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Santé publique : les «oubliés» de l’amiante

Photos prises lors d'une visite de la députée du MMM, Joanna Bérenger, à Henrietta, mardi 30 janvier.

Des milliers de Mauriciens vivent toujours dans des conditions précaires, exposés aux dangers de l’amiante. L’inaction du gouvernement suscite l’inquiétude des habitants des cités ex-CHA et l’indignation de l’opposition.

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Il est prouvé depuis plus de 30 ans que l’amiante est excessivement nocif pour la santé. Pourtant, des centaines, voire des milliers de Mauriciens vivent toujours dans des maisonnettes construites en amiante, dispersées dans 43 cités ex-CHA. Malgré un budget de Rs 800 millions pour l’année 2022-23, tous les logements n’ont pas encore été détruits en vue d’une reconstruction.

« On tourne en rond depuis des années. Malgré les promesses gouvernementales de démolir ces maisons, rien ne se fait. Lorsque nous cherchons des informations, personne ne semble être au courant. Chacun se renvoie la balle », déplore Naren. Sa mère réside à Poudre-d’Or, l’une des 43 cités ex-CHA/EDC (Central Housing Authority/European Development Community) construites au début des années 60 après le passage du cyclone Carol. À l’époque, l’amiante était populaire en raison de son coût abordable et de sa robustesse relative. Cependant, ce n’est que plus tard que des études scientifiques ont prouvé que la poussière d’amiante représente un danger réel pour la santé.

Tout comme plusieurs autres centaines de personnes, la mère de Naren réside dans l’une de ces vétustes habitations éparpillées à travers l’île, qui auraient dû être démolies depuis bien des années déjà, car elles présentent un danger réel pour les habitants. Joanna Bérenger, députée du MMM, s’est rendue dans l’une de ces cités mardi pour un état des lieux.

« C’est pitoyable »

« Certaines maisons sont devenues inhabitables en raison de l’amiante qui s’effrite. Beaucoup de gens m’ont confié être tellement fatigués d’attendre qu’ils ont entrepris eux-mêmes la démolition. Cependant, cela pose un sérieux problème car des procédures spéciales sont nécessaires pour manipuler l’amiante, la poussière d’amiante pouvant provoquer le cancer lorsqu’elle est inhalée », a déclaré Joanna Bérenger. La députée du MMM s’est rendue à Henrietta, dans l’une de ces cités, mardi, pour évaluer la situation et constater que des personnes vivent dans des conditions insalubres et potentiellement dangereuses pour leur santé.

« Le gouvernement ne fait rien. C’est pitoyable. Ce n’est pas évident pour ces gens de vivre dans une maison qui représente un danger pour leur santé », dit l’élue mauve. Les chiffres relatifs au nombre de maisons concernées semblent fluctuer selon les sources au sein des autorités. Certains avancent une centaine de maisons, tandis que d’autres évoquent près de 2 000 habitations.

Dans son discours du Budget 2022-23, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, déclarait que « pour l’élimination complète de l’amiante, nous allons reconstruire quelque 1 800 maisons ex-CHA pour un montant de Rs 800 millions au cours des deux prochaines années ». Depuis, peu de logements auraient été détruits pour être reconstruits.

Le 29 novembre 2022, en réponse à une question parlementaire de Joanna Bérenger, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, devait réitérer l’intention du gouvernement de reconstruire 1 800 maisons. Le 7 décembre 2021, en réponse à une interrogation de la députée mauve, le ministre de l’Environnement, Kavy Ramano, indiquait que «sur les 3 113 logements contenant de l’amiante, 1 303 ont déjà été démolis et reconstruits par leurs propriétaires».

Il précisait que sur les 1 810 logements restants, 1 551 avaient subi des extensions, 31 étaient en bon état et toujours occupés, 93 étaient en mauvais état, mais toujours occupés, et 135 étaient en mauvais état et inoccupés. Entre 2015 et 2021, période où les autorités étaient conscientes des risques, 182 logements avaient été démantelés, ajoutait Kavy Ramano.

Reeaz Chuttoo, président de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP), milite depuis plus de 20 ans pour la démolition de ces logements remplis d’amiante. « Il y a eu beaucoup d’effets d’annonce par le gouvernement, mais on progresse à petits pas. Les maisons des cités EDC allaient être démolies, mais toujours rien. J’ai entendu que le gouvernement attend de construire d’autres logements pour reloger ces personnes. Depuis l’annonce des Rs 800 millions, très peu ont été démolis. »

Passivité des autorités

Selon ses calculs, depuis les années ’60, environ 40 000 personnes auraient été directement exposées à de l’amiante. Il prend comme preuve d’une certaine passivité des autorités le fait que certaines toitures de l’hôpital Victoria en amiante n’ont toujours pas été enlevées. « Pourtant, en 2015, une somme de Rs 100 millions avait été budgétée pour tout enlever », dit Reeaz Chuttoo. Le bâtiment Emmanuel Anquetil, Port-Louis, fréquenté par des milliers de fonctionnaires et membres du public chaque jour, « contient toujours beaucoup d’amiante », ajoute le dirigeant syndical.

Dans une réponse parlementaire datée du 10 mai 2022, Steven Obeegadoo, Premier ministre adjoint et ministre du Logement, a souligné que la situation est « bien plus complexe qu’il ne le semble ». Il a ajouté qu’« outre les fonds nécessaires pour reloger les familles en attendant la reconstruction de leurs maisons actuelles, plusieurs obstacles se présentent ».

« C’est un dossier sur lequel je travaille depuis deux ans. Prenons l’exemple des maisons, comme c’est souvent le cas des anciennes cités ouvrières, dont les propriétaires ne sont plus présents, mais où il existe de multiples héritiers, certains résidant à l’étranger, d’autres dispersés à travers le pays sans un affidavit de succession ni les documents nécessaires. Déjà, les propriétaires éprouvent des difficultés à remplir les documents requis pour bénéficier de l’aide de l’État », dit le PM adjoint.

Il a également mentionné « la réticence des gens à quitter leur maison. Souvent, ces personnes ne sont pas conscientes du danger, et parfois le risque n’est pas immédiat si ces maisons ont été correctement entretenues. »Steven Obeegadoo a souligné que « les responsabilités sont disséminées entre trois ministères au moins : Collectivités locales, Environnement et Logement. »

 

 

 

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