diverses tâches : formation de collègues, intervention sur des scènes de crime, photos, autopsies et recherches », confie-t-il.
La photographie est un outil indispensable pour l’identification des suspects et des preuves. « Une image vaut mieux que mille mots. Donc, pour moi, l’illustration constitue le meilleur moyen de présenter une preuve matérielle », souligne le photographe.
« Les photos permettent de décrire l’état des lieux et de positionner les indices. Elles peuvent aussi servir de démonstration, d’identification, etc. », ajoute-t-il. Un photographe attaché à la police scientifique doit sans cesse s’adapter aux nouvelles technologies et aux nouvelles formes de délinquance.
Par ailleurs, le dessinateur épaule ses collègues. « Le plan illustrant les lieux n’est pas un plan d’architecte, mais une esquisse. Celle-ci présente fidèlement l’aspect des lieux et des indices pour faire avancer l’enquête », livre le sergent Sathivel Ramsamy. Cela fait environ quinze ans que ce dessinateur, comptant 34 ans de service dans la force policière, a intégré le Soco.
Cette unité de la police a été fondée en 1999. Son quartier général est à Rose-Hill et il a trois branches à travers l’île, notamment un pour l’Ouest (basses Plaines-Wilhems et Port-Louis sud), un autre pour le Centre et le Sud (hautes Plaines-Wilhems jusqu’au sud de l’île) et le dernier pour le Nord (Port-Louis nord, Piton et Flacq).
Il y a aussi une branche à Port-Mathurin, Rodrigues. « Un quatrième local du Soco sera ouvert à Quartier-Militaire bientôt. Ici, nous avons 70 personnes : l’ASP, deux inspecteurs et deux sous-inspecteurs, cinq sergents, huit caporaux, cinq policières et le reste, des policiers », détaille l’ASP Kokil.
Tout comme l’ASP Kokil, la directrice du FSL demande au public d’éviter toute ingérence sur une scène de crime. « Cela pour faciliter la procédure de prélèvement des traces et indices. Sinon, il y a des risques de contamination. Les personnes découvrant une scène de crime, qui sont souvent des proches ou des voisins, peuvent laisser des traces de leur passage », souligne le patron du Soco.
Les premiers gestes consistent généralement à courir vers la victime et à appeler les secours pour tenter de sauver la victime, qui peut être toujours être en vie. « Les secouristes eux-mêmes, qui manipulent la victime pour tenter de la sauver, laissent des traces, des empreintes, des cheveux sur la scène de crime, modifient l’emplacement des victimes et des objets, et compromettent potentiellement l’enquête. Et leurs empreintes sont aussi prélevées. Cela retarde les choses », estime Vidhu-Madhub Dassyne.
Forensic Science Laboratory (FSL)
Fondée en 1950, la FSL, ou science forensique, est constituée d’un ensemble de principes scientifiques, ainsi que des techniques appliqués pour faire avancer une enquête criminelle. L’objectif est de prouver l’existence d’un crime et d’aider la justice à déterminer l’identité de l’auteur, aussi bien que son mode opératoire.
Pour Vidhu Madhub-Dassayne, directrice du FSL, rien n’échappe à la police scientifique. Car, selon elle, le crime parfait n’existe pas. Ce département n’a pas droit à l’erreur et a pour client la vérité.
« Nous travaillons sous l’égide du bureau du Premier ministre, en étroite collaboration avec les techniciens du Soco. Chez nous, l’investigation est minutieuse et sérieuse. Notre travail est formidable, car nous aidons la justice», confie la directrice du FSL.
« Chez nous, aucun dossier n’est clos. Il reste “on hold”, car la recherche et le traitement des données sont à la base de l’ensemble des activités très diverses. On fait bouger les choses. Mon personnel est très compétent et nous avons appris à développer l’écoute et la communication. On vit la tragédie humaine quotidiennement. Nous permettons aux familles de faire leur deuil. C’est un sentiment très puissant », souligne Vidhu Madhub-Dassyne.
« Pour faire partie de l’équipe, il faut avoir un diplôme dans le domaine des sciences forensiques. Il faut savoir maîtriser sa peur et l’anxiété. Il faut aussi sortir de la zone de confort et think out of the box », dit la patronne du FSL. Éliminer les retards et donner des résultats dans les temps restent un gros défi.
Recueil de données
« Je veux que la haute technologie soit au service de notre travail. J’ai la vision de faire de mon département un centre d’excellence, assurant un service rapide et structuré. J’envisage aussi de développer les ressources humaines et de cultiver le sens du professionnalisme », ajoute-t-elle.
Le chantier est vaste et le travail ne fait que commencer. « Nous n’évoluons pas dans le secret. Nous sommes discrets, car la protection de la confidentialité est primordiale », poursuit-elle.
« L’identification des récidivistes est la forme la plus connue de ce schéma de base. À partir d’une nouvelle situation ou d’un nouveau cas, dont on a démontré l’existence, il s’agit d’identifier des auteurs connus pour leurs antécédents. Enfin, lorsque des objets sont retrouvés ou des personnes suspectées, il est important de retrouver tous les cas dans lesquels ils ont participé », explique-t-elle.
« Potentiellement, toutes les traces laissées par les auteurs d’un crime peuvent être exploitées. Toutefois, le recueil des données sur les lieux est parfois incomplet, imprécis et les traces prélevées sont souvent fragmentaires. Avec différentes techniques de recherche, on a le potentiel d’exploiter des traces d’outils, d’éclats de peinture, de pas, de balles, l’ADN, l’écriture, entre autres. Ainsi, avec les données des empreintes digitales stockées, on peut mettre la main au collet de l’auteur », ajoute-t-elle.
La patronne du FSL explique que, lorsque le décès d’une personne est constaté, on essaye de déterminer son identité. « Trouver d’identité du défunt dans le cadre d’un homicide peut conduire à l’auteur, sachant que la forte majorité des meurtriers connaissent leur victime », dit-elle.
Un autre élément de l’enquête criminelle, indique la directrice du FSL, est la détermination d’un type d’objet à partir d’un indice trouvé sur les lieux du crime. « À titre d’exemple, dans le domaine des délits de fuite, on connaît rapidement la marque et le modèle du véhicule impliqué. Cela est possible grâce aux éclats de peinture ou les traces de roue retrouvées sur les lieux ou même sur le corps de la victime », explique-t-elle.
La directrice du FSL admet que les sciences forensiques dépendent de l’informatique, afin de mettre en œuvre des techniques avancées pour augmenter leur efficacité. Elle estime, toutefois, que la trace constitue une information élémentaire sur une histoire de crime.
Compétences
« Pour exercer ce métier, il faut que l’enquêteur analyse les données et juge l’information avec un œil critique. Il traite les problèmes de manière autonome et cherche des solutions. Il a un esprit d’équipe et partage des avis et des idées avec ses collègues », dit-elle. Elle ajoute qu’« un officier des sciences forensiques doit respecter la confidentialité, enrichir ses compétences, approches et connaissances ».
Vidhu Madhub-Dassyne, une professionnelle hors pair
Âgée de 58 ans, Vidhu Madhub-Dassyne est mariée et mère de deux fils. Elle compte 31 années au sein du FSL. Pionnière dans la conduite des tests ADN, elle a aussi développé des tests pour des drogues de synthèse. La patronne du FSL détient, entre autres, un BSc Human Biology de l’université d’Oxford et un Msc Forensic Science de la Strathdyde University, de Glasgow.
Les diverses disciplines d’expertise du FSL :
- Balistique : analyses d’empreintes laissées par des armes à feu, les composantes de cartouches, les résidus de tir et la trajectoire des projectiles.
- Biologie : prélèvements et analyse, comme le sang, le sperme, les cheveux, les poils, pour l’identification et la comparaison et des analyses d’ADN, entre autres.
- Documents : examen de documents suspectés d’être falsifiés ou contrefaits, en vue d’en établir l’authenticité.
- Explosion : établir l’origine et la cause du sinistre.
- Incendie : détection de microtraces de liquides inflammables, qui permettent de déterminer l’origine et la cause de l’incendie.
- Médecin légale : Déterminer les causes et mieux comprendre les circonstances d’un décès survenu dans des conditions obscures.
- Chimie judiciaire : examen de matériaux comme la peinture, le plastique, les vêtements et les fibres, qui mettent en évidence des actes criminels.
- Toxicologie : recherche de la présence de drogue, de médicament, de poison, d’alcool, etc. dans des cas d’agression sexuelle, de meurtre et de mort suspecte, entre autres.
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