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Sanctions, lois en vigueur, lacunes… : tout savoir sur le blanchiment d’argent en 11 points 

Me Robin Pothiah déplore le fait que les garde-fous eux-mêmes comportent des lacunes.

Le blanchiment d’argent continue à prendre de l’ampleur. Mais la chasse à l’argent sale, aussi difficile puisse-t-elle être, se poursuit malgré tout. Où se situent les lacunes ? Comment combattre ce mal ? Quelles sont les sanctions prévues ? Me Robin Pothiah apporte des éclaircissements. 

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1 Le blanchiment d’argent, c’est quoi ?

Me Robin Pothiah explique qu’il s’agit d’un processus servant à cacher l’origine des sommes d’argent obtenues au moyen d’activités illicites, telles que le trafic de drogue et la corruption, entre autres, en les blanchissant pour les faire devenir des sources légitimes. Cela peut être sous forme de bénéfices commerciaux, de construction immobilière et de gains aux casinos, entre autres.

2 Les techniques utilisées par les trafiquants de drogue 

Selon Me Robin Pothiah, il existe plusieurs techniques. Il indique que la plus commune et la plus simple est de blanchir les fonds avant de les présenter comme les bénéfices d’une entreprise, laquelle a, en général, un volume élevé de transactions en espèces. 

Cela peut provenir de la gestion d’un restaurant, d’un magasin, d’une station de lavage de voitures et de gains obtenus dans des casinos, entre autres. L’avocat ajoute que cet argent peut être mélangé aux bénéfices légitimes d’une entreprise légale. 

Il ajoute que l’argent dit sale est souvent déposé en espèces dans un pays complaisant. L’enjeu, selon lui, est souvent de rapatrier cet argent à Maurice à travers un fonds d’investissement par des petites sociétés-écrans. 

Un exemple, selon lui, est le fait de s’autoproclamer locataire de sa propre propriété à travers une société-écran. Souvent, de telles entreprises trouvent leur chemin dans le circuit immobilier à Maurice où l’argent est parfois aussi investi dans des « Hotel Schemes ».

3 Des garde-fous pour contrecarrer le fléau

Me Robin Pothiah affirme qu’il y a plusieurs lois en vigueur pour combattre le blanchiment d’argent : la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA), la Prevention of Corruption Act (PoCA) et l’Assets Recovery Act, entre autres. 

Il ajoute qu’il y a aussi l’Anti-Money Laundering and Combatting the Financing of Terrorism (Miscellaneous Provisions) Act 2020, laquelle a été amendée pour renforcer d’autres lois telles que la Banking Act, la Dangerous Drugs Act, la Good Governance and Integrity Reporting Act, la FIAMLA et la Notaries Act. Ces lois, poursuit l’homme de loi, visent à contrecarrer le blanchiment d’argent qui prend de l’ampleur.

4 Où se situent les lacunes ? 

Me Robin Pothiah déplore le fait que les garde-fous eux-mêmes comportent des lacunes. « Je prends un exemple qui revient souvent : le financement politique. Il n’y a pas de transparence. On ignore qui a fait des dons, ni d’où provient l’argent. »

L’avocat décrie également un manque de contrôle dans le transfert des biens immobiliers qui se fait souvent en utilisant des « prête-noms ». Exemple : le transfert d’argent sur le compte d’un prête-nom ou du fondateur d’une entreprise jusqu’à que cette transaction soit légale. Beaucoup se font toujours en espèces pour éviter de laisser des traces.

5 Les propositions 

Pour Me Robin Pothiah, il faut promulguer des lois sur le financement politique et conférer à la Financial Intelligence Unit (FIU) le droit de pouvoir, sans avoir à obtenir un ordre de la cour, geler des comptes suspectés d’être liés à du blanchiment d’argent. « Car pour obtenir un ordre de la cour, cela peut prendre du temps, ce qui donne au blanchisseur une occasion unique de transférer des fonds illicites en dehors de notre juridiction. » 

Autre proposition de l’avocat : les autorités doivent pouvoir enquêter sur les richesses disproportionnées et les propriétaires immobiliers qui utilisent des « prête-noms ». 
Me Robin Pothiah propose aussi que nos institutions puissent travailler en toute sérénité, sans crainte de représailles. « En Inde, par exemple, la Financial Investigation Agency a découvert des millions de dollars et des lingots d’or chez un ministre. » 

Si l’avocat concède que la monnaie numérique résout en partie le problème des transactions en espèces, il estime néanmoins qu’il y aura toujours des prête-noms qui seront utilisés dans ce cadre de transactions illicites.

6 Que dit la loi ? 

Selon Me Robin Pothiah, toute personne qui s’engage dans une transaction qui dérive directement ou indirectement d’un délit illicite commet le délit de blanchiment d’argent.

7 Sanctions  

« Toute personne qui est reconnue coupable de blanchiment d’argent est passible d’une amende ne dépassant pas Rs 10 millions et d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas vingt ans », indique Me Robin Pothiah.

8 Qu’advient-il de l’argent et des biens d’un trafiquant de drogue quand il est condamné ? 

Me Robin Pothiah explique que la cour peut ordonner la confiscation de l’argent et des biens d’un trafiquant de drogue après qu’il a été condamné pour blanchiment d’argent.

9 La personne peut-elle contester la saisie de ses biens ?  

Une contestation, souligne Me Robin Pothiah, est toujours possible. Cependant, souligne-t-il, elle peut se faire uniquement si la personne arrive à établir que ses biens ou son argent, qui font l’objet d’une enquête, ne font pas partie d’un délit.

10 Les lois du pays sont-elles suffisamment dissuasives ? 

Me Robin Pothiah dit constater que la lutte contre le blanchiment d’argent, qui a été enclenchée il y a longtemps, a, dans la foulée, été néfaste pour le secteur financier et social du pays. Maurice a d’ailleurs figuré pendant un certain temps sur la liste grise du Groupe d’Action Financière (GAFI). « Heureusement qu’il a été retiré de cette liste en adoptant les recommandations du GAFI. Ce qui lui a permis, par ricochet, de quitter la liste noire de l’Union européenne. » 

L’avocat est d’avis que les lois de Maurice, dans leur forme actuelle sont bien conçues pour lutter contre le fléau du blanchiment d’argent. Il trouve d’ailleurs très louable d’avoir cette panoplie de lois. « Mais à quoi bon les avoir si on ne les utilise pas quand il faut ? », se demande-t-il. 

Il estime que les institutions qui devraient appliquer ces lois ne le font pas. Pourquoi ? « Il y a une perception selon laquelle il y a de l’ingérence politique. Cela crée un dysfonctionnement dans la lutte contre le blanchiment d’argent et empêche nos institutions, créées pour combattre ce fléau, de faire leur travail comme il se doit. » 

Il ajoute qu’on entend, par exemple, souvent dire qu’il y a eu des ingérences politiques dans des affaires présentées à l’Independent Commission against Corruption. « Cela crée une perception dans la tête des gens qui se demandent alors pourquoi l’enquête n’a pas abouti. Malheureusement, si rien n’est fait, cette perception devient une triste réalité », martèle-t-il.

11 Que proposez-vous ?

Me Robin Pothiah soutient que les lois ont été introduites, amendées et renforcées au fil des années pour lutter contre le blanchiment d’argent. Mais pour que le système soit viable et solide, il est d’avis que les institutions doivent utiliser les outils qui leur sont donnés de manière plus vigoureuse. « Elles doivent aussi travailler ensemble pour une meilleure efficacité. » Il estime que la formation continue des professionnels, tant du secteur privé que de la fonction publique, est primordiale vu que le blanchiment d’argent est un crime très complexe. « Cela demande beaucoup de savoir-faire pour les déceler », précise l’homme de loi. Il prévient qu’il faut toujours être aux aguets car les blanchisseurs essaieront toujours de trouver de nouvelles formules pour poursuivre leur crime.

 

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