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Sanjay Matadeen, économiste : «Le GM pourrait accorder Rs 600 à Rs 800 aux salariés touchant moins de Rs 20 000»

Dans un contexte économique encore fragile, Sanjay Matadeen, économiste et senior lecturer à la Middlesex University Mauritius, estime que la compensation salariale ne sera pas uniforme, mais graduée selon les revenus. Selon lui, le gouvernement devrait, comme par le passé, apporter un soutien ciblé aux PME pour leur permettre d’honorer cette mesure.

La réunion tripartite sur la compensation salariale, qui sera présidée par le Premier ministre, se tiendra ce jeudi 11 décembre. Dans quel climat économique et social intervient cette rencontre cruciale ?
La conjoncture économique reste difficile. Chaque semaine, à l’Assemblée nationale, on apprend que certains projets peinent à démarrer en raison de contraintes budgétaires. C’est dans ce contexte, marqué par la volonté du gouvernement de maîtriser les dépenses publiques et de réduire le déficit de la balance des paiements, que se tient cette réunion tripartite.
Cela dit, la compensation salariale est une ’cost of living allowance’. Elle vise à compenser la perte de pouvoir d’achat des travailleurs face à l’inflation enregistrée en 2025, afin de les aider à faire face à la hausse des prix. Un point positif à noter : l’inflation montre une tendance à la baisse.

L’inflation officielle est estimée à 3,7 % pour 2025, un chiffre vivement contesté par les syndicats, qui affirment qu’il ne reflète pas la réalité vécue par les ménages. Qu’en pensez-vous ?
Une inflation de 3,7 % ne signifie pas que les prix ont cessé d’augmenter. Les prix continuent bel et bien de grimper, mais à un rythme moins soutenu que les années précédentes. C’est ce qu’il faut comprendre. 
Actuellement, l’inflation se situe dans la fourchette cible de 2 à 5 % fixée par la Banque de Maurice. À l’échelle internationale, un taux inférieur à 5 % est généralement considéré comme sous contrôle. Autrement dit, même si les prix poursuivent leur hausse, celle-ci est désormais plus modérée et contenue par rapport aux années passées.

Environ 103 700 salariés touchent moins de Rs 18 000 mensuellement, alors que le coût de la vie ne cesse d’augmenter. Faut-il, selon vous, aller au-delà de la simple compensation pour soulager les bas revenus ? 
Je pense que le montant de la compensation ne sera pas uniforme, mais plutôt gradué, en fonction des niveaux de revenus. Cette approche a déjà été adoptée par le passé, avec une pleine compensation - équivalente au taux d’inflation - accordée aux salariés touchant moins de Rs 20 000, tandis que d’autres tranches recevaient des montants différents.

Il faut bien faire la distinction : la compensation salariale n’est pas une augmentation de salaire. Les augmentations salariales relèvent des négociations entre employeurs et employés, comme ce sera le cas dans le cadre du PRB et du NRB. La ‘cost of living allowance’ repose uniquement sur l’inflation observée.

On peut donc estimer que le gouvernement pourrait accorder une compensation complète, de Rs 600 à Rs 800, pour ceux qui gagnent moins de Rs 20 000.

D’un côté, les syndicats exigent une compensation entre Rs 855 et Rs 1 792. De l’autre, les entreprises plaident l’incapacité financière de certains secteurs à absorber ce coût additionnel. Vos commentaires ? 
Il est normal que les syndicats défendent les intérêts de ceux qu’ils représentent, c’est-à-dire les employés. Du côté des entreprises, certains secteurs s’en sortent très bien, tandis que d’autres, notamment les PME, rencontrent des difficultés de trésorerie et de rentabilité, ce qui rendra plus difficile le paiement d’une compensation salariale.

Le gouvernement devra tenir compte de plusieurs éléments : la capacité des entreprises à absorber ce coût, l’impact de la mesure sur l’économie, mais aussi de manière plus globale. Il est tout aussi essentiel de penser aux salariés les plus vulnérables, qui subissent de plein fouet l’érosion de leur pouvoir d’achat.

Selon les estimations de Business Mauritius, une compensation salariale versée à l’ensemble des employés coûterait près de Rs 9,2 milliards au secteur privé… 
Il faudra laisser le comité tripartite aller au bout de son exercice et prendre une décision éclairée. Je pense qu’il aboutira à un chiffre raisonnable, probablement moins élevé que ce que redoute le patronat. Comme ça a déjà été fait dans le passé, le gouvernement apportera sans doute un soutien ciblé aux PME pour leur permettre de s’acquitter de la compensation salariale. 

Il est aussi temps de dépasser l’argument de l’incapacité à payer. Plusieurs secteurs ont vu leurs revenus croître grâce à l’inflation. Le secteur bancaire, le tourisme ou encore les services financiers peuvent amplement payer la compensation. Il s’agit de trouver un équilibre. Il faut prendre en compte non seulement les contraintes économiques, mais aussi la stabilité sociale. On ne peut pas laisser les travailleurs continuer à subir la hausse du coût de la vie sans soutien, au risque de créer d’autres problèmes. 

Les syndicats réclament l’inclusion des salariés touchant plus de Rs 50 000 dans le mécanisme de compensation, estimant qu’ils subissent eux aussi l’érosion du pouvoir d’achat. Avec 56 600 personnes concernées selon Statistics Mauritius, quelle est votre position sur ce point ?
Je ne pense pas qu’une compensa­tion de 3,7 % sera appliquée unifor­mément à toutes les tranches salariales. En revanche, il est tout à fait envisageable de reprendre le modèle utilisé par le passé : accorder une compensation équivalente à 3,7 % aux salariés touchant moins de Rs 20 000, et un montant fixe pour ceux percevant un salaire supérieur à ce seuil.

 

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