
- Le projet déployé au SAJ Hospital dans un premier temps
Annoncé depuis une vingtaine d’années, le projet E-health dans le service de santé public devrait bientôt être une réalité. La première phase sera mise en œuvre dans environ deux mois, probablement à partir du 1er août, au Sir Anerood Jugnauth National Hospital (SAJ Hospital), qui couvre une population d’environ 375 000 habitants. « C’est un grand pas en avant que nous avons accompli, alors que le projet était resté en suspens depuis une décennie », affirme le ministre de la Santé, Anil Bachoo.
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Il a présidé une réunion consacrée au projet E-health le lundi 9 juin, en présence du ministre des Technologies de l’information, de la Communication et de l’Innovation, Avinash Ramtohul. Cette rencontre a permis de faire le point sur l’état d’avancement du projet et d’examiner les prochaines étapes.
Après le lancement à l’hôpital SAJ, le projet sera progressivement étendu aux autres hôpitaux régionaux. « Il n’est pas possible de mettre en place le projet dans tous les hôpitaux en une seule fois. Nous procéderons par étapes, mais dans très peu de temps, nous aurons tout complété », précise le ministre.
Selon Anil Bachoo, la mise en œuvre du projet permettra de résoudre plusieurs problèmes récurrents. Actuellement, l’archivage manuel rend la recherche de dossiers médicaux longue et incertaine. Grâce à la numérisation, toutes les informations des patients seront désormais centralisées et facilement accessibles, ce qui éliminera les pertes ou recherches fastidieuses.
Le ministre de la Santé est catégorique : le projet E-Health est à la fois réalisable et indispensable.
« De nombreux pays ont adopté le système de E-health, et je pense que nous ne pouvons pas faire sans. » Il reconnaît que le ministère de la Santé fait souvent l’objet de critiques, notamment en raison de la diminution du personnel. « Il était important de moderniser le système et de tout numériser pour éviter les problèmes à l’avenir. C’est très important pour Maurice », insiste-t-il.
Le « soft launch » prévu au SAJ Hospital, évoqué lors du Conseil des ministres du 16 mai, s’inscrit dans le cadre des mesures budgétaires 2025-2026 visant à intégrer des solutions de santé numériques : dossiers médicaux électroniques, télémédecine, ordonnances dématérialisées. L’objectif est clair : améliorer l’accès aux soins et leur efficacité.
Mis en œuvre en partenariat avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), le projet vise à instaurer un système de gestion de l’information de santé moderne, intégré et sans papier, dans tous les établissements publics. Il repose sur le principe « Un patient, un dossier », applicable dans les hôpitaux, mediclinics, Area Health Centres et Community Health Centres.
Selon nos informations, le déploiement du projet se fera de manière progressive, en parallèle avec le système actuel, avant son retrait total. Pour encadrer cette transition, le gouvernement a approuvé la création d’une Digital Health Agency, chargée de la gestion centralisée, efficace et durable du projet, ainsi que des autres initiatives numériques du ministère de la Santé. Cette agence est dirigée par Sarwansingh Purmessur, Senior Chief Executive du ministère.
Malgré l’annonce de ce lancement imminent, peu d’informations circulent à ce jour sur le projet, qui a nécessité d’importants investissements. Une dotation de Rs 180 millions figurait au Budget 2023-24 pour un lancement initial à l’hôpital Jawaharlal Nehru. Le PNUD y a contribué à hauteur de Rs 121,8 millions, avec un soutien additionnel de Rs 18,85 millions du gouvernement japonais. Le ministère de la Santé a injecté Rs 135,3 millions supplémentaires. Au total, le Public Sector Investment Programme (PSIP) 2023-24-2025-26 prévoit Rs 633 millions, réparties en Rs 367 millions pour les logiciels, Rs 266 millions pour les équipements, et Rs 75 millions pour les réseaux informatiques internes. D’autres investissements sont programmés jusqu’en 2028, avec Rs 123 millions allouées au « software » et Rs 175 millions au « hardware ».
Stade embryonnaire
Sur le terrain, toutefois, au SAJ Hospital, la mise en œuvre du E-health est encore à peine perceptible. Certains estiment que le projet est encore à un stade embryonnaire. Le Dr Meetheelesh Abeeluck, président de la Government Medical and Dental Officers Association (GMDOA), souligne que la numérisation complète prendra du temps, notamment en raison du grand volume de dossiers papier à traiter.
Il insiste sur la nécessité d’une communication claire au public et d’une démonstration du fonctionnement du système. Il déplore l’absence de communication officielle du ministère aux médecins ou syndicats et soulève également plusieurs questions : « Qu’est-ce qui sera lancé exactement ? Est-ce que ce sera uniquement pour les urgences, les enregistrements ou les résultats médicaux ? Quels départements seront concernés ? »
Malgré les incertitudes, il reste convaincu des bénéfices du E-Health : meilleure prise en charge, suivi renforcé, réduction du gaspillage de médicaments, meilleure gestion des stocks, et accès rapide aux antécédents médicaux via la carte d’identité nationale. Une base de données centralisée permettra d’éviter les consultations multiples pour un même problème.
Le Dr Abeeluck rappelle que le système fonctionne déjà à Rodrigues, et que le stockage des données sur le Cloud en garantit la sécurité, même en cas de sinistre. Mais il insiste : la protection des données personnelles est primordiale. « C’est au ministère de la Santé, ou au ministère des Technologies de l’information, de désigner un Data Controller responsable de garantir la confidentialité des informations médicales conformément au Data Protection Act », dit-il.
Des défis persistants
Sur le plan des ressources humaines, le Dr Abeeluck avertit que le manque de personnel risque de ralentir la mise en œuvre du projet. En effet, plusieurs patients ont parfois plusieurs dossiers, qu’il faut compiler avant leur intégration dans le système. Il préconise de former non seulement les Records Officers, mais également les médecins, infirmiers, pharmaciens, et tout le personnel impliqué dans le processus.
Il appelle également à mettre fin à la saisie manuelle des données, condition indispensable pour une base de données cohérente. Selon lui, le système privé et des institutions comme la MRA peuvent servir d’exemple.
Du côté du personnel administratif, une employée du Records Department confirme que le comptoir des enregistrements est prêt, mais que les modalités du lancement restent floues. Jusqu’ici, seuls les Records Officers ont été formés. Le système, hybride dans un premier temps, associera dossiers physiques et numériques. La numérisation se fera progressivement.
En somme, l’E-Health se profile comme une réforme majeure, mais encore nébuleuse. À quelques semaines de son lancement, les attentes restent fortes, les questions nombreuses et la transparence encore insuffisante.

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